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Une maison pour prendre soin de soi après le cancer

Par Maëva Danton, le 3 mars 2022

Journaliste

L'ambition : offrir aux malades et à leurs proches un endroit où ils se sentent bien. Pour cultiver la confiance en soi, et l'envie

Le cancer ne met pas seulement le corps à mal. Il impacte aussi fortement la santé morale, la vie sociale et financière des personnes malades et de leurs proches. C’est pour les aider à faire face à ces difficultés et à se reconstruire que le comité de la Ligue contre le cancer dans les Bouches du Rhône a créé à Marseille Ma Maison bien-être. Un lieu dont l’ambiance s’oppose en tout point à celle des hôpitaux.

 

Il ne fallait surtout pas rappeler l’ambiance anxiogène des hôpitaux. Oubliez donc les néons à la lumière entêtante. Les blouses blanches. Les austères couloirs en lino. À la place : un salon qu’habillent d’imposants canapés molletonnés, un éclairage tamisé. Des tableaux, des sculptures, des plantes vertes. Puis à l’arrière de ce salon, une cuisine lumineuse égayée d’un mur bleu vif. Au milieu de cet univers qui pourrait, au premier coup d’œil, faire penser à un appartement témoin, se trouve un salon de coiffure. Et juste en-dessous, une salle de sport où cinq femmes suivent une séance d’étirements.

Nous sommes ici dans le tout dernier espace d’accueil ouvert par La ligue contre le cancer dans les Bouches-du-Rhône. Mais attention, si ce terme « d’espace » qualifie les 135 lieux d’accueil de l’association sur le territoire national, il a cette fois été volontairement évincé. Au profit de celui de maison. « Ma Maison bien-être ».

Car si l’ambition de ce lieu est d’accueillir des personnes atteintes de cancer et/ou leurs proches aidants, il doit surtout être un lieu pour se retrouver, au-delà de la maladie. Pour s’offrir du temps. Prendre soin d’un corps malmené par les traitements. Parler du cancer si l’on en a envie. De tout. De rien.

 

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Pierre Garosi, président du comité départemental de la Ligue contre le cancer @MGP

Au cœur battant de la ville

À l’origine de ce projet, le besoin, pour les équipes marseillaises de la Ligue contre le cancer, de déplacer leur bureau situé jusque-là tout au sud de la ville. « Nous nous trouvions au niveau du col de la Gineste. Nous nous parvenions donc à capter que les habitants de ces quartiers », explique Pierre Garosi, président du comité départemental de l’association qui compte 12 000 adhérents. D’autant que l’offre de transports en commun est limitée sur ce secteur irrigué par une seule ligne de bus. « Pour quelqu’un qui venait des quartiers nord, il fallait compter 1h30 de trajet. Quand on suit une chimiothérapie, c’est compliqué », constate Magali Maugeri, directrice du comité qui a imaginé ma Maison bien-être. Et le covid-19 n’a fait qu’empirer cette fracture géographique.

 

« Nous avons donc fait le choix de nous installer en plein centre-ville pour capter tout Marseille », poursuit Pierre Garosi. Un déménagement qui s’accompagne de la volonté de créer un lieu unique où les patients et leurs proches viendraient avec plaisir pour prendre soin d’eux. C’est ainsi que l’ancienne Banque populaire de la rue Davso, à deux pas du tramway, est transformée en un loft douillet. « Et l’avantage d’être en pleine ville, c’est qu’après être venus chez nous, les gens peuvent flâner un peu dans les rues alentour. Ce qu’ils n’auraient peut-être pas osé faire spontanément. Peut-être par peur du regard des autres », pense Magali Maugeri. Un regard finalement beaucoup moins pesant qu’ils ne le pensaient. Ce qui permet de lever certains freins. « Ce retour à la ville, c’est aussi un retour à la vie ».

 

 

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Au milieu de Ma Maison Bien-être, cette œuvre de l’artiste brésilien Nhobi, très engagé auprès de la Ligue. @MGP

Programme sur-mesure, accompagnement global

Accessible dès l’annonce d’un cancer jusqu’à deux ans après le traitement, Ma Maison bien-être propose un parcours complet et sur-mesure aux personnes qu’elle accueille.

« Lorsqu’une personne se présente ici pour la première fois, on la prend en charge pendant une vingtaine de minutes. On lui explique le fonctionnement du lieu et on voit où elle en est », explique Charlotte Douchet, assistante de direction du comité. « Ensuite, un psychologue évalue ses besoins et propose un parcours adapté. On cherche aussi à savoir si les proches de la personne malade ont besoin d’aide ».

Au-delà des enjeux psychologiques, la Ligue tient à préserver les personnes qu’elle accompagne des difficultés financières souvent générées par l’annonce d’un cancer dans une famille. « Nous avons une enveloppe de 150 000 à 200 000 euros pour prendre en charge les premiers frais de ces personnes, le temps que les aides publiques se mettent en branle », ce qui peut parfois durer six mois.

 

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Charlotte Douchet et Magali Maugeri @MGP

Le sport : un élément central

Moyennant une adhésion annuelle de 20 euros, les bénéficiaires de Ma Maison bien-être sont invités à participer gratuitement à des activités diverses et variées.

Au cœur du dispositif : le sport, réputé réduire les risques de récidive et de décès suite à un cancer (bonus). Les séances sont assurées par la fédération omnisports ASPTT qui dispose d’une expertise dans le domaine du sport-santé. « Sur avis médical, nous proposons des pratiques adaptées à chacun, du cardio au stretching en passant par le taïchi ou le shadow boxing ».

 

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La cuisine @MGP

 

Pour rehausser l’estime de soi, souvent mise à mal, un coiffeur s’attelle à rendre « moins éprouvante » la perte de cheveux. Tandis qu’une socio-esthéticienne se charge de prendre soin des ongles qui noircissent et de la peau qui se dessèche à cause de certains traitements.

 

L’alimentation est également un sujet de préoccupation, alors que le cancer peut générer des déséquilibres alimentaires, une perte d’appétit ou encore du surpoids. « Une diététicienne les accompagne. Nous organisons aussi tous les mois des ateliers culinaires en partenariat avec l’association de chefs provençaux Gourméditerranée. Des chefs comme Lionel Lévy, Coline Faulquier ou Vanessa Robuschi cuisinent avec eux. Ce sont de bons moments d’échange dont chacun ressort ravi », assure Charlotte Douchet.

 

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Le salon de coiffure, pour rendre moins pénible l’épreuve de la perte de cheveux. @MGP

Un public quasi exclusivement féminin

Depuis l’ouverture de Ma Maison bien-être en mai 2021, une centaine de personnes ont bénéficié de ces activités. Orientées par l’hôpital qui les soigne ou par le bouche-à-oreille, certaines viennent avant d’entamer une chimiothérapie, pour s’accorder un peu de temps en amont. D’autres viennent plus tard dans leur parcours. « Les personnes traitées pour un cancer ont souvent un emploi du temps de ministre. Et une fois qu’elles arrivent à bout du cancer, elles font face à un vide et réalisent d’un coup tout ce qu’elles ont enduré. Elles ont alors besoin de récupérer. Et c’est ce qu’elles cherchent en venant ici ». Ma Maison bien-être reçoit également une dizaine d’aidants qui trouvent ici un lieu où échanger, et des conseils pour mieux gérer la maladie de leur proche.

 

Diversifié dans ses attentes, le public est néanmoins quasi exclusivement féminin. « Les hommes gèrent différemment », observe Catherine Vernay, chargée de communication. « Ils veulent moins partager et ressentent peut-être moins le besoin de prendre soin de leur corps ». Un biais sociologique que les équipes de Ma Maison bien-être entendent contourner grâce à un élargissement du panel d’activités. « Nous réfléchissons à proposer des jeux de société, d’autres types de sports mais aussi des activités culturelles ». Parmi les pistes envisagées : une cinéthèque ou encore un club de lecture. Pour permettre au plus grand nombre de se changer les idées. Et de tisser du lien social. ♦

 

* L’AP-HM, Assistance publique des hôpitaux de Marseille, parraine la rubrique santé et vous offre la lecture de cet article *

Bonus
  • La Ligue contre le cancer – Créée en 1918, cette association assure quatre missions fondamentales : soutien à la recherche, prévention, accompagnement des malades et de leurs proches et actions de plaidoyers.

Comptant plus de 630 000 adhérents, 13 600 bénévoles et 103 comités départements, elle vit essentiellement de dons, avec 110 millions d’euros collectés chaque année.

  • Financement du comité départemental – Dans les Bouches du Rhône, sur un budget de 1,8 à 2 millions d’euros annuels, 1 million provient des dons et adhésions. Le reste provient de sponsors, de legs. S’y ajoutent 50 000 euros de la Région Provence-Alpes Côte d’Azur. Pour faire un don, rendez-vous sur le site de la Ligue.
  • Vertus du sport après le cancer – La pratique d’une activité physique après diagnostic d’un cancer réduit le risque de récidive de récidive et de décès par cancer. Dans le cas du cancer du sein, le sport diminue ainsi de 24% le risque de récidive et de 28% celui de décès. Ce dernier est par ailleurs réduit de 39% après diagnostic d’un cancer colorectal.
  • Des actions destinées au grand public – Parce que le cancer nous touche tous, de près ou de loin, Ma Maison bien-être propose des actions grand public le week-end. Une manière de mieux comprendre la maladie, de la prévenir, et de donner des clés pour accompagner un proche malade. Des interventions sont également menées au sein d’entreprises, par exemple pour aider des responsables de ressources humaines à soutenir des salariés atteints de cancer. Pour en savoir plus et se tenir au courant des actualités de ce lieu, rendez-vous le site du comité 13, ainsi que sur ses pages Facebook et Twitter.