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Octobre Rose : Geneticancer en lutte contre les cancers génétiques

Par Neijma Lechevallier, le 6 octobre 2022

Journaliste

Cancers héréditaires ou génétiques : « Grâce aux tests, nous avons aujourd’hui la possibilité de savoir, d’anticiper et d’agir » © Vincent Bousserez

Laetitia Mendes, la plus jeune femme de France à avoir choisi de réaliser une double mastectomie préventive en 2008, a fondé Geneticancer. Grâce à son réseau d’ambassadrices, l’association informe et accompagne les femmes et les familles concernées par les cancers d’origine héréditaire ou génétique dans leurs parcours de prévention et de soins. Rencontre.

 

Pouvez-vous nous raconter quelle est votre histoire ?

Laetitia Mendes : Le cancer du sein a frappé ma famille à chaque génération. Après le décès de ma mère, j’ai fait un test génétique. J’ai alors découvert que j’étais porteuse d’une mutation sur le gène BRCA2. Les mutations des gènes BRCA1 ou BRCA2 (pour BReast Cancer) augmentent le risque de cancer du sein et des ovaires pour les femmes qui en sont porteuses – les hommes aussi peuvent être porteurs de ce type de mutation et développer un cancer du sein. Pour tromper le destin, j’ai fait à 28 ans le choix de l’ablation préventive des seins.

Mon parcours a été semé d’embûches, tant on manquait d’information et de soutien dans le domaine des cancers d’origine génétique. Mais le fait d’avoir pu réduire mon risque a été une véritable renaissance. Grâce aux tests, nous avons aujourd’hui la possibilité de savoir, d’anticiper et d’agir. Pour moi, cela a été une évidence : je devais partager mon expérience pour sauver des vies. C’est la raison pour laquelle j’ai créé Geneticancer.

 

Quel est votre message principal à l’occasion de cette édition 2022 d’Octobre Rose ?

Mon message serait de ne pas se concentrer seulement sur Octobre Rose ! C’est un mois de sensibilisation essentiel, de nombreuses femmes vont prendre conscience qu’il est important de réaliser des contrôles et des examens réguliers, les femmes à haut risque bien sûr. Mais pas seulement, toutes les autres aussi. Les femmes à haut risque doivent effectuer des contrôles par imagerie et en consultation gynécologique tous les mois. Les hommes aussi peuvent être concernés par le cancer du sein en cas de mutation héréditaire reçue en héritage.

Nous devons en réalité être mobilisés 365 jours par an. Il ne faut pas oublier que l’on meurt encore de cancer du sein en France. Plus le dépistage est précoce, plus les chances de survie et de rémission sont importantes.

 

♦ Lire aussi : Des vêtements pour mieux vivre l’après-cancer

 

Quels sont les progrès réalisés en termes de traitements dans le domaine oncogénétique ?

Les traitements évoluent beaucoup, avec le développement des thérapies ciblées, qui portent sur certains types de cancers ou de tumeurs. Elles remplacent les anciennes thérapies, plus génériques et plus agressives pour l’organisme. Depuis les premières découvertes de gènes de prédisposition au cancer du sein, près d’une centaine de gènes de prédisposition à différents types de cancers ont été identifiés. C’est une avancée phénoménale en termes de prévention.

Les progrès technologiques permettent par ailleurs de réaliser des imageries 3D d’une grande précision et avec prothèse pour les femmes reconstruites après une opération, ce qui n’était pas possible avant.

 

Quelles améliorations pourraient être apportées en France ?

La prise en charge et l’accès aux centres experts varient d’une région à l’autre. Les examens de contrôle préventif ne sont pas systématiquement pris en charge à 100%, en dehors des mutations BRCA1 et 2, qui concerneraient près de 2 femmes sur 1000 et sont les mieux connues et référencées. Les personnes porteuses d’autres mutations moins connues, suivies au stade des examens préventifs, sont parfois obligées de faire des avances financières pouvant constituer un frein à la prise en charge.

Même les médecins généralistes ne sont pas toujours assez informés. Des femmes avec des histoires familiales évocatrices et des douleurs errent des mois, voire des années, avant d’être prises en charge à des stades avancés. Enfin, l’accès au diagnostic préimplantatoire pour les parents porteurs de mutations génétiques favorisant le cancer ou à la préservation de la fertilité est inégalement assuré.

 

Quelles sont vos attentes en tant que présidente de Geneticancer ?

Nous sommes des porte-voix des patients et des familles. Nous partageons nos vécus. Informons et accompagnons celles et ceux qui en ont besoin à toutes les étapes de leurs parcours de prévention et de soins. C’est la réponse que je peux apporter, pour moi et les autres, ma façon de faire avancer les choses.

J’ai aussi fondé Geneticancer pour mes enfants. Les avancées ont été majeures depuis 2014. Dans un monde idéal, on ne transmettrait plus ce « mauvais gène » à nos enfants, on pourrait supprimer cette mutation dès la conception. Les traitements sont lourds, les chirurgies mutilantes et traumatisantes. Nous avons besoin d’innovation, de pouvoir y accéder rapidement. Pour que les établissements de santé nous ouvrent leurs portes pour sensibiliser le plus de monde possible, professionnels de santé et grand public. Et ainsi sauver encore plus de vies. ♦

 

* L’AP-HM, Assistance publique des hôpitaux de Marseille, parraine la rubrique santé et vous offre la lecture de cet article *
Octobre Rose : Laetitia Mendes a créé Geneticancer pour lutter contre les cancers génétiques
Les ambassadrices Geneticancer sont les porte-paroles de région, pour mobiliser, sensibiliser les proches, les partenaires, la presse, les associations et fondations, les artistes, les entreprises.

 

Bonus

[pour les abonnés] – Octobre Rose, l’histoire –

  • Octobre Rose. Tout commence en 1985 aux Etats-Unis lorsque l’American Cancer Society et l’entreprise Imperial Chemical Industries lancent la première campagne de dépistage pour promouvoir la mammographie. Puis les choses s’accélèrent au début des années 90.

En 1992, la rédactrice en chef du journal Self, Alexandre Penney, propose un numéro spécial Cancer du Sein en invitant Evelyn Lauder, une survivante bien connue. L’année suivante, l’héritière et vice-présidente du groupe cosmétique Estée Lauder lance la Breast Cancer Research Fundation afin de soutenir l’innovation et la recherche.

C’est en 1994 que la vague rose atteint la France. En effet, Estée Lauder France et le magazine Marie-Claire s’unissent pour lutter contre le cancer du sein en créant l’association « Le Cancer du Sein, Parlons-en ! ». C’est ainsi qu’Octobre Rose débute en France. Puis devient l’association Ruban Rose en 2020.

Depuis 2004, l’association a mis en place les Prix Ruban Rose pour soutenir financièrement les innovations dans la recherche.