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Pas aventuriers, les armateurs ?

Par Adeline Descamps, le 20 août 2019

Journaliste

[Au fait !] À moins de 140 jours des échéances réglementaires qui vont notamment plafonner la teneur en soufre des carburants marins (à moins de 0,5%) sur toutes les mers du monde, la chasse au NOx (oxydes d’azote) et au Sox (oxydes de soufre) reste un défi pour les armateurs.

Depuis que l’Organisation maritime internationale (OMI) a entrepris de traquer les principaux polluants générés par le transport maritime (les Nox seront bientôt dans le viseur tout comme le CO2, principal générateur des gaz à effet de serre, mais à échéance plus lointaine), les propriétaires et exploitants de flottes de navire sont aux abois. Ils ont tâtonné, soupesé les choix techniques pour satisfaire des normes dont la facture pour le secteur (le surcoût du poste combustible à l’échelle mondiale est estimé à 60 Md$) va plomber les comptes d’exploitation de sociétés dans des situations d’endettement abyssales pour avoir péché par optimisme dans leur marché (frénésie d’achats de navires)…

Pour troquer l’indécrottable fuel lourd (« heavy fuel-oil », HFO), chargé à 3,5% de soufre et composant plus de 75 % des carburants maritimes actuellement utilisés, les transporteurs maritimes ont le bénéfice du choix dans les technologies : le GNL, un carburant à moins de 0,5% de soufre et le bon vieux HFO à condition d’ équiper les cheminées de dispositifs permettant d’épurer les gaz d’échappement (de type scrubbers, laveurs de fumées en français). Aucune n’est suffisamment de long terme pour voir l’horizon en vert mais le GNL détient toutefois la palme de l’empreinte environnementale la plus nettement favorable, seul carburant – de transition en attendant l’hydrogène –, réellement efficace pour venir à bout d’une bonne partie des toxines.

 

Les éco-navires attendront un peu…

Mais voilà, le GNL n’a pas vraiment convaincu, avec seulement 38 navires captés à ce jour (convertis, en conversion ou en commande). Le tonnage alimenté au gaz naturel ne représenterait à échéance que 1% de la flotte totale en unités, selon le consultant Alphaliner. Les investissements de l’ordre de 25 à 30 millions de dollars pour y consentir, les incertitudes pesant sur la logistique d’avitaillement, la disponibilité future du carburant demeurent certes dissuasifs.

Guère plus persuasif est le carburant à faible teneur en soufre (moins de 0,5%) alors qu’il n’exige pas vraiment d’investissements ni d’arrêts pour conversion. Mais les incertitudes persistantes sur sa disponibilité dans les ports, l’écart de prix avec son homologue plus soufré et des coûts d’exploitations supérieurs ont manifestement découragé.

Les transporteurs maritimes ont donc opté pour ce qu’ils connaissaient déjà et surtout ce qui coûte le moins cher : le fuel lourd couplé à des scrubbers. D’autant que la fourchette d’installation de ces derniers a chuté en un an et coûte désormais entre 3 et 5 millions de dollars l’unité (de 5 à 8 millions auparavant) et que les prix du HFO devraient être bien en deçà des autres carburants disponibles le 1er janvier 2020. Selon les dernières comptabilités de Drewry, tous navires confondus, environ 11 % de la flotte mondiale (en tonnage brut) en sera équipée à échéance. Quant aux compagnies de croisières, contraintes depuis plus longtemps par une réglementation à 1,5% dans certaines zones, elles ont été rapidement et massivement ralliées à sa cause. Seul bémol, avec le fuel, certains d’entre eux rejettent des eaux de lavage chargées de sulfure.

Reste une question, fondamentale : les 50 000 navires sillonnant les mers du monde seront-ils prêts le 1er janvier 2020 ? Il est permis d’en douter… ♦

 

L’article Dilemme chez les armateurs avait été publié le 24 octobre 2018. À lire ou relire ici.

Dilemme chez les armateurs : quel carburant choisir pour moins polluer ?