Avec son podcast Europe & Sentiment, Laetitia Chabannes veut mettre l’Europe au cœur des débats d’actualité, au même titre que l’écologie et le féminisme. Elle y interroge des citoyens de tout le vieux continent sur leur sentiment d’appartenance à l’union des Vingt-Sept. La nouvelle saison met en miroir deux femmes, une Russe et une Ukrainienne vivant en France.
Peut-on se sentir Européen lorsqu’on est noir ou musulman ou homosexuel, voire tout à la fois ? Telles sont les questions que Laetitia Chabannes aborde dans son podcast Europe & Sentiment. Elle – qui a grandi avec le film L’Auberge espagnole, a connu le passage à l’euro, a suivi un programme Erasmus, n’a jamais eu besoin de passeport ou visa pour voyager en Europe – s’est toujours sentie européenne. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde. « En mai 2019, je dînais avec des amis le soir des élections européennes. Personne à part moi n’était allé voter. Pour eux c’était plus que du désintérêt, c’était un non-sujet », se souvient la jeune femme de 37 ans. Le Brexit – que des Européens choisissent volontairement de quitter l’Union européenne ! – fait office de second électrochoc et la pousse à prendre le micro.
Donner la parole à « monsieur et madame tout le monde »
Au sortir du premier confinement, elle lance ce qui sera le premier épisode d’Europe & Sentiment. Elle a au départ hésité avec des portraits écrits mais s’est laissée séduire par l’intimité qu’apportent les voix murmurées au creux de l’oreille. « Je demande aux gens de raconter leur histoire. Il y a donc des choses très fortes qui ressortent et que l’on n’aurait pas à travers l’écrit », expose-t-elle. Les quatre premiers témoignages tournent autour d’une même question : faut-il être né(e) de parents européens pour être européen(ne) ? Chacun a sa réponse, en fonction de son vécu, de son héritage familial. « Mon parti pris est d’avoir le point de vue de citoyens de diverses nationalités car, selon le pays, ils ne sont évidemment pas identiques ».
Le choix des interviewés s’est fait en fonction des débats de société dominants dans chaque État. Pour l’épisode sur la place de l’homosexualité dans le sentiment d’être ou non Européen, par exemple, elle a ainsi interrogé un Polonais. Pour rappel, la Pologne fait l’objet de critiques de la part notamment de la Commission européenne pour sa politique discriminatoire envers les personnes LGBT. « Sur cette question, les Polonais ont forcément plus de choses à dire que des citoyens de pays où l’homosexualité est mieux respectée », souligne la podcasteuse. Elle met par ailleurs un point d’honneur de donner la parole à « monsieur et madame tout le monde ». Exit donc les élus ou spécialistes de l’Europe.
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Changement de cap avec la guerre en Ukraine
Les épisodes de la première saison, qui traitent tous de questions sur cette identité européenne, font ainsi prendre conscience des difficultés de certaines personnes à se sentir Européen. « Pour moi c’est facile : je suis Française, blanche, élevée dans la religion catholique, hétéro. Je coche toutes les cases de la « parfaite citoyenne européenne » », estime-t-elle. Force est de constater que ce n’est pas le cas lorsque l’on fait partie d’une minorité.
Les premiers épisodes de la deuxième saison, sortis le 9 mai dernier, sont par contre bien différents. Ils dressent le portrait en miroir de deux femmes, Myroslava et Sofya. Une Ukrainienne et une Russe qui vivent en France mais dont les familles sont toujours dans leur pays natal. « Quand la Russie a lancé son offensive en Ukraine, ça m’a chamboulée. Je me suis demandé comment en parler et mon entourage m’a aussi poussée à le faire. On a trouvé ce nouveau format que l’on va garder jusqu’à la fin de l’été », confie Laetitia Chabannes. Les témoignages portent sur les proches aux identités croisées de ces deux jeunes femmes, de leur enfance, leurs vacances en Crimée… Au total, cette deuxième saison devrait se composer de dix épisodes. Certains devraient néanmoins reprendre le format de la première « qui permet plus de réflexion et de contextualisation », dixit leur créatrice.
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Créer des débats autour de l’Europe
Freelance dans l’entrepreneuriat social en parallèle, Laetitia Chabannes souhaite continuer son activité professionnelle tout en développant son podcast. Elle a autofinancé la première saison et bénéficie de subventions pour cette deuxième. « Ça ne deviendra jamais mon activité unique car j’aime travailler sur d’autres sujets, mais j’aimerais en vivre mieux pour y dédier davantage de temps », glisse la podcasteuse.
Surtout, elle veut que son podcast serve de matière à débats. Elle planche activement à l’organisation d’événements à Marseille et à Paris autour des sujets mis en lumière dans les épisodes. « Je trouve que l’Europe mériterait d’être autant débattue que le féminisme ou l’écologie. Ce sont tous des sujets qui participent à notre avenir ». Rendez-vous est d’ores et déjà donné le 16 juin prochain pour une écoute collective des premiers épisodes de la deuxième saison, puis une discussion autour du sentiment européen à l’heure de la guerre en Ukraine (plus d’infos ici). ♦
* Le FRAC Provence accompagne la rubrique société et vous offre la lecture de cet article *
Bonus
- Retrouver les épisodes du podcast Europe & Sentiment – Sur Spotify, Ausha ou encore Apple Podcast.
- Un bureau du Parlement européen à Marseille – On ne le sait pas forcément, mais le Parlement européen dispose d’un bureau à Marseille, au sein du World Trade Center (rue Henri Barbusse, 13002). C’est la seule antenne de cette institution en France avec celle de Paris. Ce bureau a vocation à faire connaître le Parlement européen, son rôle et ses actions. Il organise pour cela régulièrement des débats et des événements à propos de l’Europe. Prochain rendez-vous : le 23 juin 2022 autour d’un débat sur le thème « Asile et migration en Europe : avancées et défis ». Plus d’infos en cliquant ici.