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Cuisine partagée : l’exemple du Monticole Culinaire à Marseille

Par Agathe Perrier, le 2 juin 2023

Journaliste

Le Monticole et sa cuisine partagée ont ouvert en septembre 2022 au Plan d'Aou et c'est Louise Poncet qui en est la cheffe © Agathe Perrier

Le quartier du Plan d’Aou, au nord de Marseille, dispose de sa cuisine partagée depuis la rentrée 2022. Les associations locales et les entrepreneurs indépendants peuvent s’en servir pour confectionner des repas et assurer ainsi des prestations culinaires. Le lieu a aussi vocation à s’ancrer dans le quotidien des habitants : il est donc ouvert cinq jours par semaine pour le déjeuner, le café ou le goûter. Une appropriation qui se consolide doucement.

 

Les projets de cuisine partagée – voire solidaire – se multiplient à Marseille, car ils sont vecteurs de lien et de transmission. Avec chacun ses spécificités (bonus). Le Monticole Culinaire a ceci de particulier qu’il a ouvert au Plan d’Aou, un quartier du nord de la ville encore enclavé, malgré les coups de pioche liés aux travaux de rénovation urbaine. C’est donc aux habitants qu’il s’adresse avec son espace de restauration ouvert dès le midi. « Mais pas seulement ! On y mène des ateliers autour de la cuisine. Et on met le local à disposition des entrepreneurs ou des associations qui n’en ont pas », explique Camille Garcin, responsable du développement des projets pour Les grandes Tables et I.C.I. Culture, à l’initiative du projet. Une pluridisciplinarité pour asseoir la pérennité des lieux et ne pas faire concurrence aux offres du quartier.

 

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Les pâtisseries et gâteaux sont faits maison et vendus à des prix collant aux revenus des habitants © AP

Un lien avec les habitants à intensifier

Ce mercredi de mai, bien que le soleil soit au rendez-vous, il n’y a pas foule au service du midi. Pourtant la veille, le binôme en cuisine a assuré une trentaine de couverts. « Ça varie vraiment d’un jour sur l’autre. Notre modèle économique ne repose pas sur cette activité, mais notre lien au quartier, oui », expose la cheffe, Louise Poncet. La carte se compose de deux plats quotidiens, dont un végétarien. Concoctés à partir de produits locaux, bio et de saison. « Je fais ce que j’aime sans forcément m’adapter à ce que les habitants ont l’habitude de manger. Ça les change justement de leur quotidien », glisse-t-elle.

La cheffe le reconnaît cependant : la majorité des clients du déjeuner ne vivent pas au Plan d’Aou. Ils sont de passage dans le quartier, pour le travail ou la médiathèque – les horaires d’ouverture du Monticole ont d’ailleurs été fixés sur les siennes. Les tarifs des plats ont pourtant été pensés de sorte à être attractifs. Reste que débourser 9 ou 10 euros pour un repas est sûrement encore trop élevé pour ces habitants aux revenus particulièrement modestes. Ces derniers viennent donc plutôt l’après-midi pour un café ou une part de gâteau fait maison par Louise et Yamina, employée en insertion et résidante du Plan d’Aou. « Sa présence nous aide aussi beaucoup à être connectés au quartier », estime Camille Garcin.

 

 

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Le Monticole dispose d’une salle en intérieur ainsi que d’une terrasse © AP

Coworking culinaire

Le Monticole s’ancre toutefois doucement dans son quartier, depuis son ouverture en septembre 2022. La cuisine a pris place dans le bâtiment éponyme, où se trouve aussi la médiathèque, qui fait partie des dernières opérations du projet de renouvellement urbain de la zone Plan d’Aou – Saint-Antoine (bonus). Les structures locales se sont approprié l’espace, notamment l’association Les femmes du Plan d’Aou qui y organise des ateliers. Elle va même bientôt en devenir résidente. La cuisine servira pour confectionner les repas de leurs événements, que les femmes distribueront ensuite via leur food truck, comme lors du Street Food Festival ce mois de juin. « Il y avait une vraie attente des associations locales de disposer d’une cuisine. C’est ce qui a été à l’origine du lieu », rembobine Camille Garcin.

Des entrepreneurs profitent également du Monticole pour assurer leurs prestations en tant qu’indépendants. À l’instar d’Aurore Danthez, pour ses activités allant de traiteur à cheffe à domicile en passant par la préparation de plats pour Les grandes Tables du ZEF. Ou encore Cédric Rubini avant de lancer son concept de focacceria dans le centre-ville de Marseille.

La cuisine a été aménagée et équipée pour que six personnes puissent y travailler en même temps. Elle se compose d’une cellule de refroidissement et congélation, de deux chambres froides, d’une zone de préparation froide… Sans compter l’électroménager et les ustensiles. Puisque le lieu ne tourne pas à pleine capacité pour le moment, le partage de l’espace se fait sans problème. Pour la bonne cohabitation future, une organisation plus stricte sera tout de même nécessaire. « Quand on sera au complet, on tiendra un planning de production précis. Ça nous permettra d’éviter la saturation », indique Louise Poncet. L’histoire n’a pas fini de s’écrire. ♦

 

Le Fonds Épicurien, parrain de la rubrique « Alimentation durable », vous offre la lecture de cet article mais n’a en rien influencé le choix ou le traitement de ce sujet. Il espère que cela vous donnera envie de vous abonner et de soutenir l’engagement de Marcelle *

 

Bonus

[pour les abonnés] – Genèse de cette cuisine partagée – 30 ans de rénovation urbaine à Plan d’Aou – Le boom des cuisines partagées –

  • Aux origines de la cuisine partagée – Le bâtiment a été érigé par le bailleur Erilia. Outre la médiathèque Salim-Hatubou, ouverte à l’automne 2020, il comprend également une résidence de 36 logements. C’est l’opérateur culturel culinaire I.C.I qui a imaginé le projet de cuisine partagé. Après avoir remporté l’appel à projets pour occuper l’espace, il l’a aménagé avec l’aide de six structures marseillaises : Le ZEF, le Carburateur, le Centre Social du Grand Saint-Antoine, la médiathèque Salim Hatubou, Cap au Nord Entreprise et Les grandes Tables.
  • 30 ans de rénovation urbaine – Le projet Plan d’Aou – Saint-Antoine est l’un des plus anciens de Marseille en matière de rénovation urbaine. Les premières démolitions d’immeubles ont commencé à la fin des années 1980. Le Monticole est l’une des dernières opérations réalisées dans ce cadre. Avant lui, le renouvellement urbain du quartier a permis l’ouverture d’équipements publics (centre social, crèche, médiathèque), la création de nouveaux logements mais aussi de nouvelles routes. Plus d’informations en cliquant ici.
  • Les cuisines partagées et/ou solidaires se développent à Marseille – Chacune avec ses spécificités. À Coco Velten, chaque mercredi, qui veut vient concocter les repas du midi (particuliers, associations, collectifs…). La Marmite Joyeuse a créé un coworking culinaire pour les personnes voulant tester leur projet. La Cuisine du 101 met ses locaux à disposition des personnes hébergées à l’hôtel ou en foyer pour qu’ils puissent préparer des repas « comme à la maison ». Idem du côté de l’Armée du Salut avec son camion mobile.