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Le vrac se développe désormais en pharmacie

Par Philippe Lesaffre, le 27 avril 2022

Journaliste

Il reste encore du chemin pour convertir le plus de pharmacies possible au vrac et les convaincre de vendre moins d'emballages à usage unique © Pixabay

Quatre Français sur dix déclarent acheter du vrac au moins une fois par mois, principalement dans le domaine alimentaire. De leur côté, des pharmaciens veulent sortir du tout jetable. C’est pourquoi de plus en plus d’officines proposent dorénavant des produits d’hygiène à faire couler dans ses propres contenants réutilisables. Comme ceux de la gamme Lab@bulles.

 

Le vrac a le vent en poupe depuis plusieurs années. D’après le réseau Vrac, le syndicat des professionnels du secteur, quatre foyers sur 10 déclaraient, en mai 2020, acheter sans emballages avant le confinement (bonus). En novembre dernier, le sondeur Yougov a observé la même tendance après avoir interrogé 1 007 internautes sur leurs pratiques quotidiennes. Quatre interrogés sur dix affirment acheter du vrac au moins une fois par mois, en particulier afin de réduire les emballages en plastique et restreindre les gaspillages. La plupart du temps, c’est pour les fruits secs (4 répondants sur 10), puis les confiseries et des légumineuses (3 sur 10). En revanche, moins d’un sondé sur deux a déclaré avoir déjà pris des produits d’hygiène sans contenant. Il faut dire qu’on en est aux balbutiements dans ce domaine.

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Le trio de pharmaciens à l’origine de Lab@bulles

Mais on y vient ! En Loire-Atlantique, trois pharmaciens, en étroite collaboration avec l’Agence nationale de sécurité du médicament, ont lancé en 2019 une gamme de gels douche, vendus en vrac dans les officines sous le nom de Lab@bulles. Imaginés il y a quatre ans un soir de garde, leurs produits sont désormais accessibles dans près de 500 commerces (bonus). « Le territoire compte 21 000 pharmacies. On a encore du boulot », sourit Anne-Cécile, cofondatrice de la marque et de l’entreprise qui la détient, Pharma’Fabrik, avec les pharmaciens Vincent et Florian, toujours en poste dans une officine à Saint-Laurent-du-Var, près de Nice.

 

 

Aberrant de jeter autant en pharmacie

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La gamme Lab@bulles, présente dans près de 500 commerces.

But de l’opération : proposer un autre modèle de distribution du gel douche. « C’est aberrant que tout soit autant jetable dans les pharmacies. Il faudrait parvenir à inverser un peu la tendance. » Dans les pharmacies partenaires, qui devraient être de plus en plus nombreuses dans les prochaines semaines, selon Anne-Cécile, les différents gels douche, et bientôt les shampoings, sont placés dans des caissons en bois, modulables en fonction de la place disponible. « Souvent, dans les centres-villes, il y a peu de place », note la pharmacienne. Les consommateurs peuvent venir avec leurs contenants réutilisables. Ou en acheter un, une première fois, avant de revenir avec, pour le recharger.

« On voit qu’il y a une demande de la part des Français et que les professionnels ont ainsi à aller plus loin. » L’étude Yougov indiquait justement que 63% des Français aimeraient par exemple pouvoir acheter les produits des grandes marques qu’ils consomment d’habitude. Mais qu’en est-il, dans les pharmacies ? Est-ce facile de convaincre les officines de vendre les produits Lab@bulles ? Il n’y a pas d’entre-deux, observe Anne-Cécile : « Soit je constate des refus catégoriques, soit c’est un grand oui de la part des pharmaciens… » C’est qu’ils doivent être mobilisés… « Il faut nettoyer le robinet, vérifier le flacon, cela demande tout de même un petit effort… » Manière aussi de contourner et de casser le fameux cliché du manque de propreté, qui colle bien à la peau du vrac. Un tiers des plus réfractaires (les personnes n’ayant jamais acheté de cette façon) avance justement la raison de l’hygiène…

 

Une démarche écologique, au-delà du vrac

Alors, comment inciter les consommateurs à passer à l’acte, comment inviter les pharmaciens à faire partie de l’aventure ? « S‘ils sont convaincus par la démarche, ils trouvent les bons arguments » visant à intéresser les clients. D’abord, l’équipe derrière Lab@bulles montre que ce n’est pas qu’une question d’absence d’emballages. « La démarche, explique Anne-Cécile, plaît évidemment à celles et ceux qui ont une démarche zéro déchet. » Mais pas seulement. Pour toucher un autre public que les plus militants, il faut aller plus loin.

« On propose des produits de bonne qualité, avec des ingrédients naturels. Les gels s’adaptent à tous les types de peau, y compris les plus fragiles », dit-elle. Lab@bulles joue sur la carte écologique : les flacons ambrés sont recyclés et recyclables. Et les caissons, dans lesquels sont positionnés les produits à vendre (entre 9,90 et 13,90 euros le litre), sont issus de la mythique forêt de Brocéliande, à Paimpont, dans les environs de Rennes. « C’est du circuit court », précise-t-elle.

 

 

D’autres marques s’y mettent

Or, comme elle nous le disait, « il y a encore du travail » pour convaincre le plus de pharmacies possible à vendre moins d’emballages à usage unique. Car, jetés, certains contenants en plastique se retrouvent au fond de l’océan… Or, de plus en plus de marques, engagées dans des démarches de RSE, s’y mettent. Elles sont conscientes que les citoyens, de façon générale, demandent un vrai engagement de la part des entreprises.

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Éviter le gaspillage de comprimés : l’autre enjeu © pixabay

En vrac, citons L’Occitane, les laboratoires Pierre Fabre et BeauTerra, par exemple, qui ont lancé des offres… rechargeables. « Les initiatives se multiplient maintenant », se félicite la phramacienne, qui aimerait proposer prochainement, de son côté, de nouveaux produits en vrac. Que ce soit des huiles essentielles, ou de la micronutrition avec de la cosmétique, en particulier. Autant d’engagements, ici ou là, qui visent à réduire l’impact la consommation de déchets, issus des pharmacies. Or, peut-on aller plus loin ?

La question se pose pour les médicaments. Certains pourraient-ils être… vendus en vrac ? « On pourrait y venir. On pourrait très bien avoir, dans les pharmacies, des boîtes de 500 comprimés, par exemple. » Cela permettrait notamment de délivrer uniquement aux patients ce dont ils ou elles ont besoin. Éviter le gaspillage de comprimés, coûte que coûte, voilà l’autre enjeu. Néanmoins difficile à mettre en place : « C’est compliqué, cela demande beaucoup de temps aux équipes officinales, cela exige un contrôle accru. Il y a sans doute encore un manque de sécurité pour le moment… » Bref, pour Anne-Cécile, « ce n’est pas encore au point. Mais tant mieux si on arrive à aller vers plus de vrac » en pharmacie… ♦

 

Bonus
  • Les Français et le vrac. Un peu plus de 20% d’entre eux ont poursuivi au plus fort de la pandémie, en 2020, selon une étude de Nielsen pour le réseau Vrac. En mai 2021, un autre sondage – celui de l’agence d’études Iligo – a montré de son côté qu’un Français sur deux sautait désormais le pas. L’agence a interrogé un échantillon de 1 000 personnes.