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Pour les moins de 2 ans, c’est zéro écran !

Par Lorraine Duval, le 1 septembre 2022

Journaliste

Un ouvrage qui veut alerter les parents :  les écrans sont toxiques pour le cerveau des tout-petits ! @Pixabay

Loin de les rendre plus vifs, les écrans perturbent le développement moteur et intellectuel d’un nombre croissant de jeunes enfants. Dans son ouvrage « Les tout-petits face aux écrans »*, le Dr Anne-Lise Ducanda dresse un état des lieux de ce « fléau de santé publique » et détaille pourquoi les écrans sont vraiment nocifs pour les jeunes enfants.

 

Dans les années 2000, l’utilisation des tablettes, téléphones mobiles et écrans en tous genres explose. Un constat s’impose alors progressivement au Dr Anne-Lise Ducanda, médecin pour la protection maternelle et infantile (PMI) en région parisienne. Lors de ses consultations, elle reçoit de plus en plus d’enfants en difficulté. Retard du langage, agitation, difficultés de communication, intolérance à la frustration, maladresse… sont quelques-uns de leurs symptômes communs. De fait, 95% d’entre eux sont surexposés aux écrans.

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Le Dr Anne-Lise Ducanda alerte sur les méfaits des écrans.

« Chez ces enfants, on constate un retard global de développement, pointe la médecin. Ils ont des retards intellectuels – ils peuvent ne pas comprendre une consigne simple comme « va chercher tes chaussures », avoir du mal à tenir un crayon, et être incapable de se concentrer plus de 30 secondes sur une activité. Idem pour la motricité avec des difficultés à courir, grimper, parfois même marcher ».

 

♦ (re)lire : Un jeu pour résister à l’invasion des écrans

 

Le contact humain, bien mieux que le numérique

S’ajoutent fréquemment au tableau des troubles graves de la communication et des relations. « Ces enfants vivent isolés dans leur bulle », s’inquiète Anne-Lise Ducanda. Les parents n’en ont pas toujours conscience et ne connaissent pas forcément les stades du développement de l’enfant. Bien souvent, ce sont donc les enseignants ou le personnel des crèches qui signalent les problèmes.

Elle va plus loin dans sa mise en garde : « Les écrans sont toxiques pour le cerveau des tout-petits. C’est comme si les shoots visuels et sonores créaient de mauvaises connexions cérébrales, au détriment d’autres, essentielles. Un cerveau saturé élimine les connexions les moins utilisées, donc peut éliminer les connexions cérébrales essentielles ». Le jeune enfant doit apprendre en évoluant dans le monde réel, avec l’attention et l’affection de ses parents. Pas avec un écran.

 

♦ lire aussi : La parole de parents de jeunes addicts aux jeux vidéo

 

La solution : sevrage et nouvelles habitudes 

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les écrans peuvent induire retard du langage, agitation, difficultés de communication, intolérance à la frustration, maladresse… @Pixabay

La bonne nouvelle, c’est qu’aucun de ces troubles n’est irréversible. Y remédier passe par l’éducation de parents qui pensent parfois que la tablette est un objet très éducatif ou qui admirent la dextérité de leur progéniture avec le téléphone. « Cela relève du sevrage, ce n’est pas toujours facile mais au bout de dix jours, l’agressivité diminue déjà », souligne le médecin.

La moins bonne, c’est que ce phénomène étant relativement récent, certains médecins peuvent soupçonner un trouble de l’autisme ou de l’hyperactivité et s’orienter vers un mauvais diagnostic. « En cas de doute, il faut tenter un sevrage pendant 3 mois pour vérifier si le comportement est impacté », préconise Anne-Lise Ducanda.

 

♦ lire aussi : Pourquoi les géants du web nous veulent accros aux écrans

 

À quand une campagne de prévention massive ?

Pour les moins de 2 ans, c'est zéro écran ! 3En 2017, cette lanceuse d’alerte a tourné une vidéo de mise en garde, qui a fait le buzz et déjà enregistré plus de 400 000 vues. Malgré tout, aucun plan national de prévention ou de lutte contre la surexposition aux écrans n’a encore été élaboré. « Il faut une campagne de prévention massive, enjoint-elle. De même envergure que pour les gestes barrières contre le Covid ou les 5 fruits et légumes par jour ! » Et de souligner encore l’importance de former tous les personnels travaillant au contact des tout-petits, des soignants aux assistantes sociales en passant par les structures d’accueil. D’apposer une mise en garde sur tous les écrans neufs.
L’ouvrage s’ouvre sur cette phrase : « Quand un écran s’allume, un enfant s’éteint » et se termine sur cette autre : « Quand un écran s’éteint, un enfant s’éveille ». Tout y est dit. ♦

*Les tout-petits face aux écrans, par le Dr Anne-Lise Ducanda. Ed du Rocher, août 2021. 18,90 euros

 

* Le FRAC Provence accompagne la rubrique société et vous offre la lecture de cet article *

 

Bonus

[pour les abonnés] – Le Collectif surexposition écrans – Les méfaits de la surexposition le matin avant l’école –

  • Le Collectif surexposition écrans. Le Dr Anne-Lise Ducanda est membre fondateur du CoSE, le Collectif surexposition écrans. On trouve à ses côtés des praticiens de terrain : pédiatres, pédopsychiatres, neuropédiatres, psychologues, orthophonistes, enseignants. Son objectif principal : que la surexposition aux écrans des enfants soit reconnue comme un enjeu majeur de santé publique (pour appuyer la démarche, la signature de la charte est proposée sur le site). Le site comporte notamment une partie destinée aux parents, où trouver des conseils, des témoignages et des articles de presse.

 

  • Les méfaits de la surexposition le matin avant l’école. Une étude à laquelle l’Inserm a participé a montré que les enfants qui étaient exposés aux écrans le matin avant l’école, et qui discutaient rarement ou jamais du contenu de ces écrans avec leurs parents, étaient environ six fois plus à risque de développer des troubles primaires du langage que les enfants qui n’avaient aucune de ces deux caractéristiques.