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Mélodie, assistante d’éducation, a fait changer la loi !

Par Virginie Menvielle, le 10 octobre 2022

Le sénateur de l'Aisne Pierre-Jean Verzelen et Mélodie ©Virginie Menvielle - La Thiérache

Mélodie, assistante d’éducation dans une ville de 4000 habitants, à Guise dans l’Aisne, s’est battue pendant deux ans pour que son métier soit reconnu en tant que tel. Son combat a payé. Depuis la publication du décret paru le 9 août 2022, les assistants d’éducation peuvent enfin être titularisés. 

 

«Est-ce qu’on demande à une coiffeuse de changer de métier au bout de six ans ? », lâche avec colère Mélodie, en mai 2021. Cette assistante d’éducation (AED – lire bonus) dans un collège de Guise, dans l’Aisne (02), a la rage au ventre car elle vient d’apprendre qu’elle devra quitter l’établissement qu’elle aime tant le 23 mai 2022. Pourtant, la direction l’assure, Mélodie fait bien son travail, mais elle ne peut pas aller contre la loi. La loi dont on parle, c’est celle du 30 avril 2003 qui régit l’emploi des assistants d’éducation. Elle stipule « qu’on est employé en CDD (contrat à durée déterminé) d’un an, renouvelable six fois maximum », tonne Mélodie.

Autrement dit, le 23 mai 2022, la trentenaire devait se retrouver au chômage ou changer de métier comme tous les autres surveillants de France avant elle. « L’année où je suis arrivée, une de mes collègues assistantes a, par exemple, donné des cours de français. Mais qu’est ce qu’on a en échange ? Rien. On nous fait des CDD, on nous fait vivre dans la précarité, on ne peut pas faire de crédits, on gagne le Smic. Et ensuite, on nous jette », martèle Mélodie. 

 

Elle a mis Emmanuel Macron au défi dans une vidéo

Opiniâtre, elle a décidé qu’elle ne se laisserait pas faire et prouverait au gouvernement qu’elle n’exerce pas un job, en attendant de faire autre chose, mais un vrai métier. «Je comprends qu’on ne peut pas titulariser tout le monde, et qu’il faut laisser aussi une place aux étudiants. Mais pourquoi ne pas embaucher ceux qui ont fait leurs preuves au bout des six ans ? », s’interroge-t-elle. Aussi pour faire entendre sa voix, Mélodie a inondé pendant des mois le ministère de l’Éducation nationale.

Elle est ensuite allée encore plus loin en contactant directement le cabinet du Président de la République, Emmanuel Macron. « J’ai réussi à avoir un collaborateur au bout du fil qui m’a dit d’envoyer un courrier directement adressé au Président », raconte la jeune femme. Elle l’a fait. Elle a ensuite mis Emmanuel Macron au défi, via une vidéo : « Emmanuel Macron a dit qu’il aimait les défis, alors je le mets au défi de me recevoir en rendez-vous, et de m’expliquer pourquoi il ne m’embauche pas ». Sa vidéo a été publiée par les médias locaux et certains parlementaires s’y sont intéressés. 

 

♦ Relire : Quand les citoyens s’emparent de la France de demain

Des parlementaires en soutien 

« Sa cause était juste », confiait le sénateur de l’Aisne Pierre-Jean Verzelen (groupe LIRT – Les indépendants république et Territoires) qui a choisi de l’aider après avoir découvert son histoire dans les médias locaux. Il rédige une première proposition de loi après l’avoir rencontrée pour la « CDIsation » des assistants d’éducation. Elle est présentée en novembre 2021. Et c’est un échec. Mais aucun des deux n’abandonne. Le sénateur du groupe Les Indépendants – Terres et territoires écrit alors au rectorat pour obtenir une dérogation pour Mélodie. Nouveau problème : ce n’est pas à un élu de prendre en charge ce sujet mais au principal de l’établissement dans lequel Mélodie travaille. Retour à la case départ.

Toujours aussi combattive, la jeune femme ne baisse pas les bras et fait parler d’elle sur les réseaux sociaux. Ça marche. Son histoire se retrouve connue de tous les assistants d’éducation de France. « J’ai maintenant des contacts partout. Dans le Sud, la Bretagne, Paris, des CPE (conseillers principaux d’éducation) en collège, lycée, des AED m’ont appelée pour savoir comment je procédais, connaître mes démarches… », s’enthousiasme la trentenaire. Elle est rejointe dans son combat par la députée socialiste Michèle Victory. La parlementaire dépose une proposition de loi qui concerne la titularisation des assistants d’éducation mais aussi celle des AESH (accompagnements des élèves en situation de handicap). Elle est cosignée par 29 députés, et présentée à l’Assemblée nationale le 15 décembre 2021. 

 

Loi adoptée en février 2022

La proposition de loi est finalement examinée le 12 janvier 2022. Elle ne passe pas… en l’état. 29 amendements sont déposés, examinés par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, le 19 janvier. Le texte est adopté par l’hémicycle le lendemain. Mais ce n’est que la première étape. Le Sénat doit encore rendre son verdict. Il le fait en février. Victoire pour Mélodie ? Pas encore. « Une fois qu’une loi est votée, il faut un décret pour l’appliquer », précise le sénateur Pierre-Jean Verzelen.

Or, de nombreuses lois votées par l’Assemblée nationale et le Sénat n’ont finalement jamais vu le jour, n’ayant jamais été suivies par un décret. Et le contexte préélectoral n’est pas franchement favorable à Mélodie. La jeune femme espère ardemment que le décret soit promulgué avant les élections présidentielles d’avril 2022. Ça ne sera pas le cas. Elle commence alors à craindre le pire et se dire qu’elle sera finalement au chômage le 24 mai. « J’ai appris que je pouvais avoir une dérogation à titre personnel en attendant la « CDIsation » prévue pour septembre ».

 

De nombreux AED au chômage

Mélodie peut donc finalement conserver son poste. Sauf qu’après vérification de son dossier, il lui manque finalement un mois et demi de CDD pour pouvoir signer le fameux CDI. Elle a donc repris en CDD et devrait être définitivement embauchée le 17 octobre. Cette longue attente, des milliers d’autres assistants d’éducation l’ont vécue cet été. Nombreux d’entre eux se sont retrouvés au chômage, le décret tant attendu n’étant pas arrivé en juin non plus.

Le précieux sésame est finalement paru le 9 août. La fin d’une longue bataille pour Mélodie, mais qui augure sans doute d’autres combats à venir.  Sur le groupe de discussion des AED, beaucoup dénoncent des chefs d’établissement qui refuseraient de les embaucher malgré la loi. Les syndicats s’en mêlent. Un autre combat se prépare ? L’avenir nous le dira… ♦

 

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Bonus
  • L’assistant ou l’assistante d’éducation (AE, AED). Il ou elle exerce des fonctions d’assistance auprès de l’équipe éducative et du conseiller principal d’éducation (CPE) dans les écoles primaires, les collèges, les lycées, les internats. Même si l’essentiel de ses missions est l’encadrement et la surveillance des élèves, il ou elle peut se voir confier d’autres fonctions. Davantage de précisions dans cette fiche métier.