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Plus le choix, les entreprises DOIVENT réduire leur impact carbone

Par Philippe Lesaffre, le 9 novembre 2022

Journaliste

De plus en plus d’entreprises calculent les émissions de gaz à effet de serre engendrées par leurs activités. But de l’opération : limiter leur empreinte environnementale. Il en va de leur avenir, selon les experts.

Certaines études, toujours plus nombreuses, le montrent (lire bonus) : les citoyens attendent des entreprises qu’elles s’engagent réellement. Pas juste dans les mots. Que les actes suivent, sans tricher. Ils pointent du doigt ceux qu’ils soupçonnent ou détectent du greenwashing. Comme le note Simon Létourneau, fondateur de la start-up Carbo qui mesure l’impact carbone des particuliers et des entreprises, « ils demandent des preuves aux entreprises qui communiquent ».

 

Aussi important que le salaire

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Simon Létourneau, fondateur de la start-up Carbo ©DR

Gare aux erreurs, aux incohérences ; des femmes et des hommes, vigilants, veillent, et demandent que les entreprises respectent les limites planétaires dans les faits… Selon lui, cela se voit aussi lors d’entretiens d’embauche : la question de la responsabilité sociétale et environnementale de la structure revient souvent, elle devient même de plus en plus importante, au même titre que le niveau du salaire, relève Simon Létourneau.

« Ils vérifient que l’entreprise partage les mêmes valeurs. » Et cela ne s’arrête pas après leur intégration au sein des équipes : « Certains poussent leur employeur à aller toujours plus loin dans la diminution de l’empreinte carbone… » Pour lui, c’est certain : « Elles ne s’en sortiront pas si elles ne bougent pas. »

Pas le choix, les entreprises ont tout intérêt à participer à l’effort, à réduire leur impact pour répondre à l’urgence climatique. Et cela pour plusieurs raisons. Mesurer concrètement ce qu’elles émettent en raison de leurs activités peut d’abord leur permettre, souligne Simon Létourneau, de « garder leurs talents ». De « montrer concrètement à leurs collaborateurs qu’elles se mobilisent. » Les salariés, si leur employeur ne met en place aucune initiative, n’auront plus envie de rester, dans la mesure où ils cherchent de plus en plus un emploi qui leur fait sens.

 

♦ Lire aussi : Avec Greenwatch, les citoyens surveillent les faux pas

 

Un bilan carbone pour l’attractivité d’une entreprise

De nombreuses organisations calculent également leur impact environnemental parce que c’est ce qu’on leur demande, précise Simon Létourneau : « Afin de répondre à des appels d’offres, certaines doivent rendre public leur bilan carbone, dit-il. En outre, une partie des banques demandent de plus en plus de critères RSE (responsabilité sociétale et environnementale), et le calcul de l’empreinte carbone en fait partie. Par ailleurs, cela les aide aussi quand elles veulent se faire labelliser. » Exemple : c’est nécessaire pour obtenir la certification B Corp, le plus exigeant des labels, selon les spécialistes.

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Tanguy Robert, cofondateur de la start-up Sami ©DR

« Enfin, remarque Tanguy Robert, cofondateur de la start-up Sami, spécialiste aussi du bilan carbone, la réglementation se renforce, ce qui fait bouger les directions, forcément. » Oui, le « bilan carbone se démocratise », ajoute-t-il. Et cela est bien vu, il en va de la marque employeur, autrement dit de l’attractivité des entreprises.

 

Les émissions carbone directes… et indirectes

Mais comment ça marche ? Concrètement, il s’agit de mesurer l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre relatives à l’activité de l’organisation. En premier lieu celles qui sont liées directement à la conception des produits vendus (les spécialistes parlent du scope 1), celles qui sont liées aux consommations d’énergies nécessaires à la fabrication desdits produits (scope 2), mais encore toutes les émissions indirectes, liées au cycle de vie des biens, autant l’approvisionnement des matières premières, le transport, l’usage, le recyclage (le scope 3, pour les intimes). Pour la plupart des entreprises, « ces dernières représentent en moyenne plus de 80% de l’ensemble des émissions », explique Tanguy Robert.

Pour autant, le scope 3 est ce qui est le moins mesuré… En raison de la réglementation actuelle tout particulièrement : pour l’heure, les entreprises de moins de 500 salariés ne sont pas contraintes de calculer leurs émissions indirectes. Quelle est la règle ? Depuis 2012, seules les sociétés de plus de 500 salariés ont à effectuer la démarche du bilan carbone. Ce, tous les quatre ans. Et encore, elles ne doivent évaluer que les émissions directes de leurs activités (scope 1 et scope 2). Cela évoluera un peu en 2023 : bientôt, elles devront désormais se plier à l’exercice. Et donc inclure leurs activités indirectes (scope 3) dans leur bilan carbone.

 

♦ (Re)lire : Des cours de transition écologique pour les salariés de la CMA-CGM

 

Identifier des leviers d’actions concrètes

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Des cabinets de conseils ou des indépendants accompagnent les entreprises dans leur transition © Unsplasch

Selon Tanguy Robert, on pourrait durcir la réglementation, histoire d’accélérer la transition écologique des acteurs économiques. Il soutient ainsi l’idée de la convention des entreprises pour le climat (lire bonus), qui propose par exemple d’obliger les entreprises de plus de 50 salariés à réaliser un bilan carbone. « Beaucoup de structures n’ont rien évalué par manque de temps ou de budget. » Il faut les épauler, selon lui.

Des cabinets de conseils, des indépendants épaulent les entreprises, notamment les plus petites, dans la réduction de leurs impacts, autant que les plateformes telles que Carbo, ou encore Greenly ou Sami. Mesurer, parfois selon une méthode certifiée par l’Ademe… pour ensuite mettre en place un plan d’actions concrètes. En fonction de leurs activités, leur périmètre.

 « En fonction des achats, des dépenses, précise Simon Létourneau, on identifie des initiatives qui, pour certaines, peuvent être mises en place assez rapidement, assez facilement. » Par exemple : renoncer à des voyages professionnels, à des séminaires en dehors des frontières. ou encore privilégier le train quand cela est possible. Et puis des « des changements plus structurants, à mettre en œuvre sur le long terme ». Exemple : opter pour de l’énergie renouvelable, choisir des meubles reconditionnés pour ses locaux, prolonger la durée de vie des équipements informatiques, mettre en place une politique de transport responsable, réduire sa flotte automobile… ♦

 

Bonus
  • L’étude de Kantar Insights, par exemple. Les Français appellent les entreprises à protéger la biodiversité, à éviter la déforestation, à décarboner leurs activités et à lutter contre la pollution. Résultat du « Sustainability Sector Index » de l’institut Kantar – qui a sondé en juin 2022 33 000 citoyens dans 32 pays, dont 1 000 en France.

 

  • La Convention citoyenne pour le climat, version entreprise. Plus de 150 dirigeants de tous les secteurs se sont réunis entre 2021 et 2022 pour formuler des propositions visant à aider les sociétés à réduire leur impact environnemental. Le rapport final est sorti le 25 octobre.