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Mécénat de compétences : investir dans l’avenir !

Par Olivier de Lagarde et Olivier Martocq, le 19 décembre 2019

Journalistes

Julien Fernandez, collaborateur de Tenergie en mission au Sénégal.

Le mécénat n’est plus une œuvre de bienfaisance laissée à l’appréciation du patron qui a réussi ! La Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) l’a élevé au rang d’enjeu de communication stratégique, en interne comme en externe. « Le fait du prince » a ainsi disparu au profit d’actions impactantes dans la sphère de compétence des entreprises, ce qui est un gage de réussite pour les projets !

Le mécénat de compétences investit l’avenir ! 1Lundi 9 décembre à Paris, pluie, grève des transports, embouteillages. L’ambiance dans la capitale est lourde comme une fonderie d’Ukraine et pourtant on se presse au rendez-vous donné par Synergie Solaire. Ils sont plus de 300 invités payants à se presser sous les lambris du Trianon Palace, ce ravissant théâtre planté au pied de la butte Montmartre. En costume sombre et robe du soir, ce sont des acteurs incontournables du secteur des énergies renouvelables… Solaire, hydraulique ou éolien, tous les grands noms sont là. Il s’agit pour eux de se retrouver, bien sûr, et d’offrir à leurs invités une soirée prestigieuse mais ils savent qu’ils participent aussi financièrement à des projets d’électrification en Asie et en Afrique. C’est ce que rappelle en préambule et avec conviction Hélène Demaegdt, la présidente de Synergie Solaire, qui rentre justement du Mali.

 

Une bulle de champagne d’énergie et d’espoir.

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De gauche à droite : Cristophe Courtois de TECSOL, Jean-Louis Bal du SER, Hélène Demaegdt de Synergie Solaire, Damien Ricordeau de FINERGREEN, Nicolas Jeuffrain de TENERGIE, Antoine Guibert d’ENVINERGY, Daniel Bour d’ENERPLAN, Ahmed Sami Ait Hagga d’HUAWEI, Olivier Perot de la FEE, Guilhem de Saint André de VERSPIEREN.

Un bon exemple vaut mieux qu’un long discours, dit-on… L’émotion sera palpable quelques minutes plus tard lorsque apparaissent sur scène non pas des comédiens, mais de vrais acteurs de leurs propres aventures. C’est d’abord Augustin Opossi, président de l’ONG Les Mille Lucioles, qui raconte comment à Boukombé, commune du nord Bénin, il est impossible pour les élèves des écoles de brousse d’étudier après la tombée de la nuit. C’est ensuite Marc Padovanni, professeur d’électrotechnique à Marseille, bénévole de l’association Lumières Partagées qui explique comment après sa rencontre avec Augustin est née la volonté d’agir ensemble pour éclairer les écoles et les dispensaires de cette région très défavorisée. C’est enfin Bilel Abbou, à l’époque en BTS, qui témoigne. Il souhaitait faire de l’humanitaire lorsque Marc, son professeur, lui a proposé de porter ce projet d’électrification. Il raconte ensuite ce séjour de 15 jours, comment il a pu travailler, transmettre son savoir mais aussi apprendre lui-même sur les plans technique et humain. Voilà pour le premier étage d’une fusée qui se révèle au final extrêmement complémentaire et complexe. Le public en prend conscience quand Marie Samson, de Synergie Solaire, prend la parole. C’est elle qui a fait le lien entre les ONG et les entreprises expertes des Énergies Renouvelables. C’est elle qui permet à Thibault de Montgrand de rentrer dans ce cercle vertueux. En 2018, il était ingénieur chez Solargest et souhaitait donner du sens à son travail. Grâce au mécénat de compétences, il a pu se rendre sur le terrain avec Lumières Partagées pour mettre au point le monitoring d’un dispensaire de brousse. Ce n’est pas sans fierté qu’il raconte avoir électrifié huit salles de classes.

 

Le terrain n’est rien sans la logistique depuis la France !

Guillaume Boisseau, de QOS Energy, représente ainsi son entreprise mécène, qui a mis à disposition sa solution logicielle et technique. « En tant qu’entrepreneur, ajoute-t-il, il me semble être de ma responsabilité de mettre à profit notre réussite sur des sujets concrets ». Loin des discours lénifiants sur le sujet… Cette saynète jouée sur la scène du théâtre avec de vrais accents de vérité a prouvé que les choses pouvaient bouger sur le terrain. Grâce à cette opération, 64 écoles ont pu bénéficier d’installations solaires, au bénéfice de plus de 1 000 élèves chaque année. Le dispensaire de Kotopounga dispose maintenant d’un laboratoire d’analyse, d’une maternité et d’un centre d’échographie. Il fait travailler 25 personnes et reçoit une centaine de patients par jour. Des exemples comme celui-là pourraient être multipliés, assure Hélène Demaegdt. Aujourd’hui les solutions techniques existent et elles ont fait leur preuve. L’ambition de Synergie Solaire est de monter en puissance afin d’apporter connaissance et logistique dans le domaine des énergies renouvelables aux pays qui, pour l’instant, en sont exclus. Bref construire directement le monde de demain sans passer par la case énergies carbones ou nucléaires.

 

Fondation ou fonds de dotation

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Thibault de Montgrand, collaborateur de Tenergie en mission au Bénin.

Synergie Solaire (bonus) est ce que les experts appellent une fondation ouverte. Les acteurs d’une filière ou ceux qui se sentent interpellés par la thématique abondent ce fonds. Nicolas Jeuffrain, le président de Tenergie en est un des fondateurs. L’entreprise qu’il a créée conçoit et développe des centrales d’énergie solaire en France, il est particulièrement attaché à la préservation de l’environnement et aux problématiques liées à l’énergie. « Avec mes associés, notre premier réflexe a été de réfléchir à la mise en place d’une « Fondation Tenergie » pour contribuer à l’accès à l’énergie dans les zones défavorisées. Mais notre volonté était d’aider le plus grand nombre, convaincus qu’à plusieurs nous serions plus forts ». De là, en 2010, est née Synergie Solaire : le fonds de dotation de la filière des énergies renouvelables. Très concrètement, Synergie Solaire centralise les fonds mais aussi les compétences de toutes les entreprises volontaires du secteur. Son but : accompagner financièrement et techniquement des ONG porteuses de projet d’accès à l’énergie partout dans le monde.

 

Argent et compétences !

L’argent n’est pas le seul outil de mécénat. « Nous reversons chaque année environ 0,5% du chiffre d’affaires de nos centrales photovoltaïques à Synergie Solaire », précise Nicolas Jeuffrain. Ingénieur de formation, ce patron de la nouvelle économie n’aime pas se mettre en avant. On découvre avec stupeur que son entreprise en 15 ans a réussi à se hisser dans le top 3 du photovoltaïque en France. Qu’après avoir levé 2 milliards d’euros, elle est en train de doubler la mise et que le modeste 0,5% de dons signifie dans la réalité 300 000 euros. « Ces dons servent à soutenir des projets qui ont été, au préalable, sélectionnés par les collaborateurs de Tenergie. Cela permet de les impliquer dans la démarche, nous faisons ainsi « vivre le mécénat », qui devient un élément fédérateur au sein de l’entreprise ». C’est le second étage de la fusée. Cette forme de mécénat, moins connue, est néanmoins essentielle. Les collaborateurs volontaires utilisent une partie de leur temps de travail au profit de Synergie Solaire. Une forme de contribution très active et très concrète donnée à tout un chacun. « Ce n’est pas de la philanthropie. Il y a un retour évident pour l’entreprise. Au-delà du lien qui se crée entre les collaborateurs et de l’esprit d’équipe qui en résulte, nous encourageons les idées en rupture, porteuses de nouveaux modèles plus vertueux, et donc la prise de risque pour adapter des solutions technologiques à des univers très contraints par la culture, la pauvreté, le climat etc… ».

Ainsi la notion de mécénat évolue. Il ne s’agit plus seulement de distribuer de l’argent pour contribuer à un monde meilleur mais d’implication personnelle et d’actions concrètes ouvertes à tous. ♦

À quoi peut ressembler une start-up sociale ? 5

 

* RushOnGame, parrain de la rubrique « Économie », vous offre la lecture de l’article dans son intégralité *

 

Bonus [Réservé aux abonnés] : Synergie Solaire – Les textes officiels – Un sondage sur le mécénat de compétences – Mécénat, le mot-

  • Le mécénat de compétences investit l’avenir ! 2 Synergie Solaire – Les acteurs en sont 200 entreprises PME et ETI de la filière, et 60 ONG partenaires sur des projets d’accès à l’électricité et accès à l’eau. Le budget en 2020 sera de 700 000 € dont 20% issus des dons du dîner caritatif.
  • Les textes – Sur le site du Ministère de la Culture, un cadre est défini : Une des possibilités offertes à un mécène entreprise consiste à apporter non pas des financements en numéraire mais des moyens (produits ou services) à la cause qu’elle entend soutenir. Il s’agit ici, d’un « mécénat en nature ou de compétence ».Les critères d’éligibilité à cette forme de mécénat sont exactement les mêmes que ceux prévus pour une contribution en numéraire. Les textes disposent que l’apport de l’entreprise devra être valorisé au prix de revient, ou à la valeur nette comptable pour les éléments inscrits à l’actif de l’entreprise. il est ensuite expliqué comment valoriser une prestation au titre d’un mécénat de compétence.
  • Une enquête sur le mécénat de compétences, co-réalisée en 2014 par Admical et Pro bono lab – Quelques chiffres : 45% du mécénat de compétences est le fait de très grandes entreprises, 70% d’entre elles sont les services. Les missions : 87% sont réalisées au profit d’associations et 57% mobilisent les compétnces professionnelles des collaborateurs. Et beaucoup d’autres données à retrouver sur le site du sondage.
  • Le mécénat décortiqué – Merci au site ActuaLitté pour ces précisions : À l’origine du mot, on trouve un certain Caius Cilnius Mæcenas, protecteur des arts et lettres dans la Rome antique. Au Moyen-Âge, Isabeau de Bavière entretenait déjà des artistes. L’âge d’or du mécénat survient avec la Renaissance italienne, et notamment avec les Médicis. Beaucoup de peintres, mais aussi des écrivains tels que l’Arétin, en bénéficiaient. En France, François Ier leur emboîta le pas, en accueillant, par exemple, Léonard de Vinci. Au XIXe siècle, le peintre Gustave Courbet, disciple de Proudhon, revendique l’autonomie de l’artiste par rapport au mécène, qu’il soit privé ou public. Aux XXe et XXIe siècles, le mécénat connaît un renouveau aux États-Unis et en Europe, grâce à des familles ou à des personnes comme les Noailles, les Rothschild, Peggy Guggenheim, Pierre Bergé ou la Fondation Cartier. Il s’agit donc d’aider et de promouvoir des activités par des commandes ou des aides financières privées, que le mécène soit une personne physique ou une personne morale. À la différence du sponsoring, le mécénat n’entraîne pas de retombées commerciales quantifiables. Quant à la notion d’intérêt général, elle intéresse des secteurs d’intervention considérés comme peu ou pas du tout rentables, tels que la solidarité, la culture, l’environnement, le sport et la recherche.Le poids du mécénat, porté par des fondations, ne cesse d’augmenter. En France, plusieurs lois ont fait évoluer son cadre, dont celle de 2008, instaurant une nouvelle structure, le fonds de dotation, précédée par la loi Aillagon de 2003 qui permet 60 % de déductibilité fiscale des dons effectués pour le mécénat d’entreprise. En 2012, 31 % des entreprises françaises de plus de vingt salariés participaient à du mécénat, dont 26 % dans la culture et 83 % au niveau local.