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Droit à l’oubli des malades, une double peine allégée

Par Lorraine Duval, le 9 juin 2023

Journaliste

En matière de santé, le droit à l’oubli est la fin de l’obligation de déclarer à un assureur une maladie grave qui a été soignée. Soit la possibilité pour des personnes ayant connu cancer ou hépatite C de pouvoir souscrire un prêt sans être pénalisées. En 2022, le délai légal pour prétendre au droit à l’oubli a été divisé par deux, passant de dix à cinq ans. Un soulagement.

 

Avant 2022, on ne pouvait bénéficier du droit à l’oubli que dix ans après sa guérison. Ou cinq ans pour les cancers dépistés avant l’âge de 21 ans. Entrée en vigueur le 1er juin 2022, la loi Lemoine sur l’assurance emprunteur a changé la donne en abaissant notamment le droit à l’oubli à cinq ans « après guérison » (à savoir la fin des traitements et l’absence de rechute).

 

Emprunter aux mêmes conditions que les autres

Jusqu’alors, sortir d’une maladie grave ou présenter un « risque aggravé de santé » était disqualifiant pour souscrire le crédit indispensable à l’acquisition d’une maison, d’un appartement, ou d’une voiture. Ou encore pour créer sa propre entreprise. Longtemps, cette catégorie d’emprunteurs s’est en effet vu appliquer des surprimes ou des exclusions de garantie sur les assurances emprunteur. Désormais, ils peuvent obtenir un crédit immobilier ou un prêt à la consommation dans les mêmes conditions que les autres.

 

Suppression du questionnaire médical pour les prêts inférieurs à 200 000 euros

Le droit à l'oubli s'allège pour les malades 1Les contrats d’assurance concernent généralement des prêts à la consommation, prêts professionnels ou immobiliers. Lors de la souscription à une assurance emprunteur, un questionnaire de santé doit être rempli. En vertu de celui-ci est fixé le montant de la prime d’assurance. Dans le cadre du droit à l’oubli, la loi Lemoine a également supprimé le questionnaire médical pour les prêts bancaires inférieurs à 200 000 euros, dès lors que le remboursement intervient avant les 60 ans de l’emprunteur.

Dans un communiqué, le ministère des Solidarités et de la Santé évoquait à ce propos « un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance ».

 

 

Une épreuve en moins

« La difficulté à emprunter représentait une épreuve supplémentaire dans le parcours de ces anciens malades ayant connu des problèmes physiques, physiologiques ou psychologiques. Cette loi constitue donc une avancée majeure », se félicite Sophie Beaupère, déléguée générale d’Unicancer. Cette fédération nationale regroupe les 20 centres régionaux de lutte contre le cancer. Elle travaille d’ailleurs en étroite collaboration avec de nombreuses associations d’usagers, comme RoseUp.

« La dimension n’est pas seulement matérielle, c’est aussi de prétendre à une vie normale. De redevenir un citoyen à part entière », souligne-t-elle encore. Elle émet cependant deux réserves qui s’appuient sur des témoignages et expériences. Première réserve : des réseaux de courtage et d’assurance essaient de contourner la loi en recommandant à leurs clients d’emprunter au-delà de 200 000 euros pour obtenir un tarif plus avantageux, mais nécessitant… un questionnaire de santé !

 

Mieux informer anciens malades et aidants

Seconde réserve : Sophie Beaupère déplore que beaucoup de patients connaissent mal leurs droits. Elle pointe un déficit de communication : « Nous travaillons beaucoup avec les associations, les services sociaux et patients partenaires (bonus) sur une simplification de l’information en direction des malades et des aidants. Car, comme pour le panier de soins de support oncologiques (1), peu sont au courant. La fracture numérique est tangible. Or on sait désormais que la capacité des patients à utiliser ces nouveaux outils a une incidence sur l’espérance de vie en bonne santé ».

Une première évaluation des effets de la loi Lemoine est prévue en 2024. ♦

 

(1) L’ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades tout au long de la maladie, conjointement aux traitements -Ndlr

 

Bonus
  • La convention AREAS. Si vous avez eu ou avez un « risque aggravé de santé » (risque d’invalidité ou de décès plus important que la moyenne) en raison d’une maladie ou d’un handicap, la convention AERAS (pour s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) s’applique automatiquement. Elle impose à l’assureur une grille de référence et le respect du droit à l’oubli. Mais ne peut l’obliger à vous assurer ou vous faire une proposition d’assurance. Les banques se sont néanmoins engagées, en cas de refus, à accepter des solutions alternatives. Ce peut être un contrat d’assurance-vie déjà souscrit, un portefeuille de valeurs immobilières données en gage. Ou encore une hypothèque sur un bien immobilier différent de celui à financer.

 

  • Le patient partenaire. Il construit avec les professionnels soignants une recherche de solutions adaptées à des problématiques concernant sa santé, son projet de soins, sa pathologie ou des questions de stratégie de santé.

 

  • Le droit à l’oubli numérique. La notion est apparue dans le contexte de la multiplication des données internet. Consacré au niveau de l’Union européenne depuis 2014, c’est l’obligation, pour un moteur de recherche, de « supprimer de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne ». Davantage d’infos ici.