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Le Loubatas, davantage qu’un écogîte modèle

Par Agathe Perrier, le 30 mars 2023

Journaliste

Le Loubatas est une association d’éducation à l’environnement qui gère un écogîte de groupe autonome en énergie en pleine forêt provençale © Agathe Perrier

Depuis 25 ans, le Loubatas accueille scolaires et grand public pour des séjours en pleine nature. Mais le lieu n’est pas qu’un simple écogîte, autonome en énergie, en eau et auto-nourricier. Il sert à montrer à tous les visiteurs, quel que soit leur âge, différentes manières d’habiter la terre, en harmonie avec le vivant.

 

C’est en sillonnant sur trois kilomètres le chemin du Loubatas, au départ de la commune de Peyrolles-en-Provence, que l’on tombe sur le gîte du même nom. Ou plutôt l’écogîte. « Le bâtiment a été construit selon une architecture bioclimatique », expose Damien Rabourdin, le directeur.

Et de détailler : « Il se situe sur la parcelle la plus haute du terrain, qui est la plus ensoleillée. Il est exposé plein sud avec de larges baies vitrées pour que le soleil le chauffe l’hiver. La partie nord ne dispose par contre d’aucune fenêtre, si ce n’est d’ouvertures pour faire circuler l’air en été. La toiture est végétalisée pour absorber les bruits et isoler du chaud comme du froid ». Des panneaux solaires recouvrent l’ensemble.

Rien de surprenant en 2023. Sauf que le site a été construit entre 1986 et 1997 par plus de 1000 jeunes, dans le cadre de chantiers internationaux. Précurseurs, les fondateurs ! « Ils toujours été dans l’optique d’expérimenter des choses qui ne se faisaient pas ailleurs. Depuis, on est encore dans le défrichage d’initiatives. On essaye d’être à l’avant-garde et au final, on est des démonstrateurs », ajoute le responsable des lieux.

 

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Le Loubatas propose des séjours pédagogiques aux scolaires et accueille aussi bien des enfants en moyenne section que des jeunes en études supérieures © DR

Éduquer, sans dogme

Fort de 35 couchages, le Loubatas reçoit des visiteurs tout au long de l’année. Des classes découvertes à la semaine, aussi bien des enfants en moyenne section que des jeunes en études supérieures. En parallèle, d’autres y passent pour seulement une journée. « On propose diverses animations sous forme de jeux sur le développement durable, les espèces de la forêt, les consommations d’eau, l’alimentation… Que des activités pratiques, selon une pédagogie active, afin de susciter des déclics », explique Damien Rabourdin. L’éducation à l’environnement est à l’origine même de la création du centre. Elle était au départ surtout axée sur la protection et la sensibilisation de la forêt, à une époque où la Provence affrontait une recrudescence d’incendies (bonus).

Le spectre s’est élargi au fil du temps et le but est désormais de montrer qu’il existe « d’autres manières d’habiter la Terre », dixit son slogan. « Ici, on vit en contact et en harmonie avec le vivant. On mange en respectant le vivant. Le tout en coopérant les uns avec les autres », insiste le directeur. Et, surtout, sans dogme. L’objectif en effet n’est pas de donner des leçons, seulement d’outiller chaque individu pour devenir meilleur. Exemple à l’appui lors des repas. Bien qu’une grande partie de l’équipe du Loubatas soit végétarienne, de la viande est néanmoins servie. Mais une fois par semaine uniquement. Car si l’Homme en a toujours mangé, il s’agissait auparavant d’un mets d’exception. Idem ici. « C’est comme ça qu’on arrivera à faire accepter aux gens de réduire leur consommation et pas en imposant des idées », estime le responsable.

 

 

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Les pensionnaires participent à la confection des repas du soir aux côtés de l’équipe en cuisine, quel que soit leur âge © DR

Alimentation nourricière à tous les niveaux

L’éducation à l’alimentation tient d’ailleurs une place importante dans les séjours. « On porte depuis le début le projet d’une alimentation nourricière. C’est-à-dire qui nourrit correctement les convives, les producteurs et la terre. On utilise du coup beaucoup les légumineuses en remplacement de la viande », précise Damien Rabourdin. Et les locataires, quel que soit leur âge, participent à la confection des repas. Une démarche qui porte ses fruits puisque la plupart des réticences à goûter une alimentation différente s’estompent ainsi rapidement.

Côté produits, ils ne proviennent pas tous du Loubatas. Le centre a toujours disposé de son jardin productif, mais c’est surtout depuis 2021 qu’il fournit la cuisine. Soit environ 10% des besoins. Le reste vient de producteurs locaux, dans un rayon de 50 kilomètres – comme par exemple de la Ferme Pastière, qui fabrique notamment des pâtes 100% provençales (notre reportage ici). Bio pour la quasi-totalité. « On envisage d’augmenter notre autoproduction, sans viser la pleine autonomie. Ce ne serait pas tenable économiquement parlant. Il vaut donc mieux acheter aux alentours, ce qui permet en plus de créer des débouchés et de faire vivre l’économie locale », note le directeur.

 

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L’équipe du Loubatas a installé un poulailler et accueilli des poules qui, jusqu’à présent, ont toutes été victimes de la faune locale © Agathe Perrier

Une aventure ponctuée de réussites et d’échecs

La remise en question est en tout cas une constante au Loubatas. « On n’a pas réussi à atteindre l’autonomie totale en énergie. Malgré les panneaux solaires, le soleil n’est pas suffisant pour nous chauffer l’hiver. C’est pourquoi on a un groupe électrogène en appoint. Néanmoins, on ne consomme que 80 litres de pétrole par an », souligne Damien Rabourdin. Du côté de l’eau, comme le lieu est classé « site isolé » et n’est donc pas raccordé au réseau, il a fallu réaliser un forage. Le troisième endroit repéré s’est avéré être le bon. L’équipe a par ailleurs voulu adopter des poules, qui jusqu’à présent ont toutes été victimes de la faune locale. Et des sangliers ont ravagé le jardin lorsqu’il a été créé – il a depuis été mieux clôturé.

Autant d’exemples qui montrent que le centre s’est façonné sur une succession de réussites et d’échecs, qui servent finalement de leçons. « Notre but est désormais de nous ouvrir sur l’extérieur et d’essaimer ces autres manières d’habiter la terre. On ne cherche pas à ce que le Loubatas soit répliqué, mais on est partant pour accompagner l’émergence de projets similaires », indique le directeur. L’équipe exporte aussi ses animations hors de ses murs et se rend régulièrement dans les écoles notamment. Afin de sensibiliser un maximum de monde.

 

 

Renouveau à venir

Le week-end, le Loubatas est en location libre pour les groupes de particuliers (bonus). Au total, environ 10 000 personnes y sont accueillies chaque année, tous publics confondus. Si bien que le lieu s’autofinance à hauteur de 60 à 70% et garde son indépendance. Il n’empêche que, comme pour beaucoup d’associations, l’argent reste le nerf de la guerre. Surtout en cette phase de rénovation du bâti. « Il n’y a pas eu de gros travaux depuis l’ouverture, à cause justement d’un manque de budget. Mais on n’a plus le choix aujourd’hui », glisse Damien Rabourdin.

Les sanitaires ont déjà été refaits, ainsi que les évacuations. Les fenêtres sont en train d’être changées. Les panneaux solaires les plus anciens doivent également être remplacés. 150 000 euros seront alloués à ces travaux sur les trois prochaines années. Une coquette somme puisque le budget annuel de l’association s’élève à 500 000 euros. Un moment charnière pour l’équipe de 11 salariés, déterminée à poursuivre sa mission d’éducation, toujours sans injonction et avec bienveillance. ♦

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Le Loubatas fait actuellement l’objet de travaux de rénovation, 25 ans après la fin de sa construction © DR

 

Bonus

  • Organiser un séjour, pour scolaires et particuliers – Pour les scolaires, les centres de loisirs et les centres sociaux, le Loubatas propose des séjours pédagogiques. Une semaine complète ou même seulement le temps d’une journée (plus d’informations en cliquant ici). Pour les particuliers, le Loubatas peut être loué pour le week-end et accueillir jusqu’à 35 personnes. Le tarif varie de 980 à 1130 euros selon la saison (plus d’informations en cliquant ici).
  • 43 ans d’existence – L’association est née en 1980, dans un contexte de recrudescence des incendies de forêt. C’est ce qui a motivé un groupe de citoyens, pour la plupart enseignants ou éducateurs, à militer pour la protection de la forêt et à animer des débats dans les foyers ruraux. Ces démarches de protection et d’information ont rapidement évolué vers des actions éducatives sur le thème de la forêt provençale et plus largement vers l’éducation à l’environnement. L’association s’est alors lancée dans la création d’un centre écologique, où les enfants pourraient être accueillis sur plusieurs jours et vivre une expérience unique en forêt. Un projet rendu possible grâce à Marie Baudoin. Cette institutrice à la retraite et passionnée de nature a fait don à l’association d’un terrain forestier constructible (pour un équipement social de plein air) de sept hectares sur la commune de Peyrolles-en-Provence, pour « y faire le bonheur des enfants ». C’est là que le centre du Loubatas a été construit et se trouve toujours aujourd’hui.
  • L’ombre du loup – Loubatas signifie « grand méchant loup » ou « vallon des loups » en provençal. « Historiquement, il y avait des loups dans cette forêt, qui attaquaient les troupeaux en transhumance, d’où ce nom », raconte Damien Rabourdin. Des traces du canidé ont d’ailleurs été repérées aux alentours de l’écogîte.