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Faire du savoir tricoter des grands-mères une valeur ajoutée

Par Rémi Baldy, le 24 juin 2019

Journaliste

Rassembler les différentes générations et transmettre le savoir-faire en couture des grand-mères, c’est l’idée d’Aurélie de Barros. La jeune femme de 29 ans lance Les Mains de Mamie, une micro-entreprise de cours de broderie et tricot qui veut dépoussiérer la pratique. Et elle peut compter sur un gang de mamies rebelles.

 

«L’un des critères pour être recrutée, c’est d’être à la retraite». La phrase ressemble presque à un oxymore, mais il n’en est rien. C’est le leitmotiv d’Aurélie de Barros. À 29 ans, le ton de sa voix laisse deviner une personnalité pleine d’énergie. Assez pour choisir de quitter sa carrière dans la com’ pour se lancer dans l’aventure « Les Mains de Mamie ». Une histoire qui débute après un choc personnel. « Ma grand-mère était atteinte de la maladie d’Alzheimer. J’étais très proche d’elle donc c’est quelque chose qui m’a beaucoup touchée. Je me suis dit que j’avais eu de la chance d’avoir appris son savoir-faire, et que la transmission est quelque chose de très important », raconte cette jeune femme originaire d’un village près de Pau. Elle décide de se rapprocher de ses voisines bien plus âgées pour organiser des cours de couture. Pourquoi la couture ? « Je m’y étais remise depuis deux ans et c’est quelque chose que j’avais appris avec ma grand-mère », répond Aurélie de Barros. L’occasion aussi de surfer sur la tendance du « fait mains » ou DIY (Do it yourself). 

L’idée de ces ateliers est de « toucher les jeunes femmes pour transmettre et valoriser le savoir-faire de ces mamies». Très vite, elle réunit trois « mamies » : Jo, Mauricette et Michèle. Chacune y trouve son compte, que cela soit pour le plaisir de faire apprendre, gagner un peu d’argent ou sortir de sa routine. Aurélie de Barros peut lancer sa micro-entreprise avec l’aide de l’incubateur Les Premières Sud. « J’ai commencé avec mes fonds propres pour acheter le premier matériel et rémunérer les mamies », relate-t-elle

 

Des cours cools dans des lieux branchés
Les ateliers peuvent enfin débuter. Mais n’allez pas croire qu’il s’agit de cours de couture vieillots et poussiéreux. Les mamies sont « rebelles » et les séances se déroulent chaque semaine dans différents lieux tendances. Généralement dans des concepts stores branchés de Marseille comme For Atao, Chez Laurette, ou plus récemment au salon de tatouage Bearskin, pour un atelier dédié aux hommes. « J’ai eu beaucoup de mecs qui m’ont contactée en me disant qu’eux aussi aimeraient broder et il se trouve que le tatoueur nous a proposé de venir chez lui », s’enthousiasme Aurélie de Barros.

En deux heures -la durée d’un atelier-, les participants repartent avec l’objet qu’ils ont conçu ou customisé. Y compris selon les nouvelles tendances comme le « punchneedle », à savoir de la broderie en relief en piquant le tissu ou la toile à l’envers pour laisser apparaître des petites bouclettes. L’inspiration vient d’Instagram et Pinterest.

« Pour les mamies, il n’y a pas plus forte valorisation que de voir l’évolution et les progrès des apprenties couturières, elles viennent pour transmettre », raconte Aurélie de Barros. Du côté des apprentis, toutes les générations se bousculent. Les prix varient selon la quantité de matériel nécessaire, de 35 euros pour de la broderie à 65 euros pour le plaid XXL qui nécessite de la laine. Les mamies sont bien sûr rémunérées.

 

Kits à envoyer et tuto vidéo dans les tuyaux

Face à l’engouement pour ces cours de couture, Aurélie de Barros lance au printemps dernier une campagne de financement participatif sur la plateforme Ulule. L’objectif est de récolter 7 900 euros. Bonne surprise, la cagnotte grimpe jusqu’à 8 829 euros. De quoi offrir de belles perspectives. L’idée est  alors de proposer une première collection de pulls réalisés à la main et dessinés avec l’aide d’un styliste. Aurélie de Barros ne s’en cache pas : « Nous sommes une marque. Dès le début, quand nous avons démarré les ateliers, nous voulions aller plus loin ». Plus loin ce sera des kits de couture à envoyer à celles et ceux qui voudraient tricoter mais ne peuvent pas se rendre aux ateliers. L’objectif est de les lancer pour la rentrée. Autre ambition, celle de réaliser des tutoriels en vidéo sur internet. Mais Aurélie de Barros en a conscience, « cela demande du staff…».

Le gang des mamies va rapidement se renforcer puisque trois nouvelles recrues arrivent. « J’aimerais que nous soyons une dizaine en fin d’année », prévient la jeune fille. Elle rappelle ses critères de recrutement : « Être passionnée de tricot, mobile et… retraitée ». ♦