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Une goutte d’eau potentiellement toxique pour les océans

Par Marie Le Marois, le 8 juin 2022

Journaliste

Tout au long de son trajet, de la montagne à la mer, une goutte d’eau peut propager certains éléments toxiques dus à l’homme. Pour nous interpeller, l’association Women For Sea organise L’Odyssée de la goutte d’eau depuis les Hautes-Alpes. Et propose des solutions pour réduire notre impact.

 

Les bénévoles de Women For Sea s’apprêtent à relever un sacré défi. Celui de suivre en vélo et kayak la trajectoire d’une goutte d’eau qui se dépose sur les montagnes. Et qui, au fil des rivières, termine sa course dans la mer. Pour l’illustrer, cette association, créée en 2012, a choisi la Durance. Elle prend sa source vers 2 390 mètres d’altitude, à Montegnèvre, dans les Hautes-Alpes, et rejoint le Rhône, lequel se jette en Méditerranée.

 

Oligo-éléments et minéraux

La Durance
La Durance est longue de 323 km

Longue de 323 km, la Durance est la plus importante rivière de Provence. Elle approvisionne en eau plus d’un million et demi de Provençaux, via le Canal de Marseille, et irrigue près de milliers d’hectares de surface agricole, dont de nombreux vergers.

La qualité de son eau est par conséquent un enjeu essentiel. Tout au long de sa descente, au contact des sols et des roches, cet affluent se charge d’oligo-éléments et de minéraux (calcium, magnésium, sodium, potassium) mais aussi en éléments polluants.

 

 

La pollution des rivières/fleuves et des océans 

Déchets plastiques
Déchets dont beaucoup de plastiques @Pixabay

Parmi les éléments polluants, les plastiques tiennent une bonne place. Dont « pas mal d’emballages à usage unique, souligne Mélanie Ourgaud, océanographe, post-doctorante CNRS à l’Institut méditerranéen d’océanologie (MIO). Jetés à terre, ils vivent leur vie et arrivent à un moment en mer », notamment via les fleuves.

Le Rhône, par exemple, déverse environ 9 400 kg de plastique dans la Méditerranée chaque année (15 500 kg pour la Garonne), d’après l’étude menée sur le réseau fluvial par The Ocean CleanUp.

 

Fragmentation du plastique

Mélanie Ourgaud
Mélanie Ourgaud, océanographe et bénévole de Women For Sea

Au cours de son trajet, « le plastique se fragmente et devient des microplastiques », explique la spécialiste, par ailleurs bénévole à Women For Sea. Dans le cadre d’une étude sur les microplastiques dans les grands fleuves français, elle étudie leur concentration dans le sédiment du Rhône.

Elle évoque aussi la présence dans les fleuves et la mer d’additifs. Ceux qui donnent couleur, résistance et flexibilité au plastique, et qui sont diffusés dans l’eau depuis les débris plastiques.

 

♦ La France génère chaque année 4,5 millions de tonnes de déchets plastiques et n’en recycle environ qu’un million. 80 000 tonnes finissent dans la nature, dont 10 000 tonnes en Méditerranée. in rapport de l’Assemblée Nationale.

 

Des micropolluants invisibles 

Médicaments
Les médicaments se retrouvent dans les eaux, notamment via nos déjections.

Il existe d’autres micropolluants organiques issus de l’activité humaine. Parmi les plus connus, on peut citer les polychlorobiphényles (PCB), les hydrocarbures, les pesticides (qui ruissellent dans les rivières), les dioxines, le TBT, les solvants chlorés ou encore les dérivés du benzène. Ils proviennent des pratiques agricoles, de l’industrie, des produits d’entretien et d’hygiène, des cosmétiques, des médicaments.

Ce cocktail de substances toxiques, invisibles, peut, même à faible dose, avoir des effets de perturbateurs endocriniens, cancérigènes et mutagènes. Ces substances chimiques menacent la santé de l’homme, via eau potable, eau de baignade, consommation d’aliments, etc. Ainsi que les végétaux et animaux – surmortalité, mutation génétique, modifications dans l’organisme (plus d’infos ici).

 

YouTube player
♦ On distingue trois « familles » d’eaux usées : les eaux domestiques, les eaux industrielles et les eaux pluviales et de ruissellement. In Centre d’information sur l’eau.  Une fois débarrassées de leurs impuretés, les eaux usées sont rejetées au plus proche, dans les rivières ou la mer pour boucler le cycle.

 

Dépollution en partie des centres de traitement

Traitement des eaux usées
Traitement des eaux usées @Centre d’information sur l’eau

Les centres de traitement débarrassent normalement les eaux usées de toutes ses impuretés. S’ils les dépolluent des macrodéchets, « ils n’ont pas encore la capacité de traiter tous les micropolluants », précise Mélanie Ourgaud.

Cependant, il y a du mieux. Grâce à l’interdiction de substances (comme le TBT et les PCB) et les progrès sur les traitements de l’eau, on compte, entre 2013 et 2018, 80 tonnes de polluants toxiques rejetés en moins dans les sols et cours d’eau. Grâce aux contrôles et à l’accompagnement des Agences de l’eau, les efforts se poursuivent (voir bonus)

 

 

Agir au quotidien

Woman For Sea
Woman For Sea, c’est 25 membres actifs dont Nathalie Ille, la fondatrice (avec le talkie-walkie)

Nous aussi, citoyens, pouvons agir « en changeant notre consommation », martèle Nathalie Ille, navigatrice et fondatrice de Women For Sea. Il s’agit déjà de cesser de rejeter des produits polluants dans l’eau. Les mégots dans les caniveaux, les déchets dans les rivières. Les huiles ménagères, peintures, solvants, lingettes et médicaments dans l’évier ou les toilettes. 

Il est préférable d’utiliser des engrais et désherbants biologiques pour ne pas polluer les nappes phréatiques. De privilégier les lessives biologiques (la majorité des composants des lessives classiques sont pas ou peu biodégradables et néfastes). Ainsi que les produits cosmétiques et d’entretien les plus naturels possible, tels que vinaigre blanc, savon noir et « autres recettes de grand-mère », ajoute cette passionnée d’écologie.

 

 

Changer notre façon de consommer

Manger bio, une condition pour l’avenir
L’agriculture conventionnelle est une grosse pollueuse. @Pixabay

Nous pouvons aussi agir en consommant des fruits et légumes issus de l’agriculture biologique locale, en limitant les emballages, en achetant des vêtements écologiques (les différents labels ici) ou de seconde main. Enfin, en pratiquant des sports doux.

Exit donc les sports à moteur sur les cours d’eau et les lacs, comme celui de Serre-Ponçon alimenté par la Durance et où sont pratiqués jet ski et bouée tractée. Une hérésie pour Nathalie Ille car « c’est l’eau qu’on boit ! » Ce lac sera une étape importante pour l’Odyssée d’une goutte d’eau avec une traversée en kayak et des animations. L’ambition ? Sensibiliser les scolaires et le grand public au cycle de l’eau et à l’importance de préserver nos rivières pour protéger nos océans.♦

 

Bonus

  • Women For Sea a été fondée en 2012 par Nathalie Ille. L’association mène différents projets de protection marine et de valorisation de la femme dans le milieu marin. Elle réalise des odyssées à terre mais aussi en mer, dans les îles. Quatre axes : l’adaptation au changement climatique, le tourisme durable, la valorisation des initiatives positives et la transition écologique. Elle a créé une communauté de femmes engagées pour la mer, sur tout le territoire.

Women For Sea en chiffres, c’est 5 Odyssées, 25 membres actifs, 23 partenaires institutionnels et privés, 25 000 milles parcourus, 45 experts associés, 42 conférences données.

 

  • Parcours de l’Odyssée

8 juin : Montgenèvre – Argentière-la-Bessée à vélo (30km)
9 juin : Argentière-la-Bessée – Embrun en rafting
10 juin : Ateliers pédagogiques avec les écoles d’Embrun en collaboration avec Water Family, Seaquarium, EDF Hydro Méditerranée et la Fédération de Pêche des Hautes-Alpes
11 et 12 juin : Traversée du Lac de Serre-Ponçon en kayak et pique-nique avec stands de sensibilisation et conférence. Chacun peut participer avec sa propre embarcation (canoë-kayak, paddle…). La location d’un canoë est également possible avec le club Eau Vive Embrun. Inscription pour la traversée du lac de Serre-Ponçon (Gratuit avec son équipement) 

13 juin : Chanteloube – Oraison à vélo (97km)
14 juin : Oraison – La Roque d’Anthéron à vélo (78km)
15 juin : La Roque d’Anthéron – Marseille à vélo (75km) 

 

  • Les Agences de l’eau. Au nombre de six sur le territoire, sont des établissements publics de l’État. Elles aident collectivités, industriels, agriculteurs, associations de pêche et de protection de la nature. Elles interviennent pour le financement, l’accompagnement et la valorisation de tous projets et initiatives visant à préserver la ressource en eau et la biodiversité dans chaque bassin hydrographique.