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Hackathons : des projets nourris à l’intelligence collective

Par Nathania Cahen, le 21 février 2023

Journaliste

Jury et candidats lors du hackathon Learning Planete à Marseille @Big Bloom

Le terme a fait son entrée dans le Petit Larousse en 2020. Hackathon, mot anglais, de hack (trouvaille) et marathon : « Processus créatif, très utilisé dans le domaine de l’innovation numérique, qui consiste à faire travailler ensemble et sans interruption des volontaires sur une durée de 24 à 48 heures environ, dans le but de faire émerger des idées novatrices ». La méthode ne manque pas d’intérêt : retour d’expérience et brainstormings à venir.

 

Le principe du hackathon a vu le jour à la fin des années 1990 en Californie, dans la Silicon Valley. Il est initialement conçu comme un événement de programmation informatique, basé sur la résolution de problèmes ainsi que sur la mise en concurrence d’équipes pour programmer et présenter des prototypes. Il renvoie aux habitudes de programmation et d’innovation propres au Massachussetts Institute of Technology. Carine Aillerie, enseignante-chercheuse (MCF) en Sciences de l’information et de la communication à l’université de Poitiers (laboratoire Techné), s’est penchée sur le sujet en 2017.

 

La dimension pédagogique plébiscitée

Avec le hackathon, l'intelligence collective booste les projets
Le hackathon au service au service de problématiques techniques et/ou sociales © Pixabay

Elle remonte aux origines de ce phénomène qui, au départ, réunissait essentiellement des personnes impliquées dans le développement de logiciels. « Un hackathon peut rassembler aujourd’hui des participants d’horizons professionnels multiples, observe-t-elle. De nombreux hackathons et datathons (version appliquée aux données et datas – NDLR) sont en effet organisés dans le monde : événements publics au service de problématiques techniques et/ou sociales. Mais aussi événements internes à des organisations privées et au service du développement économique de ces entreprises. Ou à des fins de recrutement ».

Elle relève encore : « Mobilisant le recours aux technologies numériques au service d’objectifs de production précis et supposant la mise en œuvre des compétences associées chez les participants, c’est la dimension pédagogique du hackathon qui est aujourd’hui souvent valorisée ». À ce titre, cette formule s’est déployée et adaptée à une multitude de domaines. De la santé à l’économie, en passant par les arts, le droit et, bien sûr, l’éducation.

 

♦ (re)lire : Hack4nature creuse les méninges au profit de la biodiversité

 

Big Bloom et les hackathons solidaires

Avec le hackathon, l'intelligence collective booste les projets 1
Hackathon Learning Planete à Marseille @Big Bloom

Différentes entreprises de l’Hexagone se sont intéressées à ce phénomène, jusqu’à en faire leur cœur de métier comme Big Bloom, spécialisé dans le hackathon solidaire. Big Bloom a été fondé en 2018 par Yvan Gatignon, consultant spécialisé dans les méthodes d’intelligence collective. Il souhaitait en effet mettre son savoir-faire au service de l’innovation sociale.

Depuis 2018, grâce au soutien d’une dizaine d’entreprises partenaires, cette association a mis au point une méthode (bonus) et organisé plus de 200 événements dans une quinzaine de pays. Plus de 150 associations ont ainsi pu trouver des solutions très concrètes à des enjeux stratégiques. Tout en développant des leaders d’entreprises engagés pour l’intérêt général. Big Bloom revendique 30% de projets concrétisés.

Des exemples ? La création du masque anti-covid transparent à l’issue d’un hackathon pour APF France handicap. Ce réseau permet à 4000 personnes en situation de handicap de travailler. Mais au début de la crise du Covid-19, alors que de nombreuses activités s’arrêtent, 300 salariés se retrouvent désœuvrés. Pour ébaucher des solutions, un hackathon est monté avec Big Bloom. L’équipe gagnante propose à APF Entreprises de se lancer dans la production de masques transparents. Résultat, des milliers de ventes et 20 millions de chiffre d’affaires générés par ces seuls masques (on peut toujours les trouver et les commander)…

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À Marseille, un défi au bénéfice du Sel de la Vie

Parmi les prochains rendez-vous, focus sur Marseille et. un hackathon pour Le Sel de la Vie. Cette association a été créée le 14 juillet 2020 pour réparer et lutter contre les inégalités, les discriminations, les ségrégations dont sont victimes les jeunes des quartiers populaires. En matière d’éducation notamment. Parmi les projets menés, le plus connu est la désormais célèbre écurie solidaire de prépa médecine.

Le hackathon, quel accélérateur à projets ? 1

Le défi qui sera soumis aux participants est le suivant : trouver des moyens de compléter les subventions (ou leur substituer) avec d’autres ressources économiques. Bref, trouver un modèle économique viable et moins fragile, une solution innovante et opérationnelle. Pour plancher sur le sujet, Big Bloom en appelle aux entreprises engagées sur le tableau de l’innovation sociale et à leurs salariés. Le but est de mobilier 25 à 45 participants (des formules de 2000 à 8000 euros sont proposées aux sociétés désireuses de s’impliquer). Colas et Aximum sont déjà de la partie, d’autres entreprises sont espérées. « Puis nous compléterons les équipes avec des étudiants et des demandeurs d’emploi », explique Sophie Régis, responsable de Big Bloom Marseille.

 

♦ (re)lire : Une écurie solidaire pour les étudiants en médecine

 

Retour sur le premier hackathon de l’AP-HP

Avec le hackathon, l'intelligence collective booste les projets 2Medidays, le premier hackathon e-santé de France s’est déroulé du 24 au 26 mai 2019, sur le campus Picpus (12e) de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Doctolib, en partenariat avec l’AP-HP, avait décidé de réunir la communauté e-santé française autour d’un événement original, destiné à faire émerger les projets qui contribueront à transformer le système de santé en France. Soignants, cadres de santé, patients, développeurs, designers, graphistes, etc. ont travaillé pendant tout un weekend. En l’espace de 48 heures intenses, 200 participants réunis en 22 groupes ont présenté 35 projets. À l’issue de celui-ci, un jury composé d’acteurs, d’experts et d’investisseurs de la santé avait délibéré. Puis Doctolib et AP-HP avaient dévoilé la liste des projets les plus prometteurs pour améliorer l’organisation de notre système de santé.

« Docteur Simone », application à destination des jeunes mamans pour la prévention de la dépression post-partum. « Supply-med », marketplace digitale pour les fournitures médicales dentaires. « Chat marche », application basée sur la reconnaissance d’image, pour la prévention des chutes de personnes âgées. « Post-hop », application RAAC (rééducation améliorée après chirurgie) permettant un meilleur suivi des patients post-opération. « Coach My Nurse », application de coaching pour les infirmières en milieu hospitalier.

Force est de constater, moins de quatre ans plus tard, qu’aucune de ces applications n’a vu le jour. Le Covid a déferlé l’année suivante. L’essai a peut-être été transformé ailleurs et autrement. Mais parmi ce foisonnement de bonnes idées qui éclosent ici ou là et dans tous les domaines, il est à gager que certaines prennent racine et parviennent à déployer leurs feuilles (de route). ♦

 

*Le République, restaurant pour tous, parraine la rubrique SOLIDARITÉ et vous offre la lecture de cet article*
Bonus

[pour les abonnés] – Les bonnes pratiques selon les chercheurs britanniques Briscoe et Mulligan – La méthode Big Bloom –

  • Recommandations. Sur la base de l’article de Briscoe et Mulligan, il est possible de formuler quelques bonnes pratiques susceptibles de s’appliquer à la grande diversité des hackathons. Afin d’explorer ses potentialités pédagogiques, veiller à ce que

*le travail des équipes soit orienté vers une production ;

*les équipes soient hétérogènes (en termes de provenances, de statut, de compétences, de profil, etc.) ;

*soit valorisés, voire documentés, l’échec et l’erreur ;

*les équipes s’auto-organisent (plutôt que de constituer les équipes au préalable) ;

*ne soit pas mandaté de chef de groupe ;

*les lieux soient équipés et inspirants ;

*soit prise en compte l’expérience des participants dans la conception de futurs hackathons (retour sur expérience).

 

  • La méthode Big Bloom. Accompagnés par un directeur de projet et des coachs, les participants progressent en mode Design Thinking. Le hackathon développe les soft skills, chaque phase de travail est en effet l’occasion de travailler une compétence. C’est l’écoute active pendant la phase d’empathie. La créativité pendant la phase d’idéation. Le travail en équipe pendant la phase de prototypage. L’impact à l’oral pendant les pitchs.