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Réchauffement climatique : la génétique alliée de la viticulture

Par Olivier Martocq, le 8 février 2019

Journaliste

@cedric skrzypczak-civp

2017 restera dans la mémoire des vignerons de la région. Pas une goutte d’eau durant six mois et la canicule dès juin. Pour sauver la récolte il a fallu vendanger à la mi-août. Une première dans l’histoire de la viticulture régionale. Face à ce bouleversement, la profession change ses méthodes de culture et des ingénieurs agronomes se tournent vers la génétique pour sauver l’AOC de Provence qui produit à 90% du rosé.

 

« L’agriculture est directement menacée par le réchauffement climatique et les bouleversements ont déjà commencé ». Nathalie Ollat est chercheuse à l’INRA. Elle est venue plancher mi-janvier devant les viticulteurs de la région dans le cadre des Rencontres internationales du rosé. Moins de pluie, des températures plus élevées : la vigne souffre et les ingénieurs agronomes tentent d’adapter le vignoble provençal aux nouvelles conditions climatiques.

 

La voie des mutations génétiques

Réchauffement climatique : comment les viticulteurs provençaux s’adaptent 5« La vigne est une plante greffée. Nous travaillons sur son système racinaire, ce qui s’appelle le porte-greffe ». L’objectif est double : conserver le cépage d’origine tout en le faisant muter grâce à des greffons qui existent déjà mais ne sont pas encore cultivés en France. Des ceps qui se sont adaptés à la sécheresse mais ont acquis aussi une maturité plus lente ce qui permettrait de revenir à des vendanges en septembre et octobre.

« On fait tout pour conserver les cépages traditionnels en les adaptant aux nouvelles conditions climatiques. On peut aussi proposer d’introduire en Provence de nouveaux cépages originaires du sud et donc déjà adaptés. Ou encore créer de nouveaux porte-greffes par voie génétique répondant aux nouvelles données climatiques ». Un programme a été lancé en 2012 autour de cette thématique, associant aujourd’hui plus de vingt laboratoires.

 

Le retour à une culture raisonnée
Réchauffement climatique : comment les viticulteurs provençaux s’adaptent 1
@Baptiste Le Quigniou

Le domaine de la Fouquette produit du rosé de Provence depuis trois générations. Jean-Pierre Dazianno qui l’exploite aujourd’hui peut d’autant mieux constater le changement climatique, que son grand-père et son père tenaient des livres de chais très détaillés. La météo étant un des paramètres des « écrits de la cave ».

« Sur les trente dernières années, la récolte a avancé d’un mois, alors que durant des siècles les dates des vendanges n’ont pas bougé ». Pour les viticulteurs ce n’est pas la date qui pose problème, mais la structuration du raisin. « Tout devient plus compliqué car il faut maintenir l’équilibre entre l’acide et le sucre du raisin ». Lancé dans le bio depuis dix ans, Jean-Pierre Dazianno accélère la mutation de son exploitation en revenant par exemple à l’enherbement, qui apporte de l’azote et permet de stocker le carbone dans le sol. « Désormais, on stocke l’eau en hiver pour la restituer en partie à la vigne en été. C’est une pratique totalement nouvelle ».

 

Un enjeu vital pour une filière de 20 000 emplois
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Jean-Jacques Bréban @CIVP

« L’homme, quand il veut, il peut ! », Jean-Jacques Bréban, le président du Conseil interprofessionnel des Vins de Provence, l’organisme qui chapeaute la profession, se veut optimiste. Des 27 000 hectares plantés en vignes dans la région, 10 000 sont passés en mode de culture raisonnée. C’est considérable pour un secteur, la viticulture, considéré comme un des plus gourmand en produits phytosanitaires.

Sans enlever le moindre mérite aux vignerons du terroir, il faut quand même préciser que la sécheresse et le mistral limitent naturellement les champignons et insectes qui s’attaquent à la vigne. « Depuis 10 ans, à travers le Centre de recherche du rosé, on travaille sur ces problématiques et on se retrouve en phase avec le consommateur qui veut moins de pesticides ». Le négociant en vin rappelle le poids économique que représente désormais le Rosé de Provence : il occupe 90% de la surface du vignoble régional et représente 42% des rosés AOC français.

Et de conclure : « Il y a 15 ans, les chefs et les sommeliers me parlaient de mon petit vin d’apéritif. Aujourd’hui, il est présent sur la carte de tous les étoilés de France. Ça veut dire qu’en plus de la révolution sur la façon de cultiver nos vignes, on a gagné le pari de la qualité. » 

 

La rubrique alimentation est soutenue par le Fonds Epicurien

 

Bonus
  • Réchauffement climatique : comment les viticulteurs provençaux s’adaptent 4Non, le vin rosé n’est pas un mélange de raisins blancs et rouges !

Un verre de vin sur trois consommé en France est du rosé et ce n’est pas seulement le vin tendance du XXIème siècle. Quand les Grecs ont planté les premières vignes en Provence, il y a 2 600 ans, le vin qu’ils produisaient était déjà rosé ! En effet, les techniques de vinification étaient différentes. La méthode de macération des raisins rouges, qui donne la couleur aux vins rouges, était inconnue ou très peu pratiquée. Les vins de raisins rouges étaient donc rosés. Et donc le rosé est élaboré à base de raisins rouges.

  • Quelques données économiques

27 000 hectares de vignes ; 486 exploitations particulières ; 61 caves coopératives ; 5 000 emplois directs ; 20 000 pour l’ensemble de la filière ; 1/4 des surfaces cultivées en bio ou en raisonné soit 65% en plus sur 6 ans ;155 millions de bouteilles AOC chaque année (une sur trois est vendue à l’export).

 

  • Le vin pour les nuls en 6 cépages de Provence

Le Grenache : Originaire d’Espagne, il résiste bien au vent violent et à la sécheresse. Il apporte gras, ampleur et puissance aux vins, arômes de petits fruits rouges et de notes épicées.

Le Cinsault : D’origine provençale a longtemps été utilisé comme raisin de table. Il apporte au vin fraîcheur, finesse et fruité, nuançant la puissance d’autres cépages.

La Syrah : Raisin constitué de petites baies noires aux reflets bleutés, avec une peau fine mais assez résistante. Donne des vins riches en tanins avec des notes caractéristiques de vanille, de havane et de fruits rouges confits.

Le Mourvèdre : Ce cépage a une maturation lente, implanté depuis très longtemps en Provence, il donne des vins charpentés aux tanins fins et bien affirmés. Arômes de violette et de mûre accompagnés de notes caractéristiques d’épices, de poivre et de cannelle. Le Mourvèdre est souvent associé au Grenache et à la Syrah.

Le Tibouren : Il est un authentique provençal. On ne le trouve nulle part ailleurs que dans le Var. Il est idéal pour les rosés auxquels il offre de la finesse au palais et de la richesse au bouquet. Il est le partenaire privilégié des autres cépages provençaux.

Le Carignan : adapté aux sols pauvres, bien implanté dans le sud de la France, il a besoin d’être cultivé en coteaux avec de faibles rendements. Vins charpentés, généreux et colorés qui constituent une excellente base d’assemblage. Vinifié seul, il délivre des arômes de cerise, framboise, pruneau.