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Pollution plastique, c’est pas gagné !

Par Hervé Vaudoit, le 4 novembre 2020

Journaliste

Photo Joel Saucedo de Pixabay

Un nouveau rapport de l’Union internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) montre qu’en dépit des affichages politiques, la pollution marine continue de s’aggraver en Méditerranée, où près de 230 000 tonnes de plastiques en tout genre finissent leur course chaque année, faute de gestion appropriée des déchets à terre. Des solutions existent pourtant…

Il y a encore du boulot, et pas qu’un peu ! C’est la conclusion que l’on peut tirer du dernier rapport de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) sur la pollution plastique en Méditerranée, publié le 27 octobre. Notre mer intérieure, berceau de la civilisation, avale en effet chaque année quelque 230 000 tonnes de déchets plastiques supplémentaires, soit l’équivalent de 500 conteneurs de transport maritime déversés chaque jour dans ses eaux.

 

Un million de tonnes de plastique non biodégradable
Pour en finir avec la pollution plastique, c’est maintenant ! 1
Photo Sergei Tokmakov, Esq. de Pixabay

Cela fait pourtant plus de 30 ans que les scientifiques alertent sur cette pollution insidieuse, devenue dans l’intervalle un problème planétaire irréversible, faute d’avoir tenu compte de ces mises en garde. Pire : selon le rapport de l’UICN, qui a compilé les données et les études conduites dans 33 pays riverains, la quantité de plastiques rejetée en Méditerranée pourrait atteindre 500 000 tonnes en 2040 si rien n’est fait pour limiter à la fois la production mondiale de matières plastiques, et leur dispersion incontrôlée dans l’environnement. Plus d’un million de tonnes de ces matières non biodégradables reposeraient déjà au fond de Mare Nostrum, sous forme de microplastiques que l’on retrouve ensuite à tous les étages de la chaîne alimentaire, à commencer par l’estomac des humains.

 

Des nappes de microplastiques dérivantes
Pour en finir avec la pollution plastique, c’est maintenant ! 2
Photo Pixabay

Longtemps ignorée par la majorité de la population mondiale, cette « pollution plastique source de dommages à long terme sur les écosystèmes marins et terrestres et la biodiversité » – rappelle l’UICN -, figure aujourd’hui au premier rang des préoccupations du grand public en matière d’environnement – au moins dans les pays occidentaux. L’origine de la prise de conscience globale remonte ainsi à une vingtaine d’années, quand l’océanologue américain Charles J. Moore a révélé l’existence des fameux « gyres » océaniques, ces nappes d’accumulation de micro et macroplastiques créées par la convergence des courants marins.

Dix ans plus tard, une nouvelle expédition démontrait que le seul gyre du Pacifique Nord couvrait une superficie équivalente à trois fois la France, comme les 4 autres gyres de plastiques repérés entre temps dans cet océan. Toutes les mers du monde sont donc touchées par un phénomène que ni la pression de l’opinion, ni les différentes initiatives publiques ou privées pour limiter ces pollutions ne sont parvenues à enrayer. En dépit des prises de position et des belles intentions affichées dans les discours, la plupart des experts – y compris ceux de l’UICN – estiment que la production mondiale de matières plastiques issues du pétrole va continuer d’augmenter à un rythme de 4% par an, d’où le pessimisme affiché pour les décennies à venir.

Selon le rapport publié par l’UICN, seules « des mesures ambitieuses au-delà des engagements actuels » des pays pourraient renverser cette tendance mortifère pour les animaux marins, « qui peuvent se retrouver coincés ou avaler des déchets en plastique et finir par mourir d’épuisement et de faim », souligne Minna Epps, directrice du programme global marin et polaire de l’organisation internationale.

 

Un nécessaire sursaut

Comment y parvenir ? D’abord par la mise en place d’une véritable politique responsable de gestion des déchets dans les 100 plus grandes villes du pourtour méditerranéen, ce qui pourrait limiter les rejets de plastique en mer de 50 000 tonnes par an dans un premier temps. Ensuite par l’adoption de mesures fortes d’interdiction, afin de limiter l’usage des matières plastiques aux domaines pour lesquels il n’existe pas d’alternative crédible, techniquement et économiquement.

Mais seule une stratégie volontariste à l’échelle planétaire permettra d’en venir à bout, comme le préconise François-Michel Lambert, député (LEF – Liberté, Ecologie, Fraternité) des Bouches-du-Rhône et auteur du rapport « Stop aux pollutions plastiques » rendu début 2019 (son ITW sera publiée la semaine prochaine), mais aussi Antonio Troya, directeur du centre de coopération pour la Méditerranée de l’UICN. Selon lui, « les gouvernements, le secteur privé, les instituts de recherche, les industries et les consommateurs doivent travailler ensemble pour repenser les processus et les chaînes d’approvisionnement, investir dans l’innovation et adopter des modes de consommation durables et des pratiques améliorées de gestion des déchets pour stopper les flux de contamination plastique. » Il y a donc encore du boulot, et pas qu’un peu. ♦

*Nos soutiens 9parraine la rubrique « Environnement » et vous offre la lecture de cet article *

 

Bonus [pour les abonnés] En cause, la gestion des déchets – En chiffres, les microplastiques – En voie de disparition, les sacs plastique –

94% – Selon le rapport de l’UICN, c’est l’Égypte qui contribuerait le plus aux rejets incontrôlés de plastiques en Méditerranée, avec environ 74 000 tonnes par an, suivie de l’Italie, avec 34 000 tonnes et la Turquie, avec 24 000 tonnes. Les raisons avancées aux mauvaises performances de ces trois pays sont la gestion calamiteuse des déchets et l’importance de la population vivant sur le littoral. Si on ramène ces rejets à l’échelle individuelle, c’est le Monténégro, avec 8 kg par an et par personne, qui est le plus mauvais élève de Méditerranée, suivi de l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine du Nord, avec environ 3 kg par an et par personne. La France serait plutôt parmi les moins mauvais, avec 100 g par an et par habitant. Au total, l’UICN estime que 94% des rejets incontrôlés de macroplastiques (d’une taille supérieure à 5 mm) sont le fait d’une mauvaise gestion des déchets, le reste étant principalement constitué par les filets usagés et le matériel de pêche abandonné en mer.

13 000 – Sur les presque 230 000 tonnes de rejets annuels en Méditerranée, les microplastiques primaires (c’est à dire ceux d’une taille déjà inférieure à 5mm au moment où ils ont été produits) représenteraient quelque 13 000 tonnes, dont plus de la moitié (53%) est constituée par la poussière de pneumatiques. Suivent les fibres textiles (33% du total), les microbilles utilisées en cosmétique (12%) et les résidus de production de l’industrie du plastique (2%).

17 milliards – C’est le nombre de sacs plastiques de pétrole à usage unique non compostables utilisés par les Français en 2015. Ils sont interdits depuis le 1er janvier 2017. Avant cela, un quart de ces sacs était immédiatement jeté après usage.