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De la pub dans ma boîte aux lettres… si je veux !

Par Zoé Charef, le 5 juin 2023

Journaliste

Environ 20 millions de Français expérimentent depuis quelques mois l’interdiction de distribution de prospectus publicitaires ©DR

Depuis septembre 2022, les habitants de la métropole de Grenoble ne reçoivent plus de prospectus publicitaires dans leurs boîtes aux lettres… à moins d’y avoir placé l’autocollant Oui Pub. Cette initiative nationale, déployée dans 14 territoires, veut s’attaquer au fléau du gaspillage de papier.

 

« Nous savons que les prospectus publicitaires représentent, par an, 6000 à 7000 tonnes de déchets papier sur la métropole grenobloise », quantifie d’emblée Lionel Coiffard, vice-président de la métropole de Grenoble. Pour lutter contre le gaspillage de papier lié aux imprimés publicitaires distribués dans les boîtes aux lettres, la métropole grenobloise a candidaté à une expérimentation nationale et été retenue. Ainsi, depuis le 1er septembre 2022, plus aucun habitant de son territoire ne reçoit de publicité. S’il en souhaite, il devra appliquer l’autocollant « Oui Pub » sur sa boîte aux lettres. 

 

Une expérimentation… avant la loi ?

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Les quatorze candidatures retenues pour l’expérimentation Oui Pub. @Ministère de Transition écologique

Depuis une vingtaine d’années, le ras-le-bol dû à la débauche de prospectus publicitaires déposés dans les boîtes aux lettres gronde selon Lionel Coiffard : « On a d’abord introduit les autocollants STOP PUB en place, comme partout en France. Dans notre métropole, 25% des habitants ont mis ces autocollants. Une des difficultés persistait dans les immeubles collectifs, où les distributeurs posaient des piles de prospectus dans les espaces communs. Ces derniers continuaient donc d’aller à la poubelle. » Et les tonnes de papiers à trier de s’accumuler. 

C’est la Convention citoyenne pour le climat (une assemblée de 150 citoyens français réfléchissant à définir de nouvelles mesures en faveur de l’environnement) qui, en octobre 2019, débloque le problème au niveau national. Les citoyens estiment « recevoir des prospectus publicitaires qu’ils n’ont pas demandés et qui contribuent au gaspillage. » Ils demandent donc leur interdiction totale et définitive. Lionel Coiffard explique que le gouvernement français « choisit alors de ne pas poser de loi directement, mais plutôt de tester cela dans 14 territoires nationaux. Soit notre métropole, celle de Nancy, l’agglomération de Bordeaux ou encore l’Ardèche. » Environ 20 millions de Français expérimentent depuis septembre l’interdiction de distribution de prospectus publicitaires dans les boîtes aux lettres. La mesure concerne tous les imprimés en plastique, papier ou cartonnés à visée commerciale et non adressés.

 

  • La mauvaise idée : reporter la pub sur le web. Car en moyenne, une campagne de publicité en ligne équivaut aux émissions de CO2 de 35 vols aller-retour Paris-New York pour un seul passager. Ce chiffre correspond également à l’empreinte carbone de 7 Français pendant un an. Un article de Marcelle vous en reparlera à la rentrée.

 

Pour les aficionados, les catalogues de pub existeront toujours

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L’autocollant Oui Pub. @Ministère de la Transition écologique

Cette expérimentation permet de ne plus subir la publicité, mais Lionel Coiffard rappelle que ceux qui souhaitent en recevoir le pourront toujours, en apposant l’autocollant OUI PUB sur leur boîte aux lettres. « À la métropole de Grenoble, on est plutôt pour une interdiction totale, mais on ne peut pas, ou du moins pas encore. Pour l’instant, à peine 5 à 6% des boîtes aux lettres sont dotées de cet autocollant, que certains supermarchés ont envoyé à leurs clients par la poste. » Des autocollants sont également disponibles dans les mairies de la métropole et envoyés gratuitement aux demandeurs. 

Cette initiative fait partie des travaux menés dans le cadre de Grenoble Capitale Verte de l’Europe (en 2022). Mais elle ne réjouit pas les distributeurs de prospectus. « C’est légitime, concède le vice-président. Objectivement, on leur a en effet bouffé la moitié de leur chiffre d’affaires. Une centaine de personnes distribuait ces publicités dans la métropole. » Pour la plupart des étudiants ou intérimaires, ils ont pu être réorientés vers d’autres petits contrats dans la métropole grenobloise. D’après Lionel Coiffard, « les protestations se sont éteintes assez rapidement et les sociétés se sont réorganisées. Elles ont simplement eu beaucoup de craintes au début et ont augmenté leurs tarifs parce qu’elles avaient moins de papier à distribuer. On s’est alignés, c’est normal. »

 

Des besoins différents entre les ruraux et les urbains

L’Agence de la transition écologique (Ademe) a révélé en 2020 que 44% des Français jetaient les publicités à la poubelle sans y avoir prêté attention. Certaines grandes surfaces de Grenoble sont allées dans le sens de l’initiative Oui Pub et se sont adaptées, se tournant vers le numérique et la promotion par internet. « C’est un vrai enseignement pour le dispositif national, indique le vice-président. Et pour ceux qui utilisaient les catalogues de jouets pour leur liste au père Noël, ça va continuer. Ils seront toujours disponibles dans les magasins, les dépôts, ou les fabricants les enverront à leurs clients. »

Des points nationaux sont organisés tous les six mois afin de suivre les avancées territoriales. « On remarque partout une différence entre les secteurs ruraux et urbains, explique Lionel Coiffard. Il y a davantage d’autocollants Oui Pub utilisés dans les lieux plus éloignés des supermarchés que dans les villes. Les habitants ruraux ont besoin de savoir s’il y a des promotions avant de se rendre dans leur supermarché. En centre-ville de Grenoble, on voit ces promotions affichées directement dans les magasins de proximité. »

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« Dépenser de l’argent pour fabriquer des papiers directement jetés : absurde »

Une tonne de papier non triée et incinérée coûte 90 euros de traitement à la métropole grenobloise. Chaque tonne de prospectus publicitaire en moins représente donc une économie non négligeable dans un budget global des déchets de 63 millions d’euros par an. Ce dernier, financé à 90% par les taxes des propriétaires immobiliers, ne sera plus dédié aux quelques 7000 tonnes de déchets papier, mais « à financer d’autres projets de prévention des déchets, assure le vice-président de la métropole. Nous dépensions de l’argent pour fabriquer, imprimer et livrer des papiers directement jetés, souvent mal triés. C’était absurde. »

En lançant cette initiative, l’État s’est engagé à financer le temps de travail nécessaire à sa mise en place, à l’organisation des réunions et à la commande d’études. Ceux qui seraient tentés de continuer de distribuer leurs prospectus publicitaires ne recevront pour l’instant qu’une simple injonction de la gendarmerie, « de la prévention », et aucune amende ne sera infligée pour abus. Affaire à suivre fin 2025, au terme de l’expérimentation, pour savoir si le gouvernement généralisera ou abandonnera cette démarche.