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Solar Impulse labellise des solutions pour sauver la planète

Par Nathania Cahen, le 3 février 2023

Journaliste

50 recommandations de lois pour faire gagner du temps à la planète et aux politiques : c’est le « Prêt à Voter » lancé en juin 2022 par Bertrand Piccard et la Fondation Solar Impulse. Cette initiative originale entend attirer l’attention des législateurs français sur des solutions propres et efficaces, indispensables à la transition écologique. Échange autour de cette très bonne idée avec un explorateur helvète des plus tenaces.

 

Marcelle – Avec quel matériau ces propositions ont-elles été élaborées ?
Le "Prêt à Voter" veut faire gagner du temps à la planète 1
Bertrand Piccard @Solar Impulse

Bertrand Piccard – Des appels à solutions et des communications nous ont permis d’identifier et de labelliser quelque 1500 solutions – dont plus de 400 françaises, mais pas seulement. Nous travaillons avec un groupe d’experts indépendants, qui a analysé ces différentes techniques. Économiquement rentables et capables de protéger l’environnement, elles sont alors estampillées « efficient solution ». C’est le seul label qui aujourd’hui certifie à la fois la rentabilité ET le côté écologique d’un produit, système, appareil, matériel, etc. La rentabilité est en effet indispensable, autant pour l’entreprise qui produit une solution que pour le citoyen qui l’utilise.

De surcroît, toutes ces solutions sont commercialisées par des startups ou de grandes entreprises, donc disponibles pour tous. Le principal obstacle à leur utilisation demeure la législation ou les réglementations en vigueur, de même que le fatras administratif. Des solutions sont ainsi bloquées ou, si elles ne sont pas prévues, pâtissent d’une absence d’incitation.

 

Vous avez ensuite procédé par élimination ?

Parmi elles, 50 nous semblent essentielles et ancrées dans les territoires. Mais handicapées par un cadre légal archaïque. C’est cela qui a justifié les recommandations de lois correspondantes. Elles ont été regroupées dans un programme, le « Prêt à voter », autour de 9 thématiques : Eau, Production d’énergie, Stockage, Construction & Logement, Planification & infrastructures, Agriculture & Alimentation, Biodiversité, Economie circulaire, Industrie.

Chaque proposition présente une recommandation, avec les enjeux, l’explication de la solution avec ses impacts positifs en termes d’environnement et de profitabilité, le cadre réglementaire et l’aspect à faire évoluer, un exemple d’application « cas d’étude », ou un exemple de pays ayant mis en place une telle réglementation.

Pour que cette initiative soit un succès, 577 lecteurs suffisent :  les sénateurs et les députés à qui ce PAV a été adressé.

Le "Prêt à Voter" veut faire gagner du temps à la planète 3

 

Y a-t-il déjà des mises en pratique ?

Pour implémenter certaines solutions, nous avons déjà conçu des partenariats, avec le département des Pyrénées-Orientales, avec les régions Grand Est et Ile-de-France. Dans cette dernière région, avec sa présidente Valérie Pécresse, nous avons créé une market place avec des solutions d’un côté, des acheteurs du public et du privé de l’autre. Résultat : 400 rencontres et, certainement, quelques contrats à la clé.

Dans le Grand Est, sous la présidence de Jean Rottner, nous avons testé des solutions en grandeur réelle, sur le terrain. Comme le système Soprema sur le toit des écoles, pour remédier aux îlots de chaleur. Mais aussi un dispositif qui détecte les fuites d’eau dans les canalisations publiques. À l’échelle des régions et des départements, on peut déjà faire beaucoup !

 

Quelles sont, selon vous, celles qui devraient en priorité être adoptées ?

Il y a des domaines où il est nécessaire d’aller beaucoup plus vite, de devenir efficient : celui des ressources comme l’eau et l’énergie, dont il faut baisser la consommation. Et les déchets, qu’il faut réduire et réutiliser. C’est parce qu’on gaspille beaucoup et de tout que la situation est aussi critique. On produit, on consomme, on jette comme si ce qu’on utilisait – la nourriture, les matières premières – n’avait aucune valeur. Notre système est basé sur le gaspillage.

Les 50 du PAV sont toutes des urgences, pour le bien de tous.

 

Avez-vous eu un retour des autorités concernées ?

Dans le projet de loi sur les énergies renouvelables, deux propositions du PAV ont été incluses par le gouvernement. L’une concerne le solaire flottant : des panneaux solaires disposés sur des lacs artificiels, comme à Piolenc, dans le Vaucluse. Et l’autre, l’agrivoltaïsme, avec des panneaux qui captent le soleil, régulent l’ombre, la lumière, l’humidité. Le système permet d’offrir à l’agriculteur un revenu supplémentaire en produisant de l’électricité.

Des députés ont par ailleurs déposé des amendements en se basant sur nos propositions. Je suis régulièrement invité et auditionné par des présidents de commissions parlementaires sur toutes ces questions. Le président de la commission développement durable, Jean-Marc Zulesi (groupe Renaissance) a salué cet exemple de démocratie participative avec des citoyens mobilisés pour faire des propositions susceptibles d’être reprises par le monde politique.

 

« Les partis de centre et de droite ont été les premiers à réagir. J’aimerais maintenant aussi être sollicité par les autres formations – LFI, EELV, le PS, le RN… » – Bertrand Piccard

 

Le "Prêt à Voter" veut faire gagner du temps à la planète 2

Quel état des lieux de la transition énergétique dressez-vous ?

Quand le climat change, les lois doivent changer. Il faut actualiser les normes et les standards pour favoriser les innovations. Il faut bien constater que la législation en cours permet encore d’utiliser en toute légalité de vieux systèmes, processus, appareils qui sont polluants et inefficients, qui gaspillent nos ressources.

Pour dépasser ce stade, il faut faire évoluer les standards et tirer vers le marché les solutions qui existent, mais ne sont pas connues, ou trop peu utilisées.

 

Par exemple ?

Par exemple le led, en principe obligatoire aujourd’hui. Si tout était éclairé au led en France, cela dégagerait en énergie l’équivalent de quatre réacteurs nucléaires. De quoi alimenter 7 millions de voitures électriques en France ! Or, dans les faits, on entend qu’il n’y a pas assez d’énergie, on appelle à la sobriété, on envisage des coupures de courant… C’est invraisemblable ! Il suffirait d’être plus efficient.

Le led est une solution. Il en existe bien d’autres. Comme Solar e-light, dispositif d’éclairage public qui utilise un mix led, batteries et panneaux solaires. Facture : zéro pour la commune qui utilise ce système alors que l’éclairage public représente en moyenne 37% des factures énergétiques des communes. Mais c’est un système trop innovant pour être accepté par les marchés publics.

L’entreprise Logikko, elle, commercialise pour les voitures un module qui permet de réduire de 20% la consommation de carburant et de 50% les émissions polluantes (nox, nanoparticules, etc). On demande que les détenteurs de ce module puissent bénéficier d’une vignette Crit’air leur permettant de rouler, comme les véhicules hybrides, pendant les pics de pollution.

Ailleurs, du côté du bâtiment, on pense encore trop peu aux pompes à chaleur qui permettent des économies d’énergie considérables. Il faudrait systématiser l’étude de faisabilité lors de chaque construction.

 

Êtes-vous, malgré tout, optimiste ?

Si on est optimiste, on ne fait rien, car on considère que les choses vont s’arranger d’elles-mêmes. Si on est pessimiste, on ne fait rien non plus, car on pense qu’il est trop tard pour agir. Je ne suis donc ni optimiste ni pessimiste, mais réaliste, dans le sens où je veux obtenir un résultat au-delà des idéologies de chacun ! ♦

 

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Bonus

Le projet O’MEGA1 d’Akuo Energy. Développé depuis 2014, mis en service en 2019, ce projet investit un site artificialisé par des années d’exploitation par une carrière d’extraction de matériaux à Piolenc, dans le Vaucluse. Sa production annuelle permet d’alimenter en électricité plus de 4733 foyers, grâce à une énergie verte et respectueuse de son environnement, pendant une durée d’au moins 20 ans. Le projet O’méga 1 s’articule autour de 3 volets complémentaires : agricole, éducatif et participatif.

 

Bertrand Piccard. Citoyen suisse de 64 ans, « explorateur en série, psychiatre et pionnier des technologies propres », annonce son site. Il est entré dans l’histoire en réalisant deux grandes premières aéronautique. Un tour du monde en ballon sans escale, en 1999. Puis un autre tour du monde en 2016, à bord cette fois de son avion solaire Solar Impulse, sans carburant. Pour démontrer l’immense potentiel des énergies renouvelables et des technologies.

À lire ce portrait signé Marc Cherki et paru dans Le Figaro en 2016.