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Le bois alpin s’impose dans le circuit court de la construction

Par Rémi Baldy, le 11 juin 2020

Journaliste

L’association Bois des Alpes s’active depuis une dizaine d’années pour que les charpentiers, scieries et organismes publics s’approvisionnent dans ce vaste massif forestier compris entre les régions Paca et Auvergne-Rhône Alpes. Cela concerne aujourd’hui une centaine de bâtiments. Et une véritable filière économique a vu le jour.

 

Du pic de la barre des Écrins jusqu’aux plages varoises en passant par les plateaux de lavandes de Valensole, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur offre sur plus de 30 000 km2 une large diversité de paysages. Mais au-delà de ces panoramas que l’on retrouve sur les cartes postales, ce territoire se compose de beaucoup… de forêts.  « La région Provence-Alpes-Côte d’Azur possède le 2e taux de boisement le plus élevé de France, avec 51% de sa surface totale boisée », d’après l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). Un massif auquel on associe instinctivement pins sylvestres ou pins d’Alep. Mais la partie alpine de la région abrite également de l’épicéa ou du sapin, très demandés dans la construction.

Une ressource qui avait le potentiel pour devenir une filière, selon Bois des Alpes. Cette association réunit ainsi depuis 2008 les acteurs de la forêt et du bois de construction pour développer l’exploitation du massif alpin français, aussi bien en Paca qu’en Auvergne-Rhône-Alpes. « Nous avons développé une certification sur chaque maillon de la chaîne afin de garantir la traçabilité depuis le départ et pendant la transformation », explique Jérôme Voutier, vice-président de l’association.

 

Trois critères pour être certifié

Aujourd’hui, Bois des Alpes recense 82 entreprises. Cette liste comprend des scieries, des menuiseries, des agences de négoce, des constructeurs ou encore des spécialistes du lamellé. Tous répondent à trois critères précis. Le premier correspond assez logiquement à un approvisionnement dans le massif éponyme. Il s’étend sur huit départements, comme le montre cette carte de l’observatoire de la forêt méditerranéenne :

Autre exigence, celle de travailler et transformer la matière première en circuit court pour favoriser les entreprises du territoire. Enfin, il faut respecter certaines normes tout au long de la chaîne. Du point de départ, avec la labélisation du programme de reconnaissance des certifications forestières (PEFC), qui indique que l’approvisionnement vient d’une gestion durable (voir bonus), à la livraison en fournissant du bois sec. Naturellement humide, il change de dimension et peut se fissurer lorsqu’il sèche, d’où l’importance de ne pas le livrer avec une quantité d’eau trop importante. Ce dernier point offre un gage de qualité, car il permet d’éviter les mauvaises surprises.

Le bois alpin s’impose dans le circuit court de la construction 1

Créer une filière

Nous le voyons, la certification Bois des Alpes mise sur le triptyque local-durable-qualitatif. Mais son rôle est surtout de promouvoir auprès des responsables des chantiers un matériau régional pour structurer une véritable filière. « S’appuyer sur un massif de proximité permet de favoriser le développement local et d’éviter le coût écologique du transport », défend Jérôme Voutier. Car les forêts françaises ont beau être grandes, ce sont celles de Suède qui alimentent de nombreuses constructions. « Les Pays du Nord possèdent un circuit très bien organisé et plus industriel, regrette Jérôme Voutier. Cela prend du temps à mettre en place ».

Pour démarrer, il a fallu des financements publics, notamment européens, et quelques entreprises pionnières. C’est le cas d’Alpes Méditerranée Charpente. « Nous sommes les premiers à avoir obtenu la certification, c’était dans le cadre d’un appel d’offres pour une école », raconte Franck Faure-Brac, le président de la société installée à Saint-Crépin. « Nous avons dû gérer nos stockages différemment car il ne faut pas mélanger le bois des Alpes avec un autre, donc nous le mettons à l’écart », détaille-t-il.

Au gré des chantiers et des besoins, Franck Faure-Brac encourage les différents acteurs de la chaîne à se certifier. « Puis l’idée a émergé de structurer une filière pour construire des bâtiments publics car recourir au bois de notre massif permet de bénéficier de subventions supplémentaires. C’est pour cela que dans les Hautes-Alpes, tous les chantiers se font ainsi », poursuit-il.

Aujourd’hui, l’association recense plus d’une centaine de réalisations ou constructions en cours ayant recouru au bois des Alpes. Dans la liste, on trouve des gymnases, une salle des fêtes, un collège ou même un observatoire.

Le collège Marcelle Rivier à Beaumont-Lès-Valence (Drôme). Crédits : Clément Facy / Chabal Architectes

L’association se satisfait que la roue tourne dans le bon sens. « Maintenant le privé se saisit du sujet. C’est signe que cela rentre dans un cycle économique normal », se réjouit Jérôme Voutier. « Bien sûr, il ne s’agit pas de tout construire avec du bois, mais seulement de se substituer à celui qui vient de l’étranger », précise-t-il.

Franck Faure-Brac, qui propose désormais du bois régional également pour les maisons individuelles, se montre très ambitieux. Il souhaite développer une usine à Embrun d’ici fin 2022 pour faire de la ville haut-alpine un pôle bois. Et rendre l’épicéa et le sapin des Alpes aussi célèbre que les pins d’Alep ? ♦

 

Bonus
  •  Gestion durable – Le développement des projets à base de bois des Alpes nécessite un besoin d’approvisionnement plus important. Mais cela se fait dans une logique dite responsable, c’est-à-dire que cela préserve la ressource forestière. Selon les chiffres de la Dreal Paca et de l’observatoire de la forêt méditerranéenne entre 20 et 25% de l’accroissement annuel de la forêt est prélevé.

 

  •  Fibois – En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Fibois Sud est l’interprofessionnelle de la filière Forêt-Bois. Son but est de favoriser l’utiliser du bois sous toutes ses formes. « Elle rassemble et représente l’ensemble des organismes publics et professionnels » autour de trois grands collèges : détenteurs et gestionnaires de la ressource, récolte et 1ère transformation du bois et enfin 2e transformation, utilisateurs et prescripteurs.
  • Un contrat stratégique de filière en pleine construction. Fibois Sud vient d’organiser une grande consultation sur la filière bois pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Rendez-vous à l’été 2020 pour la restitution des résultats.

 

  • À qui appartient la forêt ? Selon les chiffres de Fibois, 64% de la forêt dans la région appartient à des propriétaires privés. Elle est toutefois très morcelée car 67% des 400 000 d’entre eux n’en possèdent qu’un hectare. Le reste se répartie entre l’État (11%) et les collectivités ou établissement public (25%).