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La ménopause, moins taboue aujourd’hui ?

Par Lorraine Duval, le 20 septembre 2022

Journaliste

En France, 12 millions de femmes sont ménopausées et environ 450 000 autres le sont chaque année © Pixabay

La ménopause correspond à l’arrêt du fonctionnement de l’ovaire et survient vers 50 ans. Elle se traduit par l’arrêt des règles et la perte de la fonction de reproduction. Mais peut s’accompagner de toutes une série de symptômes dont les femmes parlent plus ou moins facilement. Le Pr Léon Boulbi, gynécologue, et Sophie Kune, auteur de « Ménopausée et libre ! »* et du compte Instagram @menopauses.stories reviennent sur cette étape de vie encore trop taboue.

 

C’est un phénomène naturel. Et pour nombre de femmes, un tournant dans leur vie. Synonyme de liberté – fin des règles et de la contraception. Ou de désagréments – bouffées de chaleur, sécheresse voire atrophie vaginale, troubles urinaires, douleurs articulaires, prise de poids, troubles de l’humeur et du sommeil. La ménopause a longtemps été vécue comme un traumatisme et associée à l’entrée dans le 3e âge.

« Il y a, certes, une modification du schéma corporel, pointe Léon Boubli, professeur émérite de gynécologie à la faculté de médecine de Marseille. Pour certaines femmes, cela équivaut au début de la vieillesse alors qu’elles ont devant elles davantage de chemin à parcourir que celui les séparant de leurs premières règles. On constate même parfois des conséquences neurologiques chez certaines, comme si elles avaient perdu un moteur ».

 

Compliqué d’évoquer des problèmes sexuels ou urinaires


Un tabou ? « Oui et non, considère le médecin. On en parlait davantage il y a une quinzaine d’années, quand la ménopause était plus systématiquement traitée. Mais c’est de moins en moins le cas. Alors oui, on parle assez facilement des bouffées de chaleur et des suées nocturnes. Mais il reste plus délicat d’évoquer les problèmes d’ordre sexuel ou urinaire qui, pourtant, affectent le quotidien. C’est d’autant plus handicapant à un âge où la vie affective peut prendre un nouveau départ. Cela peut inspirer de la gêne, voire de la honte ».

Conscient de ces réticences, le patricien aborde systématiquement ces questions, car « au moins une femme sur deux est affectée par un SGUM – syndrome génito-urinaire de la ménopause – et parce qu’il n’est pas toujours facile d’aborder son calvaire sexuel ». De surcroît, il n’est pas rare qu’induit par ces situations, du stress se rajoute.

Plus grave, comme la ménopause sonne la fin de la sécrétion hormonale, elle expose davantage à certaines pathologies cardio-vasculaires et à l’ostéoporose. En revanche, celles qui souffraient d’endométriose vont pouvoir souffler avec la disparition progressive des symptômes.

 

Indispensable, une hygiène de vie renforcée

La ménopause se vit d’autant mieux qu’on a une activité physique importante et une bonne hygiène de vie, rappelle le Pr Boubli. Cela passe par un régime alimentaire adapté. « Car, avec la ménopause, les ressources énergétiques sont davantage assimilées et la prise de poids plus rapide. Il faut être vigilante ! », prévient le gynécologue.

Les traitements médicamenteux ont été un temps décriés car soupçonnés de favoriser des cancers du sein. Mais, sauf antécédents ou contrindication, ces traitements à base d’œstrogènes et de progestérone peuvent être pris durant deux à trois ans, maximum. Pour pallier la sécheresse vaginale, des crèmes et ovules à base d’hormones sont vendus en pharmacie. Certaines femmes se laisseront tenter par la réjuvénation vulvo-vaginale, traitement au laser ou injections d’acide hyaluronique, non remboursés. D’autres se contenteront de médecines douces, comme des compléments alimentaires à base de soja.

 

Un livre et un podcast pour dédramatiser

Pas sûr que la ménopause soit moins taboue aujourd'hui ! 1
Sophie Kune © Studio Madam

Sophie Kune, consultante en stratégie digitale, a 47 ans quand un problème d’endométriose implique une ménopause artificielle. « La rencontre fut brutale et frontale, raconte-t-elle aujourd’hui avec humour. Je suis allée sur Internet, où le sujet était traité comme une maladie – des effets indésirables sont-ils une maladie ? Avec des photos de femmes qui ne me ressemblaient pas du tout ! » Sur la toile, pas de représentation satisfaisante, peu de littérature, mais Sophie Kune noircit de notes des cahiers. En janvier 2020, elle créée le compte Instagram @menopauses.stories, « des conversions débridées pour ménopause décomplexée ».

L’exploration de ce continent mal connu commence par elle-même. Puis, très vite la communauté s’étoffe (8150 abonnés actuellement), les messages privés se multiplient, les prises de parole aussi. Sur des sujets récurrents comme la libido, la représentation sexuelle, le conjoint, les traitements hormonaux, la honte, les cheveux gris… : « les tabous ont la peau dure », confirme cette nouvelle animatrice de réseau.

 

La ménopause n’est pas un mur

« L’idée est de démontrer que ce n’est pas un mur, d’aider à reconstruire un imaginaire positif », décrypte Sophie Kune. Et quand les questions sont trop techniques, un expert ou un médecin intervient en live. « J’ai décorseté et stylisé le sujet. Cela permet de libérer la parole, d’engager des conversations à bâtons rompus », se réjouit encore la jeune quinquagénaire. Forte de cet engouement et de nombreux témoignages, elle a écrit Ménopausée et libre !*. À la croisée du manifeste et de l’enquête, des pages parfois sérieuses, parfois drôles, qui déconstruisent les archétypes et changent le regard sur ce qui n’est qu’un périple de la vie de femme. ♦

 

*« Ménopausée et libre ! » de Sophie Kune. Ed Marabout. Sept 2021. 224 pages. 19,90 euros

 

Bonus

Le GEMVI. Le Pr Boubli appartient au Groupe d’Étude sur la Ménopause et le vieillissement hormonal est un espace de réflexion sur la ménopause et le vieillissement hormonal. Il est animé par unc scientifique de 25 membres, issus de 9 spécialités médicales ou chirurgicales. L’onglet « fiches d’information patientes » détaille précisément tout le processus de la ménopause.

 

Chiffres clefs de la population
  • En France : 12 millions de femmes sont ménopausées
  • 450 000 nouvelles femmes par an en France
  • Âge moyen de la ménopause 50-51 ans
  • Âge moyen de la ménopause en Afrique : 53 ans
  • L’âge de la ménopause est à 63% génétique et à 37% environnemental
  • 7% des femmes de 40 – 44 ans sont ménopausées
  • 83% des femmes de 50 – 54 sont ménopausées
  • 50% de la population féminine sera concernée dans 20 ans
  • En 2025, il y aura dans le monde 1,1 milliard de femmes en postménopause 
♦ (re)lire : Armer les femmes contre le sexisme

Chiffres clefs des symptômes
  • 82% des femmes ressentent au moins un symptôme de la ménopause5
  • 40 à 70% des femmes souffrent de bouffées de chaleur, pourcentage variable suivant les ethnies
  • Les femmes qui ont des bouffées de chaleur en ont en moyenne pendant 7,4 ans
  • les symptômes de la ménopause peuvent durer plus de 10 ans
  • la ménopause est responsable de :
    – ostéoporose chez 23% des européennes
    – accidents cardiovasculaires : première cause de mortalité de la femme de plus de 65 ans