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Un missionnaire écolo pour la garrigue nîmoise

Par Agathe Beaudouin, le 14 octobre 2022

Journaliste

Près de Nîmes, dans le Gard, Hector Herrera s’assigne une mission singulière : chaque jour, il arpente la garrigue, sacs poubelles en main, afin de nettoyer la nature. Et progressivement, ce pèlerin du XXIe siècle a su fédérer autour de lui une équipe d’écocitoyens. Et créé l’association Le Bonheur est dans la Garrigue Propre.

 

Il avance d’un pas décidé à travers les sentiers de terre, contourne les oliviers, passe à côté des bosquets de plantes aromatiques. Il observe la nature, scrute le paysage qui l’entoure. Un coup d’œil et il se dirige alors vers un tas coloré vert et bleu. « Voilà ! regardez ! Il n’a même pas fallu faire 100 mètres. » L’homme semble avoir l’habitude de flairer les sacs poubelles lâchés en pleine nature. Chaque jour, Hector Herrera, un habitant de Milhaud, commune située dans la périphérie de Nîmes, ramasse les déchets qu’il trouve dans la garrigue. Une mission qui s’est presque imposée à lui.

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« Des mouchoirs, des masques, des bouteilles d’eau. Et parfois, des choses bien plus imposantes, des télévisions, des lits, des pneus, des baignoires… » ©DR

 

Un écosystème envahi d’espèces indésirables…

À la retraite, cet ancien restaurateur nîmois, qui a longtemps tenu le Rinconcinto (dédié à la gastronomie de son pays natal, le Chili), a commencé à arpenter tous les chemins de randonnée qui entourent son village. Autour de la préfecture gardoise, la garrigue offre un espace naturel incroyable, une immensité caillouteuse et aride où poussent des espèces végétales capables de résister aux fortes températures et à la sécheresse. Un écosystème précieux qui abrite une faune et une flore spécifique, mais pas que : « Très vite, je me suis aperçu qu’il y avait un nombre impressionnant de déchets ; des mouchoirs, des masques, des bouteilles d’eau. Et parfois, des choses bien plus imposantes, des télévisions, des lits, des pneus, des baignoires… C’est vraiment incroyable. »

Sans rien dire ni demander à personne, le marcheur décide d’emporter avec lui des sacs poubelles. C’était à la sortie du Covid. « Je ne pouvais pas passer devant ces tas de détritus et ne rien faire. Tout a commencé comme ça. »

 

40 dépôts sauvages recensés

Deux ans plus tard, Hector Herrera, qui tient ses comptes à jour, en est à 1063 bouteilles et 171 sacs poubelles. Il recense presque 40 dépôts sauvages, qu’il inscrit sur une carte dessinée à la main sur une nappe blanche en papier. Âgé de 72 ans, Hector Herrera préfère le crayon au clavier d’ordinateur. Il note chacune de ses sorties et de ses « récoltes » sur un carnet. Et constate désespérément : « Si on les laisse, les gens s’habituent à voir cela dans la nature et font de même. »

Au fil des semaines, dans le village gardois de près de 6000 âmes, l’homme aux sacs poubelles, sourire scotché à son visage buriné, n’est pas passé pas inaperçu. Les sportifs, les familles, les retraités l’ont repéré. « À force de me voir marcher, des gens ont commencé à me poser des questions. Alors j’ai expliqué : comment peut-on laisser la nature dans un tel état ? » Sa démarche a fait réagir et a interpellé certains habitants. Pour finalement donner naissance à l’association Le Bonheur est dans la Garrigue Propre, fin 2021.

 

Deux nettoyages hebdo

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Deux fois par semaine, des marcheurs nettoient désormais leur territoire naturel avec Hector ©DR

L’association regroupe 50 adhérents. Deux fois par semaine, des marcheurs, sortes de néo-écocitoyens, se retrouvent avec ce pèlerin environnemental pour nettoyer ce territoire naturel. Et des journées de ramassage, ouvertes au grand public, sont organisées ponctuellement, permettant de ramasser des centaines de kilos de déchets.

La dernière sortie en date, celle du 2 octobre, organisée par la commune, a réuni des membres du Bonheur est dans la garrigue, des enfants du conseil municipal jeunes, et d’autres associations. Au total, près de 3 tonnes de déchets ont été ramassées ce jour-là. « Je suis heureux que l’association ait permis d’impulser cette dynamique dans notre village, et d’obtenir le soutien des élus. C’est déjà une victoire. »

 

« Ça ne coûte rien »

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Infatigable, Victor Herrera marche pour nettoyer sa garrigue ©DR

Jamais Hector Herrera, né sous la dictature de Pinochet en 1950, n’aurait imaginé devenir l’ambassadeur d’une garrigue propre. C’est avant tout pour soigner une santé défaillante et reprendre des forces après le décès de son épouse que son kiné l’engage à marcher. « C’est lui qui m’a suggéré d’aller dans la garrigue. Et aujourd’hui, je ne peux plus m’en passer », confesse-t-il.

Inlassable marcheur désormais, il souhaite ardemment que cette initiative se multiplie dans d’autres communes : « Au forum des associations, nous expliquons notre démarche. C’est simple et facile à comprendre, et ça a un effet immédiat. Ça ne coûte rien et tout le monde peut agir avec nous. »

Déjà, en peu de temps, cette action citoyenne a franchi des étapes importantes grâce au seul engagement des adhérents de l’association. Désormais reconnue d’utilité publique, Le Bonheur est dans la Garrigue Propre vient de recevoir par la communauté de communes Nîmes Métropole une carte donnant accès aux déchetteries. Et d’autres associations locales ont rejoint la cause. « Maintenant quand je marche, je ramasse de moins en moins de bouteilles en plastique. Je crois qu’à force de nettoyer et de parler de notre association, les gens commencent à être plus vigilants, il faut continuer ! », répète cet éboueur de la garrigue.

 

Sensibiliser les jeunes

Et si les marches de nettoyage à Milhaud gagnent en visibilité et attirent de plus en plus de participants, la jeune association se fixe de nouveaux défis. Faire de la pédagogie préventive notamment auprès des plus jeunes. Sensibiliser le plus grand nombre aux questions environnementales. Poursuivre la coopération avec la mairie, les associations locales, et la communauté d’agglomération.

Les projets ne manquent pas dans l’esprit de ce président plein d’humilité, qui, chaque après-midi, garde son cap et repart « purifier la nature ». ♦

 

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