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Sobriété foncière, à l’instar de Maubeuge

Par Régis Verley, le 6 juillet 2021

Journaliste

Photo @Franck Barske de Pixabay

Maubeuge sera-t-elle un modèle de lutte contre l’étalement urbain et pour la sobriété foncière ? Comme sept autres villes françaises, la cité nordiste a été désignée « territoire pilote » par le ministère de la Cohésion des territoires. L’enjeu est important pour cette ville de 30 000 habitants et son agglomération de plus de 100 000 habitants. Haut lieu historique des grandes industries métallurgiques et automobiles, elle est marquée, comme nombre de cités du bassin valenciennois, par la désindustrialisation et ses vastes friches.

 

La ville, à la frontière de la Belgique, est enchâssée dans les remparts d’une ancienne fortification de Vauban, renforcée ultérieurement par la ligne Maginot. Elle a été fortement détruite au lendemain de la dernière Guerre mondiale. Puis le départ de l’armée a vidé des casernements et un arsenal. « Depuis toujours, note Thomas Plaisant, directeur du pôle aménagement durable à l’agglomération Val de Sambre, nous sommes engagés dans la reconquête des espaces urbains ».

 

L’espace, un bien précieux
Maubeuge ville pilote de la sobriété foncière : développer sans artificialiser 1
Les fortifications construites par Vauban s’étalent sur plus de 43 hectares en plein cœur de ville.

Comme nombre de cités, Maubeuge s’est développée hors les murs, dans un chapelet de communes échelonnées tout au long du Val de Sambre. Mais elle a conservé le souci d’un usage raisonné de l’espace. « Nous sommes sans doute l’une des rares villes de la région à avoir su maintenir en centre-ville un cinéma multiplexe quand, partout ailleurs, ils ont fui vers les périphéries » – et engendré déplacements et surtout artificialisation des terrains.

Ici, comme partout ailleurs, l’espace est précieux. « Nous sommes aux portes du Parc de Sambre, un vaste espace naturel transfrontalier, partagé avec la Belgique. On estime que dans ce secteur de prairie, l’élevage fait encore vivre 600 exploitants éleveurs. Cependant leur nombre est, hélas, en diminution ».

 

La tentation de la périphérie

Le mitage menace et la ville déborde. Il importe, note Thomas Plaisant, de convaincre les acteurs publics comme La Poste, le Trésor public, la Gendarmerie et nombre d’administrations et de services publics de maintenir leurs installations sur place plutôt que de les reconstruire en périphérie. Les promoteurs privés sont, eux aussi, sollicités. Même s’il est plus difficile de les convaincre. Le coût du foncier, plus réduit qu’ailleurs, favorise l’étalement dans une région où la préférence va souvent au logement pavillonnaire. « Nous manquons encore d’outils pour convaincre les promoteurs et aussi les acteurs économiques ».

Face à la désindustrialisation, Maubeuge joue les cartes d’un redéveloppement. Un nouveau pôle universitaire, centré sur les activités de cybersécurité devrait ainsi attirer une nouvelle génération d’étudiants. Notamment son pôle de recherche sur les matériaux Le nucléaire et l’agroalimentaire sont également porteurs de projets locaux. Comment les insérer dans le tissu existant plutôt qu’à l’extérieur, sur des terrains vides mais précieux ? D’ores et déjà, on a donc décidé de transformer les anciennes casernes en logements étudiants.

 

L’accompagnement du programme national « Action Cœur de ville »

L’agglomération de Maubeuge a répondu à un appel à proposition de l’Agence Nationale de la cohésion des Territoires (ANCT) ouvert aux agglomérations inscrites dans le projet « Action Cœur de ville ». Candidature retenue ! « C’est, note Thomas Plaisant, une reconnaissance de ce que nous portons depuis longtemps ». Le prix n’est pas très généreux, 50 000 euros qui seront abondés par l’agglo. Toutefois, cela doit permettre de lancer des équipes pluridisciplinaires pour un diagnostic et des projets à imaginer.

Ce n’est bien sûr qu’un début : le soutien de l’État permettra déjà de mobiliser les financements et de lancer des initiatives nouvelles. « Nous sommes en attente d’outils nouveaux qui nous permettront de convaincre des acteurs locaux. À l’instar peut-être des zones franches ouvertes en d’autres lieux qui servent de leviers pour faciliter les interventions ».

 

 

Redynamiser le centre avec du loisir
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Le pôle gare rénové va concentrer du loisir, des bureaux et des commerces.

Le cœur de ville sera particulièrement concerné. En effet, comme souvent dans les villes moyennes, il a particulièrement souffert. Les commerces désertés et les logements abandonnés par les classes supérieures vont ainsi connaître des opérations de rénovation urbaine. Où le logement social dominera. La réfection du pôle gare va concentrer, au centre de la cité, des installations de loisirs (cinéma, bowling notamment), des bureaux et commerces. La transformation des anciennes casernes, la rénovation et la mise aux normes actuelles de logements anciens, le développement d’activités contribueront également à redynamiser le quartier.

Reconstruite au lendemain de la guerre, Maubeuge a vu l’urbanisme octroyer une place privilégiée aux voitures et aux circulations. La reconquête de ces espaces et leur transformation en squares et en espaces verts comptera dans cette métamorphose.

 

Les ressources du foncier caché

Au-delà, il s’agit pour les équipes qui seront chargées d’instruire les projets de détecter ce que l’agence nationale qualifie de « foncier caché ». Tous ces terrains mobilisables pour des activités nouvelles. Qui sont bien sûr des friches abandonnées par l’industrie, parfois polluées, souvent inutilisées. Sur lesquelles des opérations d’urbanisme peuvent apporter une nouvelle vie. Et elles sont nombreuses à Maubeuge et dans les communes environnantes.

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Combattre l’artificialisation néfaste.

Le projet doit s’étaler sur plusieurs années. « D’ici la fin 2021, nous aurons déjà une première estimation des projets à mener ». Maubeuge et son agglo se voient déjà comme pilotes d’un espace plus vaste où doivent se conjuguer développement et préservation de l’environnement. Le Parc naturel de l’Avesnois est un site naturel particulièrement riche. Nombre de cités cherchent à attirer de nouvelles industries, de nouvelles populations, sans que ce soit au prix d’une artificialisation néfaste. « Plusieurs autres villes des Hauts-de-France avaient candidaté. Nous espérons pouvoir créer un réseau pour une réflexion et des propositions concrètes ». ♦

 

Bonus
  • « Territoires pilotes de sobriété foncière ». Les ministres de la Transition écologique, de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales et du Logement ont retenu sept premiers territoires pour participer à cette démarche expérimentale.

La direction du programme « Action cœur de ville » pilote l’opération. Assistée en cela par le Plan urbanisme construction architecture et la Direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature. L’objectif est d’accompagner des villes et agglomérations du programme Action cœur de ville volontaires dans leur stratégie « zéro artificialisation nette ». Pour une période de trois à cinq ans.

Les collectivités lauréates reçoivent un soutien en ingénierie « afin d’identifier les potentiels fonciers et immobiliers dans le tissu urbain existant et de développer des projets réalisables à court terme ». Le dispositif regroupe les élus, les préfectures, les services déconcentrés, les opérateurs de l’État et les parties prenantes locales.

 

Les territoires retenus sont Grand Poitiers communauté urbaine (Nouvelle Aquitaine). Épernay agglo Champagne (Grand Est). Sète agglopôle Méditerranée (Occitanie). Pays de Dreux (Centre-Val de Loire). Maubeuge-Val de Sambre (Hauts-de-France). Dracénie Provence Verdon agglomération (Sud-Provence Alpes Côte-d’Azur). Agglo Seine-Eure (Normandie).