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ParkinsonCom : quand les malades de Parkinson cocréent leur propre appli

Par Virginie Menvielle, le 19 mai 2023

99 Parkinsoniens en France et en Belgique ont collaboré au projet pendant trois ans ©ParkinsonCom

Depuis le 31 décembre 2022,  une application créée par l’Université polytechnique des Hauts-de-France, ParkinsonCom, est en accès libre sur Internet. Elle permet à toutes les personnes atteintes de cette maladie d’avoir un outil pour mieux communiquer avec les soignants et les proches. 

Tremblements, rigidité musculaire, lenteur des mouvements, difficultés d’élocution… les symptômes de la maladie de Parkinson sont nombreux et incurables. Aujourd’hui, aucun traitement ne permet de vaincre la maladie, il n’arrive qu’à en stopper la progression. Il y a donc un vrai problème de santé publique. D’autant qu’en France, les malades de Parkinson sont chaque jour plus nombreux. 

 

Augmentation de 56% des cas d’ici 2030

Les chercheurs du CNRS spécialistes de la question observent un doublement du nombre de cas en 25 ans (entre 1990 et 2015). Cette hausse s’explique par le vieillissement de la population et donc une augmentation des plus de 75 ans en France. Et si la maladie de Parkinson touche davantage les personnes âgées, les recherches récentes ont montré que parmi les nouveaux cas détectés, 17% d’entre eux avaient moins de 65 ans.  D’ici 2030, les chercheurs estiment que le nombre de Parkinsoniens (personnes atteintes de Parkinson, ndlr) pourrait augmenter de 56%.

Plus d’un million de Français sont aujourd’hui touchés par une maladie dégénérative, selon l’ANR (Agence nationale pour la recherche). 

M. Delorge, l’un des testeurs de l’application ParkinsonCom
M. Delorge, l’un des testeurs de l’application ParkinsonCom

Sortir les malades de Parkinson de leur isolement

Impossible de laisser une part si grande de notre population s’isoler, être réduite à recevoir des soins sans pouvoir communiquer avec les soignants, leurs familles, parfois si jeunes. Les premiers cas peuvent apparaitre à partir de 45 ans ! Aussi, Kathia Oliveira et son équipe de chercheurs du laboratoire Lamih* (Laboratoire d’Automatique, de Mécanique et d’Informatique Industrielles et Humaines) à l’université polytechnique des Hauts-de-France basée à Valenciennes (59) a décidé de prendre les choses en main. Ils ont mis en place une application permettant de faciliter la communication entre les malades et leur entourage.

 ParkinsonCom, entièrement gratuite, a été mise en service fin 2022. Pour être sûr de réaliser un produit adapté, le laboratoire Lamih a associé des Parkinsoniens à son projet. Ainsi, 99 personnes en France et en Belgique y ont collaboré pendant trois ans. « Les testeurs Parkinsoniens font partie de l’équipe de recherche », insiste la chercheuse. Leur présence a permis de pointer les besoins auxquels l’équipe ne pensait absolument pas. En ligne de mire : le manque d’accessibilité des claviers classiques.

Avec ParkisonCom, les personnes atteintes de la maladie et leur famille regardent vers l’avenir en sachant que la communication ne va se rompre immédiatement.
Avec ParkisonCom, les personnes atteintes de la maladie et leur famille regardent vers l’avenir en sachant que la communication ne va se rompre immédiatement.

Des claviers dédiés à l’appli 

La responsable du projet confirme : « Ils sont victimes de tremblements. Or, pour faire un accent sur un clavier classique, il faut appuyer sur deux touches en même temps, c’est impossible pour eux ». Autre désagrément auquel les Parkinsoniens sont confrontés : le manque d’espace entre les touches qui les fait appuyer sur deux touches en même temps. Pour pallier ces difficultés, l’équipe a créé un clavier dédié à l’application. 

Le travail avec les Parkinsoniens a permis de cerner d’autres besoins. « On a compris que beaucoup vivaient encore seuls et souhaitaient communiquer avec l’extérieur. Ils n’avaient donc pas besoin de synthétiseur vocal, mais d’un système de messagerie, de mails pour échanger avec leurs enfants ». L’équipe avait dans un premier temps utilisé des pictogrammes suite aux conseils d’Anne Blanchart-Dauphin, médecin spécialisée au CHU de Lille. Les testeurs les ont bannis, tout comme les couleurs criardes, les malades refusaient d’être infantilisés.

« Nous avons besoin de voir les mots, pour nous rappeler comment ils s’écrivent », explique M. Delorge, un Parkinsonien qui a participé au projet. Les personnes vivant seules ont également demandé à ce qu’une fonction agenda soit mise en place sur l’application. « J’en reviens toujours à l’agenda, mais quand on doit prendre un médicament toutes les 2h-2h30, cela passe très vite. Et si on repousse de 15 min, tout se décale et on se retrouve le soir à ne pas avoir pris tous les médicaments qu’il fallait », souligne un autre Parkinsonien. Encore une difficulté à laquelle l’équipe de chercheurs n’avait pas songé. « On n’aurait rien pu faire sans eux », résume Kathia.

Avec l’évolution de la maladie, les mains tremblent et il devient très difficile pour les malades de Parkison de tenir des objets et donc encore plus de pouvoir composer des messages.
Avec l’évolution de la maladie, les mains tremblent et il devient très difficile pour les malades de Parkison de tenir des objets et donc encore plus de pouvoir composer des messages.

 

  • Pour télécharger l’application uniquement disponible sur Androïd, rendez-vous sur le site de ParkisonCom

Diffuser l’application 

Seule ombre à ce tableau quasi parfait, il faut aujourd’hui réussir à faire connaître cette application. L’équipe de ParkinsonCom va désormais dispenser des formations auprès du public cible pour sensibiliser davantage de personnes à son utilisation. Elle doit ensuite réussir à impliquer les associations, les aidants, mais aussi les professionnels de santé qui pour l’heure sont restés relativement en retrait sur ce projet. Seuls dix professionnels se sont impliqués pendant ces trois années. Au total, le projet a bénéficié d’un financement de 1,6 million par l’Europe pour trois ans. 

L’interface de l’application avec ces boutons très espacés les uns des autres
L’interface de l’application ParkinsonCom avec ces boutons très espacés les uns des autres

Il s’est terminé fin décembre 2022. Et pourtant, il y a encore tant à faire. Les chercheurs souhaitent développer la documentation autour de l’application : vidéos présentant des utilisateurs, fiches pédagogiques d’utilisation, rapports. Les utilisateurs eux sont conquis. L’un des testeurs confie : « Avec l’évolution de la maladie, on peut se renfermer sur soi, on ne sort plus, on s’isole. Grâce à l’application, on peut communiquer oralement et envoyer des messages à notre famille. On n’est plus coupé du monde ». ♦

 

*Unité mixte de recherche entre l’Université polytechnique Hauts-de-France et le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)