Malgré les aides existantes, un sportif sur deux dans l’Équipe de France Olympique vit avec moins de 500 euros par mois, selon une étude de la Région Sud. Dès lors, comment financer la préparation et les incontournables compétitions de référence ? Illustration concrète de cette problématique avec le jeune kayakiste Luca Barone.
Son dossier est arrivé sur mon bureau par des voies détournées. Une chercheuse du CEA de Cadarache situé près de Pertuis connaissait les difficultés financières rencontrées par l’enfant du pays dans le cadre de sa préparation aux Jeux olympiques. Elle a servi de relais… La première difficulté pour les athlètes qui pratiquent un sport méconnu du grand public est en effet d’attirer la lumière.
Il y aura 32 disciplines aux Jeux olympiques de 2024 en France (liste complète en bonus). Peu d’entre nous sont capables de les citer toutes. Et en dehors des érudits compulsifs du sport et de quelques membres du Comité international olympique, qui peut énoncer la liste complète de toutes les épreuves ? Avec l’aide des moteurs de recherches du web, et ça m’a pris du temps pour recouper les informations, j’en ai dénombré 537, femmes, hommes ou mixtes. Ce qui donne 1611 athlètes qui seront distingués par des médailles d’or, d’argent et de bronze. Si certains ont accédé à la notoriété et vivent du sport qu’ils pratiquent car c’est un sport populaire ou de masse, la plupart des sportifs de haut niveau consacrent une grande partie de leur temps à chercher des sponsors et des financements.
Être un champion ne suffit pas
En l’occurrence, Luca Barone, 23 ans, est membre de l’équipe de France de kayak de descente et de lignes (FFCK). Depuis 2021, il cumule les médailles et les titres en Championnat du monde, d’Europe ou de France. En sprint individuel ou par équipe. La semaine dernière, il a par exemple terminé 3e du championnat du monde de descente de rivière à Augsbourg. C’est beau, c’est grand, mais premier écueil dans cette discipline qui pourtant comprend huit épreuves masculines aux prochains JO, la descente de rivière n’y figure pas. Qu’à cela ne tienne, Luca Barone récidivera dans un mois, lors d’autres championnats du monde : ceux de courses en lignes et, pour le coup, épreuve olympique.
Participer à ces compétitions internationales a un coût. Après l’Allemagne, il va devoir se rendre à Auronzo en Italie (Vénétie) avec son matériel. L’exemple du kayak est intéressant, car le président de Paris 2024, Tony Estanguet, est un champion de la discipline. Avec trois médailles d’or en individuel dans trois Olympiades différentes, son palmarès est unique dans le sport français. Pour autant, il est loin d’être une star. Et que dire de Denis Gargaud, Franck Adisson, Benoît Peschier, Jean Laudet et Emilie Fer, autres médaillés d’or olympiques français dans diverses épreuves de kayak ? Qui en dehors des kayakistes et encore, connaît ces noms et se souvient de leurs exploits ?
Même ceux qui ont un métier ne couvrent pas les coûts de préparation !
À la différence de nombreux athlètes de haut niveau de disciplines méconnues, Luca Barone a trouvé un métier dans sa spécialité. Il est éducateur et entraîneur sportif à Toulouse. Dans le dossier de financement qu’il présente, il détaille poste par poste le coût d’une saison. L’essentiel pour lui est de pouvoir disposer de deux kayaks et d’une paire de pagaies, « matériels particulièrement performants dont nous ne disposons pas en club ». Ces lignes budgétaires à hauteur de 10 200 euros viennent d’être couvertes par des équipementiers. Vu le palmarès passé et potentiellement à venir, il ne s’agit pas pour ces marques d’un investissement à fond perdu. Le matériel fourni sera même largement mis en avant par les images du champion en action.
Reste, pour le jeune homme, des postes plus difficile à financer. Les frais sont pourtant calculés au plus près. Pour ses déplacements liés aux compétitions par exemple, il demande 5000 euros. Pas de quoi se payer la cloche dans des restaurants ou descendre dans des hôtels 5 étoiles. Il aimerait aussi pouvoir faire appel à un nutritionniste et un préparateur mental officiant à ses côtés durant l’année à venir. 20 000 euros supplémentaires à trouver. Son salaire lui permet de vivre, mais n’est pas suffisant pour financer ces postes.
Mécéner les athlètes
Pour répondre à ces problématiques financières le Fonds Héritage a été créé il y a trois ans par le Comité Régional Olympique et Sportif de Provence-Alpes-Côte d’Azur, en partenariat avec la Région Sud et la Chambre de commerce et d’industrie de Marseille Provence (CCIMP). Ce fonds de dotation fait appel aux entreprises en leur proposant de mécéner un des 120 athlètes recensés sur le territoire régional qui s’entraînent actuellement pour décrocher l’or olympique.
« L’idée est d’œuvrer à la promotion du sport comme outil de RSE. Pour la santé des salariés bien sûr, mais également pour la santé des entreprises », explique Hervé Liberman. Et le Président de la commission sport et préparation des JO à la Région Sud de préciser : « La pratique d’activités physiques et sportives organisée par l’entreprise permet de créer du lien entre les collaborateurs. Ce qui augmente sa productivité entre 3% et 9%. Ainsi que sa rentabilité, entre 4% à 14% selon la dernière étude du MEDEF sur le sujet ! »
11 mécènes et 300 000 euros : décevant
Onze mécènes ont pour l’instant répondu à l’appel. Parmi eux, le cabinet d’architecture marseillais 331 Corniche. Vincent d’Ortoli reconnaît qu’il est d’autant plus sensibilisé que son neveu Julien espère concourir dans des épreuves de voile. Mais au-delà, cet architecte considère qu’« un athlète qui prépare les Jeux olympiques, c’est un atout considérable qui va bien au-delà de la notoriété du sportif. C’est un exemple de combativité. Ces femmes et ces hommes ne lâchent rien, jamais. Ils impulsent un état d’esprit autour d’eux, dans le travail ».
90% du montant des dons versés par les entreprises au Fonds Héritage sont reversés aux athlètes (10% de frais de gestion du Fonds), sous la forme de bourse.
Les promoteurs de cette action pensaient faire un malheur. Ils misaient sur la participation d’une centaine d’entreprises mécènes et un budget avoisinant 1,5 million d’euros. Avec une dizaine de partenaires et 300 000 euros, ils sont loin du compte. Coup d’envoi des JO le 26 juillet 2024. Les sélections des athlètes dans la majorité des disciplines auront lieu durant l’été. Il est encore temps de lancer la machine à aider ! ♦
♦ Le République, restaurant pour tous, parraine la rubrique SOLIDARITÉ et vous offre la lecture de cet article ♦
Bonus
[pour les abonnés] – Les dispositifs d’aide du ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques – À Rennes, des aides en échange d’interventions dans les écoles – Toutes les catégories d’épreuves des JO 2024 –
- Les dispositifs d’aide du ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Ce sont des aides financières directes attribuées aux les sportifs de haut niveau dans le cadre de la convention d’objectifs ministère/fédération. Elles permettent d’accompagner les sportifs dans leur parcours vers l’excellence sportive tout en préparant leur carrière professionnelle. Le versement des aides personnalisées à chaque sportif est décidé par le directeur technique national de chaque fédération.
- À Rennes, des aides en échange d’interventions dans les écoles. Le conseil municipal de Rennes a voté, lundi 15 mai 2023, une subvention pour aider quatorze athlètes qui préparent les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. En échange, ils interviendront dans les écoles. Lire l’article de Ouest France qui en parle.
- Toutes les catégories d’épreuves des JO 2024 :