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Odile et Cyril, l’amour du jardin et des gens

Par Maëva Danton, le 21 juillet 2022

Journaliste

[série bénévoles #2] Nichés dans les collines du nord de Marseille, les Jardins de Julien sont cultivés par une trentaine de familles, de manière collective et bénévole. Si la plupart ne viennent qu’une fois toutes les deux semaines, un couple y est présent tous les jours. Il s’agit d’Odile et Cyril, restaurateurs amoureux de la vie végétale. Et de la convivialité.

La journée a été brûlante. En centre-ville mais aussi ici, dans ces deux hectares de verdure tout au Nord de Marseille, nichés sur les collines du 14e arrondissement. Qu’à cela ne tienne. Odile et Cyril n’ont pas manqué leur rendez-vous quotidien avec les Jardins partagés de Julien.

Lunettes noires sur le nez, ils installent un long tuyau au sol. Au programme : « Arrosage !, annonce Cyril. Et on commence à préparer l’automne et l’hiver avec les semis de courges ».

Tous deux sont restaurateurs. Une vie qui se couple à celle de jardiniers bénévoles. Activité qui occupe désormais une bonne partie de leur quotidien.

Tout commence il y a sept ans, lorsque sont créés les Jardins de Julien. La parcelle, en friche depuis quinze ans, doit être artificialisée dans le cadre d’un projet immobilier. Mais un habitant se rebiffe. Il fédère son entourage et transforme la friche en jardin partagé. Avec une particularité : le choix du collectif plutôt que des parcelles individuelles. « Ce sont des jardins participatifs, précise ainsi Cyril. Tout le monde travaille et on partage la récolte ».

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Au Nord du quartier de Sainte-Marthe, les jardins de Julien sont un havre de verdure. @MGP

 

Besoin de terre

Or il se trouve que la parcelle est très proche du lieu de vie du couple. Et voilà qui tombe bien car tous deux, vivant en appartement, sont en mal de verdure. « Je suis née à la montagne et j’ai toujours vu mes parents jardiner », confie Odile, occupée à arroser des bacs où pousse un mélange de melons, tomates, basilic et autres fleurs colorées. « Alors quand on a entendu parler de ce jardin partagé, on s’est dit : pourquoi ne pas adhérer ? »

Puis, lorsque que le chef jardinier de l’époque « part pour d’autres horizons », ils prennent le relais, devenant les nouveaux pilotes du jardin. « On était parmi les plus anciens et on habitait juste à côté. Cela s’est fait comme ça ».

Il faut alors s’instruire. Décrypter les énigmes du végétal pour maintenir cet écosystème en bonne santé, sans recourir aux pesticides et engrais chimiques. « Internet est une mine d’informations pas possible. Je suis tout le temps en train de chercher des solutions aux soucis qu’on rencontre avec les plantes », explique Cyril. Comme la recette de ce purin de basilic stocké dans un tonneau, et dont l’odeur, une fois le couvercle levé, se révèle particulièrement nauséabonde.

 

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La tomate : passion de Cyril et Odile qui la font pousser à partir de graines des précédentes récoltes @MGP

 

De la graine à l’assiette

Puis le covid-19 les contraint à fermer leur restaurant. Le jardin devient un refuge. Ils y passent davantage de temps. Et s’intéressent de plus en plus à la culture à partir de graines obtenues lors de précédentes récoltes. « Je trouve cela magique de planter une graine et de voir ce que cela donne », sourit Odile. Si bien que cette année, seules les aubergines ont été achetées. Le reste a été semé-maison.

Deux fois par semaine, les trente familles adhérentes sont invitées à participer à des ateliers consistant à réaliser les tâches nécessaires à l’entretien de la parcelle. La plupart des familles viennent une fois toutes les deux semaines, en échange d’un panier de fruits et légumes gorgés de saveurs et de vitamines. Mais Cyril et Odile sont là quotidiennement. « Jusqu’à quatre heures par jour au printemps ».

♦(Re)lire : Que cultive-t-on … dans un jardin partagé ?

 

S’adapter au réchauffement climatique

« C’est du bénévolat qui commence à devenir lourd. Il faut qu’on veille à garder un peu de temps libre pour nous », admet Cyril tout en cheminant entre les pieds de tomates. Un fruit-légume que le couple apprécie tout particulièrement, mais peu productif cette année.

« Avec la chaleur et le manque d’eau, c’est de plus en plus compliqué ». Car le réchauffement climatique est ici très palpable. La dernière pluie remonte à janvier. En témoigne le sol sec et craquelé par endroits. « Tout est déréglé. On a un bon mois d’avance au niveau des cultures. On ne sait plus quand semer, quand planter. Et les plantes se mettent en mode sécurité. Les tomates, par exemple, produisent beaucoup de feuilles et moins de fleurs et de fruits. Il faut qu’on réfléchisse à des solutions pour ombrager un peu les cultures ».

De quoi perturber un peu le sommeil, reconnaît le jardinier qui s’interrompt soudain, pointant du doigt une imposante tomate jaune bien charnue. « Quand on voit un bébé pareil ! Elle va coûter cher en huile d’olive celle-là ! ».

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Odile en plein arrosage. @MGP

 

Havre d’humanité

Au-delà de la magie du végétal, ce qui motive le couple, c’est le lien social que la terre est capable de tisser entre les gens. « L’ambiance est très famille entre nous tous. On prend l’apéro le soir. On organise des repas et des fêtes. Récemment, certains ont même dormi ici à la belle étoile. Un de nos adhérents qui a 82 ans s’est acheté une tente Décathlon exprès », sourit Cyril.

Un bac à poissons rouges a été installé pour amuser les enfants. Et depuis cinq ans, le jardin accueille également des jeunes en situation de handicap, accompagnés par le Centre Saint-Raphaël. « On leur fait faire du motoculteur, de l’arrosage … »

Ce lieu, ils veillent à ce qu’il demeure un havre de paix, de joie, de partage. Entre des gens venus d’horizons divers, qui ne se seraient pas rencontrés autrement. Des professeurs, des instituteurs, un interne de l’hôpital, des restaurateurs… Venus de tous les coins de Marseille. « Pour que tout se passe bien, on s’interdit de parler politique. C’est arrivé une fois et ça a jeté un froid. Depuis, c’est terminé ! On laisse les sujets fâcheux au portail. Et on se contente de prendre du bon temps ». Ce qui n’empêche pas de semer les graines d’un autre modèle de société. Autour d’une alimentation saine. Et à visage humain. ♦

 

Le Fonds Épicurien, parrain de la rubrique « Alimentation durable », vous offre la lecture de cet article mais n’a en rien influencé le choix ou le traitement de ce sujet. Il espère que cela vous donnera envie de vous abonner et de soutenir l’engagement de Marcelle *

 

Bonus

  • Un jardin soutenu par les pouvoirs publics – Les Jardins de Julien bénéficient de subventions publiques de la part de l’Europe, de la Métropole – qui est propriétaire du terrain – et de la Ville de Marseille. « Le Maire est même venu lors des journées portes ouvertes et a passé toute la journée avec nous« , raconte Cyril. Un projet de route a un temps été évoqué sur le site. Il semble « avoir été repoussé aux calendes grecques« , se réjouit-il.