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Lou Pan d’ici, 100% régional du blé à la baguette

Par Agathe Perrier, le 29 novembre 2022

Journaliste

Cédric Salemi, du fournil d'Allauch, fait partie des plus de 200 artisans-boulangers à confectionner du pain estampillé Lou Pan d'ici © Agathe Perrier

Des agriculteurs, meuniers et artisans-boulangers de Provence-Alpes-Côte d’Azur se sont associés pour créer la marque Lou Pan d’ici. Leur but ? Enrichir l’offre avec du pain artisanal, entièrement confectionné dans la région. Les premiers cultivent le blé, les deuxièmes le transforment en farine et les derniers façonnent les baguettes. Le tout en assurant une juste rémunération des acteurs de l’ensemble de la chaîne et à un prix client très raisonnable. De quoi participer à la mise en lumière de ce « trésor national » comme le considère l’Unesco, qui vient d’intégrer la baguette à la liste du patrimoine immatériel de l’humanité.

 

Le pain fait partie des aliments préférés des Français. Près de 9 personnes sur 10 en auraient toujours chez elles. À l’heure des circuits courts, elles se déclarent même de plus en plus sensibles à l’origine du blé (bonus). Bonne nouvelle pour les Provençaux : plus de 200 boulangeries artisanales du territoire façonnent et vendent un pain labellisé Lou Pan d’ici, qui n’est pas seulement 100% Français mais 100% régional. « Il est élaboré par des artisans locaux, à partir de blé tendre cultivé localement et transformé aussi localement », indique Guillaume Céard président de cette structure « unique en France » qui regroupe agriculteurs, meuniers et boulangers.

 

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Au fournil d’Allauch, le pain Lou Pan d’ici est un pain spécial de 330g à l’aspect ancien © AP

Du pain de qualité, pour quelques centimes de plus


Il n’y a pas un mais des pains Lou Pan d’ici. Chacun des boulangers confectionne en effet sa ou ses propres recettes. Exemple au Fournil d’Allauch, dans cette commune voisine de Marseille. Cédric Salemi a mis au point un pain spécial de 330g. « On avait fait un format baguette mais nos clients ne comprenaient pas la différence avec une baguette classique. Avec cet aspect plus ancien, fariné et pointu, c’est comme ça qu’il part le mieux », confie-t-il. Et Guillaume Céard d’ajouter : « Le but n’est pas de faire un standard mais de garantir des valeurs aux consommateurs ». Tous les boulangers respectent pour cela la charte « tradition française ». Détaillée dans un décret de 1993, elle certifie notamment des pains sans additifs ni surgélation (bonus).

Cédric Salemi vend son Lou Pan d’ici 1,25 euro l’unité, un tarif équivalent aux autres pains spéciaux de l’établissement. « Car on achète la farine 20 à 25% moins cher que les farines spéciales. Elle est au même prix que nos blanches », précise-t-il. Ce n’est pas forcément le cas dans toutes les boulangeries. Guillaume Céard assure cependant que le prix d’une baguette tradition Lou Pan d’Ici est au maximum de 10 centimes supérieur au spécimen classique. « Le surcoût est répercuté tout au long de la chaîne et permet d’assurer la juste rémunération de nos agriculteurs. Le prix du blé qu’on leur achète est d’ailleurs fixé en fonction de leurs coûts de production moyens et non pas au niveau mondial comme c’est souvent le cas », expose-t-il.

 

 

Le rôle clé des meuniers

Au Fournil d’Allauch, le Lou Pan d’ici a en tout cas ses adeptes, séduits pas son côté 100% régional. L’équipe continue toutefois de vanter ses valeurs auprès des autres clients. « Quand on leur dit que c’est un pain du sud, ils se laissent tenter et le goûtent », même si peu se soucient de la provenance de la matière première, reconnaît Cédric Salemi. Il a par ailleurs pour projet de confectionner d’autres recettes à partir de la farine locale, notamment des pains garnis. Aux olives par exemple, provençales bien sûr.

Si les artisans ont une mission centrale pour écouler les stocks de farine, les meuniers jouent aussi un rôle essentiel. Car ce sont eux qui démarchent les boulangeries. Trois moulins régionaux sont aujourd’hui impliqués dans la filière et « font du porte-à-porte pour convaincre les boulangers », certifie Guillaume Céard. Et le président sait de quoi il parle puisqu’il est en train de prendre la relève de son père à la tête du moulin Céard, situé à Embrun (Hautes-Alpes). Un quart de ses farines est aujourd’hui estampillé Lou Pan d’Ici.

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Guillaume Céard va prendre la relève de son père à la tête du moulin Céard, avec sa sœur © DR

 

Lutter contre le déclin des cultures de blés

L’idée de lancer une filière 100% régionale est partie d’un constat : la baisse de la culture de céréales en Paca, notamment des blés. Aussi bien concernant le blé dur – qui sert à fabriquer pâtes et semoules – que le blé tendre – à la base des farines pour les produits de boulangerie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 55 000 hectares de blé dur cultivés en 2010 contre 21 000 en 2019. Le blé tendre compte lui environ 8 000 hectares de surface. Les raisons de ce recul ? « Des rendements relativement bas et, puisque le cours du blé est fixé au niveau mondial, une rémunération trop faible pour que les agriculteurs rentrent dans leurs frais », explique Guillaume Céard. Les boulangers rencontrent également des difficultés, entre baisse de la consommation de pain et multiplicité des points de vente.

Réunis lors de la déclinaison régionale des États généraux de l’alimentation en 2017, les représentants des agriculteurs, des meuniers et des boulangers provençaux ont alors imaginé la création d’une filière « blé-farine-pain » locale. Le projet a tout de suite été soutenu et accompagné par la Région Paca (bonus). « Les premiers semis ont été plantés à l’automne 2018, les premières farines mises à disposition des artisans-boulangers en 2019 avec la sortie des premiers pains. Ça a été un vrai succès et la marque Lou Pan d’ici a été officiellement inaugurée au Salon de l’agriculture de 2020 », rembobine le président.

 

 

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Proposer un pain 100% local est une façon pour les artisans-boulangers de se démarquer de la concurrence © DR

Une notoriété à construire

Quatre ans après les premiers semis, Lou Pan d’ici représente 6% des surfaces ensemencées en  blé tendre en Paca. Et ses initiateurs ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin puisqu’ils veulent reconquérir les friches agricoles du territoire. Le projet s’est par ailleurs récemment structuré avec la création de l’association du même nom, en septembre dernier. « On va maintenant renforcer la communication pour faire connaître l’initiative aux consommateurs. On a aussi besoin d’eux pour qu’ils réclament à leur boulanger du pain Lou Pan d’ici », lance Guillaume Céard. Et ce, afin de faire grandir encore plus la filière. Pour lui assurer un avenir, le président ambitionne en parallèle de s’attaquer à la restauration collective. La filière blé-farine-pain 100% provençale n’en est qu’à ses prémices. ♦

 

Bonus

  • Derrière Lou Pan d’ici, une multitude d’acteurs impliqués – Le projet réunit trois coopératives céréalières régionales (Duransia, Coopérative Agricole Provence Languedoc et Arterris), trois moulins (le moulin Céard et les minoteries Giral et Tarascon) et plus de 200 artisans-boulangers (la liste complète ici). Il compte aujourd’hui de nombreux partenaires dont la Région Paca qui a soutenu et suivi son développement dans le cadre de l’opération d’intérêt régional « Naturalité », avec un accompagnement initial de risingSUD, son agence de développement économique.
  • « Pain de tradition française », une appellation contrôlée – Elle a été mise au point à l’initiative de la profession et a fait l’objet du décret n° 93-1074 du 13 septembre 1993. Et ce afin de « sauvegarder les spécificités de la panification française face à l’élargissement de l’emploi des additifs lié à l’harmonisation des réglementations dans le cadre européen ». Le pain de tradition française se caractérise justement par l’absence d’additifs et de traitement de surgélation. Sa composition est précisée par les dispositions de l’article 2 dudit décret. Plus de détails en cliquant ici.
  • Les Français toujours aussi fous de pain – C’est ce qu’il ressort de l’enquête 2021 réalisée par l’institut Qualiquanti pour la fédération des entreprises de boulangerie. 87% des répondants déclarent avoir toujours du pain chez eux et 48% ne pas pouvoir s’en passer. Le pain 100% français est plébiscité par la majorité des personnes interrogées : 52% sont sensibles à l’origine du blé. 73% trouvent également important un pain fabriqué à base de blé cultivé en France. La boulangerie indépendante reste le lieu d’achat n°1 du pain malgré un léger recul (moins 6 points comparé à 2015). Elle est suivi des grandes et moyennes surfaces (45%) et des réseaux de boulangeries (25%). Les résultats complets de l’étude sont à retrouver ici.