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Les Z’elles, à la conquête des métiers « d’hommes »

Par Régis Verley, le 29 mars 2022

Journaliste

Quand des femmes en recherche d’emploi découvrent des métiers réputés masculins © Les Z'Elles

L’égalité ne se mesure pas qu’au sommet de la pyramide sociale et dans les conseils d’administration. C’est également dans les métiers de tous les jours que l’on constate l’absence des femmes qui semblent parfois condamnées aux activités du service et de l’aide à la personne. Dans le district de Valenciennes, les centres sociaux ont lancé un dispositif d’insertion des femmes dans les métiers réputés masculins.

 

Des femmes pour ramasser et vider les poubelles d’un arrondissement de Valenciennes : la chose n’est pas en soi incongrue. Pourtant cela étonne, tant il paraît acquis que la collecte des ordures est un « métier d’homme » par excellence. Derrière cette mini-révolution, les « Z’elles », un collectif de formation créé par l’ASCRV, l’association qui regroupe les seize centres sociaux du secteur. Juliette Fleury en est l’animatrice. Pendant six semaines, à raison de deux jours par semaine, elle emmène des femmes en recherche d’emploi à la découverte de ces métiers réputés masculins.

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Ripeur, un métier d’homme par excellentce © les Z’elles

Mécanique, BTP, conduite de poids lourds…

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Capables de piloter des engins à moteur ou de manier la truelle © Les Z’elles

Elles passeront ainsi du temps dans un atelier de mécanique. S’initieront à la conduite de poids lourds. Puis aborderont un chantier de BTP avant d’aller suivre les travaux d’une ferme. « Il ne s’agit pas, note-t-elle, de fournir une qualification à ces femmes mais de leur ouvrir des horizons nouveaux ». Trop souvent en effet les femmes en recherche d’emploi, surtout lorsqu’elles doivent revenir sur le marché du travail, ne se projettent que dans les spécialités réputées féminines. « Elles doutent de leurs potentialités et naturellement se tournent vers des métiers classiquement féminins, d’aide-ménagère, de garde d’enfants, ou de surveillante de cantine…, explique Juliette Fleury. Nous essayons par notre programme de leur ouvrir de nouveaux champs, et de leur faire découvrir des métiers qui ne leur semblent pas destinés ».

 

 

« Les gardes d’enfant, ce n’est plus possible »

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L’immersion pour envisager d’autres solutions © Les Z’elles

C’est bien le cas de Belinda, mère de famille qui après avoir élevé cinq enfants souhaite reprendre un travail. « Les lessives et les gardes d’enfant, non, ce n’est plus possible, avoue-t-elle. Moi ce que j’aimerais, c’est un travail qui me ferait bouger. J’aimerais trouver un poste de cariste ou de préparatrice de commandes ». Les Z’elles lui ouvrent ainsi des portes qu’elle n’aurait pas pensé pouvoir pousser.

C’est encore le cas de Fatma. Elle est aide à domicile et, dit-elle, « j’aimerais vraiment autre chose. Mon rêve c’est de travailler dans le transport. Conductrice de bus ça me plairait ou simplement contrôleur, pour voir des gens et bouger ». Elle a pu s’initier à la conduite d’un bus sur un simulateur de la société de transport du Valenciennois. Une révélation pour celle qui se voyait vouée au travail ménager.

 

Découvrir des potentialités ignorées

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Aide-ménagère ou surveillante de cantine, c’est fini ! © Les Z’elles

Semaine après semaine, les huit femmes de chaque session vont s’immerger dans des entreprises. Sous la surveillance bienveillante des responsables d’entreprise, elles découvrent la réalité du BTP, le montage et le démontage des moteurs de tondeuses d’une entreprise paysagiste. Elles participent aux travaux d’une ferme, pénètrent dans l’antre d’un dépôt logistique. Découvrent tout autant les réalités du numérique ou de la vente…

« L’important, c’est de leur donner confiance et de découvrir des potentialités qu’elles ignorent ». La session comporte des temps de discussion ou chacune peut évoquer ses projets de vie, ses échecs et ses envies. Il s’agit de déconstruire des stéréotypes qui encombrent trop souvent l’esprit de ces femmes, de les aider à construire des CV positifs où elles réussissent à mettre en valeur leur capacité à agir.

 

« C’est vrai, nous ne pensons pas à solliciter les femmes »

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Déconstruire les stéréotypes qui encombrent l’esprit des femmes © Les Z’elles

Ces immersions sont également une découverte pour les employeurs. « C’est vrai, note Marc, encadrant technique à l’AGEVAL, une entreprise d’insertion employeur de plus de 500 personnes. Nous n’avons pas de femmes dans nos sections bâtiment ou entretien des espaces verts. Ce n’est pas que nous ne le voulons pas c’est que nous n’avons pas de candidatures et aussi que nous n’y pensons pas. » Pour lui aussi la découverte est enrichissante. Les femmes, tout autant que les hommes sont capables de piloter des engins à moteur ou de manier la truelle.

Juliette Fleury sollicite les entreprises du territoire, notamment dans les secteurs de l’automobile ou la mécanique, là où les femmes sont peu nombreuses. Toyota, Michelin, Suez, Décathlon et d’autres entreprises du secteur sont sollicitées. Les retours sont souvent positifs. Lorsqu’elle s’est adressée au DRH national d’un grand groupe pour l’accès à une entreprise locale, elle a tout de suite reçu une réponse. Si localement les responsables étaient réticents, au niveau national elle a obtenu un accord facile. Modifier les représentations que peuvent porter dans l’entreprise l’image des femmes et de leur capacité c’est aussi un des enjeux de l’ACSRV. Il rejoint de plus en plus souvent le souhait d’entreprises désireuses de diversifier leur recrutement. ♦

 

Bonus
  • L’Association des centres sociaux et socioculturels de la région de Valenciennes. Cofinancée par le Fonds Social Européen pour le programme opérationnel national pour Emploi et Inclusion 2014-2020, l’ACSRV s’est engagée avec le département du Nord, la CAVM et l’État, à la mise en œuvre du projet « En route vers l’emploi dans le Hainaut ». Le programme se poursuit avec les financements locaux en attendant la réponse des fonds européens sollicités.

Cette action a pour but de dépasser les représentations traditionnelles stéréotypées en matière de rôle et fonction dans les emplois, notamment celles qui limitent les perspectives professionnelles des femmes en matière d’insertion.

Le deuxième objectif est de modifier les représentations que peuvent avoir certaines entreprises et de lutter contre les discriminations à l’encontre des femmes. En effet, l’emploi des femmes en France est en grande majorité dans le secteur tertiaire, moins de 30% des femmes sont représentées dans les secteurs primaires et secondaires (agriculture, bâtiment, transports…).

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