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Quand le sport aide à mieux recruter

Par Olivier Martocq, le 2 décembre 2019

Journaliste

JO de 2024 à Paris et Marseille obligent, un nouveau concept essaime en France : le « job dating sur stade ». Le slogan « Du sport vers l’emploi, ensemble ! » accompagne les manifestations qui se multiplient depuis le coup d’envoi donné en février dernier, à Liévin. Et résume parfaitement la volonté des organisateurs de la Fédération française d’athlétisme et de Pôle emploi. Reste à savoir s’il s’agit d’un nouveau gadget de com’ ou d’un mode de recrutement efficace pour sortir des CV et des entretiens formatés, qui plombent les chances des jeunes des quartiers sensibles à la recherche d’un premier emploi !

 

Le choix du stade Delort, mitoyen du prestigieux Vélodrome et donc situé au cœur des arrondissements cossus du Sud de Marseille, a de quoi interpeller vue la thématique du projet. À savoir une approche différente des jeunes des quartiers sensibles pour les aider à décrocher un premier emploi. « Vous avez une vision déformée et caricaturale de la réalité ». Élisabeth Moreau, la directrice de l’agence pôle emploi de Pont-de-Vivaux sait de quoi elle parle puisqu’elle enregistre plus de 12 000 demandeurs d’emplois dans son secteur : « Il y a des cités difficiles dans cette partie de la ville aussi ».

Quand le sport sert le recrutement

Dont acte ! Sur le côté gadget de cette manifestation, Delphine Leignel, directrice régionale de Synergie, entreprise spécialisée dans le recrutement et le travail temporaire, partenaire de la journée, ne se démonte pas plus : « Ce n’est pas un gadget de plus ! Cela permet de mettre l’accent sur des valeurs et la personnalité du demandeur d’emploi. Les épreuves ne sont pas qualificatives en quoi que ce soit. Les chronos n’ont pas d’objet, si ce n’est de permettre d’analyser les attitudes de chacun dans ces groupes de douze ».

 

Recruteur ou chômeur, impossible de faire la différence sur la piste

Quand le sport aide à mieux recruterSur la piste, des femmes et des hommes tous revêtus du même tee-shirt participent à des épreuves d’athlétisme. Sprints, démarrages sur quelques mètres, courses plus longues, lancer de poids… L’ambiance est conviviale et je choisis au hasard une jeune fille pour savoir ce qu’elle attend de cette journée et le genre d’emploi qu’elle vise. Éclat de rire ! Elle fait partie de la quinzaine de recruteurs venus étudier le comportement des cent et quelques jeunes sélectionnés par pôle emploi – 93 ont répondu à l’invitation, un ratio excellent selon les organisateurs – en vue de recruter ceux qui pourraient correspondre aux profils qu’ils recherchent. Des profils variés puisqu’il y a là des banques, des sociétés de la grande distribution, du BTP…  Cécilia, elle, travaille pour la Ligue de l’Enseignement. Elle est à la recherche d’animateurs pour gérer le temps périscolaire dans des écoles de Marseille. Danseuse professionnelle, habituée des salles de sport, elle est dans son élément. « Je me suis fondue dans le groupe et j’ai repéré ceux qui sont en hyper compétition. Qui sont là pour gagner. Pour qui la gagne est la seule chose qui compte. Ceux-là ne m’intéressent pas, parce qu’être trop devant c’est ne pas laisser de place aux autres. On peut être un leader négatif » ! « Un autre recruteur cherchera le profil exactement inverse », me souffle Élisabeth Moreau. « Les entreprises s’ouvrent de plus en plus au recrutement favorisant une approche par les compétences et permettant de repérer les savoir-être de leurs futurs collaborateurs. Une initiative comme celle-ci permet aux candidats de dépasser l’étape du CV et de mettre en lumière autrement les qualités recherchées par les recruteurs ».

Seconde pioche au hasard parmi les participants. Cette fois, c’est bien un demandeur d’emploi. Tony a 23 ans et m’avoue qu’il essaie depuis le début des épreuves de repérer le cadre de Décathlon, enseigne qu’il aimerait rejoindre. Il n’y est pas parvenu. Dans l’après-midi, lors de la phase plus classique des entretiens individuels, en costume-cravate cette fois, il saura qui était qui et si son attitude à convaincu. Je l’ai repéré car il est de ceux qui se sont précipités quand une jeune fille a chuté lourdement au cours d’une épreuve. Réflexe instantané pour trois personnes du groupe seulement. Les autres, manifestement en état de sidération, ont mis du temps à réagir. Cet incident, qui n’était pas au programme, a aussi permis de voir ceux qui prenaient l’initiative comme la mise en position latérale de sécurité de la victime avant l’arrivée d’un des secouristes présents en bord de piste. Plus de peur que de mal, malgré un choc violent à la tête.

 

Le label « Terres de Jeux »

Quand le sport aide à mieux recruter 2Les ateliers ont été encadrés et animés par des entraîneurs de la SCO Sainte Marguerite (Société culturelle omnisport), réputés pour l’organisation, entre autres, de Marseille-Cassis. Chaque épreuve était conçue de façon à mettre en valeur différents savoir-être, parmi les plus recherchés dans les métiers proposés sur place par les entreprises : « esprit d’équipe, leadership, capacité d’adaptation, écoute de l’autre, respect des consignes, persévérance, rigueur, gestion du stress, sens du dépassement, intégration dans une réflexion et un effort collectif », détaille Claude Ravel, son président. Ce type de rendez-vous est labellisé depuis la fin octobre par le programme « Héritage des Jeux Paris 2024 ». « Nous sommes la première fédération à l’intégrer », se félicite André Giraud, président de la Fédération Française d’Athlétisme (FFA). « Ce dispositif permet de rappeler que le sport véhicule des valeurs qui vont bien au-delà du terrain sportif. Que l’athlétisme joue un rôle social ». Au-delà des mots et des slogans, l’épreuve des faits semble valider le concept. 73% des participants au Job Dating du stade Delort ont décroché un entretien d’embauche ! ♦