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Les algues, nouvel eldorado de la déferlante bio

Par Hervé Vaudoit, le 18 octobre 2019

Journaliste

Photo CEA CAdarache

Cités marseillaises : la seconde vie des encombrants 3Elles n’ont longtemps intéressé que de rares scientifiques, or depuis quelques années, la recherche et l’évolution du monde ont hissé la famille des algues au rang de végétal miracle, avec des applications dans la cosmétique, la santé et la nutrition. Mais aussi dans les bioplastiques, la dépollution et même les biocarburants. Le sud est en pointe dans cette « algamania » encore balbutiante.

 

C’est peu dire que les algues n’ont pas bonne presse ces derniers temps. Entre les tapis de salades vertes et puantes qui envahissent chaque été le littoral breton et les marées de sargasses qui pourrissent régulièrement les plages antillaises, on les voit souvent comme une calamité ; plus rarement comme une famille végétale indispensable à l’humanité. Et on a tort. Car beaucoup d’espèces, particulièrement les plus petites, les micro-algues, sont composées de substances aux multiples vertus, avec des applications dans de nombreux domaines, y compris les plus inattendus.

Les algues, nouvel eldorado de la déferlante bio 1Le potentiel de ces micro-algues, les pionniers du secteur en ont saisi l’importance il y a une petite trentaine d’années, avec notamment les premiers développements autour de la spiruline, une algue bleue aux multiples bienfaits. Outre qu’elle contient jusqu’à 70% de protéines, trois fois plus que la viande, elle aurait une action anti-oxydante, anti-inflammatoire et anti-cholestérol. Sur le marché des compléments alimentaires, elle se taille déjà un petit succès qui a permis l’émergence d’une  filière française, avec 200 producteurs sur le territoire. Beaucoup sont installés dans le sud, où les micro-algues trouvent ce dont elles ont besoin pour se développer : de l’eau, des nutriments et de la lumière. La spiruline est également très demandée par l’industrie agro-alimentaire comme colorant naturel. À Istres, la start-up Ener-Sens en fait des jus bio détoxifiants. L’actualité de la spiruline est  bouillonnante : un workshop sur l’algue bleue se tiendra d’ailleurs à Montpellier les 13 et 14 novembre, sous les auspices de l’association européenne des producteurs de biomasse algale (EABA), avant AlgaEurope, un congrès européen, du 3 au 5 décembre à Paris.

 

Des matières premières bio à forte valeur ajoutée

Les algues, nouvel eldorado de la déferlante bio 2Avant cela, début octobre une centaine d’entreprises et d’organisations du secteur s’étaient donné rendez-vous à Arles pour Alg’in Provence, un autre workshop européen organisé par Abacus, un projet européen sur 3 ans destiné à transformer les résultats de la recherche sur les micro-algues en procédés industrialisables, pour produire les matières premières bio à forte valeur ajoutée demandées par la cosmétique et de la nutraceutique. Sont particulièrement ciblés par Abacus les caroténoïdes, réputés pour leurs vertus anti-vieillissement et les terpénoïdes, utiles en cosmétique et en parfumerie, mais à partir desquels on peut également produire des bio-carburants renouvelables non consommateurs de terres agricoles, à l’inverse de ceux issus d’huiles végétales. Parmi les caroténoïdes, on trouve notamment l’astaxanthine, un puissant antioxydant qui aurait aussi une action sur les maladies cardiaques, le diabète et les pathologies dégénératives.

Mises en évidence plus récemment, les vertus de certaines micro-algues pourraient déboucher sur de nouveaux procédés de dépollution « éco-friendly ». Plusieurs projets assez aboutis existent, comme Waba et Idiaqua, en Espagne, pour le traitement des eaux usées, dont se préoccupe également le CEA Tech à Cadarache. On peut également citer les projets Vasco2 (lire ou relire notre article), sur le port de Marseille-Fos, pour la dépollution des fumées industrielles, ou ALG-AD, à Swansea, au Pays de Galles, pour le traitement et la réutilisation des déchets organiques et de leurs nutriments. Les micro-algues permettent également de stocker le CO², une capacité qu’exploite la société Planctonid Environnement à Louveciennes, dans les Yvelines. À l’heure où ce gaz à effet de serre menace le climat, les procédés de capture « sont les plus pertinents », estime Jean-François Sassi, du CEA, coordinateur du projet Abacus. ♦

 

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