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Les Terrasses du Port, centre commercial très vert(ueux)

Par Nathania Cahen, le 20 janvier 2023

Journaliste

Les Terrasses du Port © Camille Moirenc

190 commerces sur 4 niveaux en front de mer, un rooftop très animé aux beaux jours : les Terrasses du Port attirent les chalands autant que les touristes. LED, géothermie marine, jardin écolo, micro-méthanisation : nous ne vous convions pas à du lèche-vitrine, mais à visiter les engagements et installations vertueuses de ce temple de la consommation. Un laboratoire exemplaire pour le groupe Hammerson et toutes les foncières commerciales.

 

« Tous les leviers ont été utilisés. Si on voulait encore faire mieux, ce serait vraiment des économies de bouts de chandelle », assure Marie Canton, la directrice de ce grand vaisseau de 90 000 m2. Les Terrasses du Port (souvent abrégées en TDP) appartiennent au groupe Hammerson, très investi dans le développement durable depuis 2015. ce dernier a d’ores et déjà été injecté près de 5 millions d’euros Objectif : zéro carbone net à l’horizon 2030.

 

Un tiers de l’électricité issue du photovoltaïque

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Marie Canton, directrice des Terrasses du Port ©V.Vermeil

La démarche s’appuie sur différents piliers. Tout d’abord la consommation d’énergie. L’électricité, notamment, est tombée à 3,5 MgW/heure, dont le tiers en autoproduction grâce à 5000 m2 de panneaux photovoltaïques (mis en place avec Réservoir Sun). « On pourrait augmenter la production de 20%, mais elle ne coïncide pas avec les bonnes tranches horaires, ajoute Marie Canton. Peut-être en faire bénéficier d’autres ? ». Sur cette question de l’autoconsommation collective, c’est l’entreprise SerenySun (lire bonus) qui est ressource.

Le centre commercial sera 100% LED d’ici l’été. Il est par ailleurs rattaché au réseau de géothermie marine Thassalia depuis fin 2021 pour les circuits chaud et froid. Un choix qui a sonné le glas du gaz et des chaudières (« sur quatre, deux ont été conservées en cas de problème »).

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5000 m2 de panneaux photovoltaïques ©DR

Résultat : le bâtiment émet aujourd’hui 2,9 kg de CO2/m2, soit une économie de 74% réalisée en deux ans. Reste à travailler encore la question des (faibles) besoins en énergie la nuit. La solution pourrait venir de l’éolien horizontal, développé notamment par l’entreprise lilloise Unéole. « Nous pourrions aussi recourir à une junior entreprise ou des alternants ingénieurs. Nous allons explorer les différentes alternatives », indique notre directrice, enthousiaste.

Quant à la consommation d’eau, depuis 2015 elle a diminué de 81%. Robinets et chasses ont en effet été dotés d’ économiseurs deau. Difficile de faire beaucoup mieux, sauf à pister la moindre fuite.

 

 

Jardin écolo et ferme urbaine

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Un jardin géologique et bientôt une ferme urbaine © DR

On n’associe pas spontanément un centre commercial à la préservation de la biodiversité. À tort ! Ici, le toit-terrasse recèle un jardin écologique de 200 m2 reproduisant le biotope (écosystème local) de l’île du Frioul. Un écologue de l’entreprise Mouvements et Paysages le surveille de près. Vérifie l’évolution des espèces – plantes et insectes – présentes.

Plus ambitieux encore, un projet de ferme urbaine de 5000 m2 est en fermentation. Pour l’imaginer, la direction a eu recours à un dispositif original qui fait appel à l’intelligence collective, le Smart Port Challenge (lire bonus). Elle devra être rentable, utiliser les eaux pluviales et compter un volet pédagogique. Un autre coin du toit est lui occupé depuis quelques mois par six ruches. On attend le miel des Terrasses…

 

♦ Signe particulier : le centre commercial est intégré dans le périmètre du Grand Port de Marseille. Le circuit d’évacuation par exemple débouche dans l’enceinte portuaire !

 

Déchetterie intégrée et micro-méthanisation

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Le carton, massifié sur place, part directement chez le papetier ©DR

Des déchets, un centre commercial qui compte 190 enseignes dont 45 restaurants en fournit évidemment beaucoup. Énormément. D’où le choix sensé de se doter d’une déchetterie intégrée, avec deux presses à balles (pour compacter les lots). De quoi (re)traiter jusqu’à 17 flux différents – carton, CSR (combustibles solides de récupération dont plastique), cintres… 80% du contenu des poubelles est ainsi recyclé. Comme le carton, massifié sur place, qui part directement chez le papetier !

La réflexion porte désormais sur l’ouverture aux déchets de l’extérieur (du Mucem par exemple), car l’installation, conçue pour traiter jusqu’à 3400 tonnes/an, n’est utilisée que pour moitié de ses capacités. « Il serait logique de rentabiliser cet investissement, de le mettre à disposition et de jouer le jeu de l’économie circulaire », considère Marie Canton.

Ce dispositif sera bientôt complété par une station de micro-méthanisation. Une bonne nouvelle après deux ans d’atermoiements. « Une telle installation sur le toit d’un toit commercial, c’était du jamais vu, explique Marie Canton. Mais nous avons, enfin, l’arrêté préfectoral tant attendu ». La « BioBeeBox » (lire bonus) qui doit être livrée cet été peut traiter jusqu’à 250 tonnes/an de biodéchets (matières organiques issues de denrées alimentaires). Elle les valorise en les transformant en compost, en eau industrielle et en énergie verte. Là encore, la capacité est deux fois plus importante que les besoins ; les commerces alentour pourront donc en bénéficier. Ces process sont co-développés avec Véolia et Synchronicity.

 

 

L’impact socio-économique local

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Quatre ressourceries du territoire regroupées dans l’espace éphémère Rien ne se perd © Marcelle

Les Terrasses du Port sont un gros employeur : 2000 personnes et une priorité donnée au recrutement local. Et à la formation, avec l’hébergement récurent de la boutique-école Skola. Au milieu d’une coursive, on note la présence de l’enseigne textile Fil Rouge, une usine de fabrication 100% avec production écoresponsable. Cet hiver, la ressourcerie éphémère « Rien ne se perd », tenue par des salariés en insertion, a également élu domicile dans le vaste complexe. Autant d’espaces loués à prix très modique, pour encourager la formation et d’autres modes de consommation.

Le groupe Hammerson a par ailleurs investi récemment dans le fonds régional Héritage Sport (bonus). Créé en novembre 2022 par le Comité régional olympique et sport (CROS), il a vocation de permettre à chaque athlète concerné de bénéficier d’une bourse et d’un accompagnement adapté.

Des choix et engagements récompensés par le label Empl’itude, premier label RSE en France (qui valorise les actions et bonnes pratiques en matière d’emploi, de ressources humaines et d’engagement sociétal). Et une exemplarité qui vaut aux TDP de nombreuses visites de la part de promoteurs ou de foncières en quête d’inspiration. ♦

* Le Groupe Constructa parraine la rubrique « Société » et partage avec vous la lecture de cet article*
Bonus

[pour les abonnés] – La Biobeebox – SerenySun Energies – Le Smart Port Challenge – Le fonds Héritage Sport –

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Une BioBeeBox à Vitry-sur-Seine ©BBB
  • La BioBeeBox. Cette solution qui tient dans un container permet de gérer de manière autonome les biodéchets. Et de produire ainsi non seulement de l’énergie verte, mais également de l’eau industrielle et du compost normé. De quoi valoriser toutes les matières organiques : restes alimentaires, déchets verts issus de l’entretien des parcs et jardins, déchets provenant de la production ou transformation de denrées alimentaires, SPA3 compris.

Une BioBeeBox a été installée en plein cœur de ville de Vitry-sur-Seine, sur un site viabilisé en eau et électricité. Elle traite et valorise les biodéchets des 40 écoles de la ville, avec une capacité de 300 tonnes/an.

  • SerenySun Energies. Implantée sur le Technopole de l’environnement Arbois Méditerranée à Aix-en-Provence, SerenySun crée des communautés d’énergie renouvelable qui fédèrent producteurs, consommateurs et financeurs. Accélérateur des circuits courts de l’énergie, l’entreprise entend révolutionner le modèle énergétique. Ainsi, elle combine plusieurs modèles de valorisation d’énergie : autoconsommation individuelle, autoconsommation collective ainsi que revente à prix garanti.

 

♦ Lire aussi : Les entreprises doivent réduire leur empreinte carbone

 

  • Le Smart Port Challenge. L’Agence Nationale des Ports est l’acteur qui fédère la communauté portuaire. Elle a engagé en partenariat avec le Guichet unique national du commerce extérieur (Portnet) le plan d’innovation Smart port Challenge. Reposant sur l’intelligence collective, il permet de de développer des services innovants à forte valeur ajoutée, tout en optimisant les processus portuaires.

Localement, dès 2017, le Port de Marseille Fos, le CCIMP, Aix Marseille Université et leurs partenaires ont mis en place un French Smart Port in Med. Il ambitionne de construire le port du futur, de répondre aux enjeux de transition. Objectifs : améliorer la performance économique et environnementale de l’écosystème portuaire, logistique et industriel. Créer de nouvelles sources de valeur et d’emploi. Renforcer les relations et les interactions entre le Port et le territoire métropolitain. Enfin, promouvoir la place portuaire.

Cela passe notamment par l’organisation du « Smart Port Challenge » qui font du Port et du territoire les terrains d’expérimentation de nouveaux usages, applications, dispositifs et démonstrateurs. Vous trouverez ici les défis proposés et relevés en 2022.

 

  • Le fonds Héritage Sport. 24 entreprises pour 2024, c’est l’objectif du Fonds Héritage Sport Provence-Alpes-Côte d’Azur. Sa vocation, mobiliser les entreprises régionales au profit du rayonnement de la région Sud et de la réussite de ses champions. Ils seraient 99 d’après la Maison Régionale de la Haute Performance. Des dons bienvenus pour des athlètes qui ne roulent pas sur l’or. Récemment, un reportage de « Complément d’enquête » révélait en effet que la moitié des 450 Français des JO de Rio vit avec moins de 500 euros par mois.

Sur le modèle des ateliers d’artistes de Marseille Provence 2013 capitale européenne de la culture, il s’agit donc de faire entrer le sport dans les lieux de vie et de travail. Tout en initiant de nouveaux modèles de financement. Afin de considérer les entreprises, non pas simplement comme des mécènes ou payeurs, mais des acteurs à part entière d’un projet sportif.