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Remettre sur des rails les 18-30 ans ayant eu un cancer

Par Nathania Cahen, le 25 avril 2023

Journaliste

« À un jeune en chimio, personne ne demande ce qu’il veut faire plus tard » ©Pixabay

Présente dans une vingtaine d’hôpitaux disséminés dans toute la France, l’association « 20Ans 1Projet » aide les 18-30 ans passés par un cancer à se réinsérer dans les études ou la vie professionnelle. Elle a déjà accompagné et redonné confiance à quelque 400 jeunes éprouvés par la maladie.

 

Alors qu’elle est bénévole dans l’association Le Petit Prince, une évidence s’impose à Bénédicte Wolfrom : « Je réalise qu’en France, beaucoup est fait pour les jeunes enfants hospitalisés, mais nettement moins pour les 18-30 ans et leurs problématiques. Pourtant ils sont quelque 2700 de cette catégorie d’âge à contracter un cancer chaque année. Dans le cas d’une hospitalisation longue, pour un cancer par exemple, comment envisager le retour au quotidien ? Comment se réinsérer dans un parcours d’études ou de formation ? » Elle poursuit : « À un jeune en chimio, personne ne demande ce qu’il veut faire plus tard. J’ai été frappée par leur isolement, l’impasse faite sur leurs envies et projets ».

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Bénédicte Wolfrom a fondé l’association 20Ans 1Projet ©DR

Le déclic se fait en 2014 à Lyon, au Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard. D’une discussion à l’autre avec médecins, psychologues ou infirmières, le principe d’accompagner cette population mûrit et s’impose, pour devenir 20Ans 1Projet.

Elle est bien sûr référencée dans toutes les unités AJA (ados et jeunes adultes – lire bonus) de l’Hexagone – « un étage entier à l’Institut Curie ».

 

Un signalement des équipes soignantes

« On ne prospecte pas, on ne cherche pas les jeunes », précise d’emblée Bénédicte Wolfrom. Le personnel hospitalier les connaît, les rencontre, les questionne… et éventuellement les recommande. « Quand un jeune semble exprimer un besoin, on nous le signale, confirme la présidente de 20Ans 1Projet. Nous nous occupons avant tout de ceux qui veulent se projeter, mais ne savent comment faire – ils n’ont pas de réseau, pas d’argent, une famille absente ou dépassée, doivent s’organiser… Dès lors que nous pensons pouvoir aider, nous intervenons – par contre en psychologie et décrochage scolaire, nous ne sommes pas compétents… ».

Une fois l’association sollicitée, que se passe-t-il ? Le jeune va être suivi autant que de besoin pour l’aider à restaurer sa confiance en lui, à faire le point sur ses compétences, repenser son futur à la lumière de sa maladie et d’éventuelles séquelles, trouver des voies, identifier ses talents… Puis si possible s’inscrire dans un cursus, ou décrocher un stage, une alternance. Pour le mobiliser et le responsabiliser au mieux, le jeune est invité à signer une charte comprenant des engagements. « Mais nous ne lui posons jamais de question sur sa maladie et il n’y a pas d’obligation de résultat ».

 

♦ Lire aussi : Un appart’ pour les ados suivis à l’hôpital

 

Des coachs professionnels rémunérés et rompus à ce public

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Hugo voulait d’abord faire une prépa, puis a choisi de devenir ébéniste © 20Ans 1Projet

Depuis 2015, plus de 400 jeunes ont déjà pu bénéficier de ce soutien. C’était un petit nombre au départ, une centaine aujourd’hui chaque année, avec toujours davantage d’hôpitaux partenaires – récemment Cochin et Necker, bientôt Besançon et Strasbourg (consulter la carte). Une majorité est issue de milieux défavorisés à très défavorisés. 90% ont été coachés par des professionnels rémunérés, lors de séances personnalisées. Ces coachs sont diplômés, triés sur le volet et habitués à travailler avec des jeunes. Ils vont les aider à y voir plus clair dans leurs envies et les possibilités qui s’offrent à eux. À rédiger CV et lettres de motivation. Se préparer aux examens ou entretiens. Naviguer sur Parcours sup et optimiser les choix (grâce à deux coachs pointus sur le sujet). Exceptionnellement, l’association peut aussi financer les études, en accord avec l’assistante sociale de l’hôpital, notamment quand un cursus dans le privé s’avère une meilleure solution.

Concernant les stages et alternances, les rencontres avec des professionnels, un carnet d’adresses replet reste le meilleur outil. « J’utilise beaucoup mon réseau perso, convient Bénédicte Wolfrom. Les réseaux sociaux, LinkedIn notamment, des fondations d’entreprise partenaires comme Safran, Sisley… De nombreuses entreprises sont heureuses d’offrir des stages ou de participer à des rencontres professionnelles plutôt que donner de l’argent ». Elle se remémore le cheminement d’Hugo qui voulait faire une prépa. Puis il a réinterrogé ses envies pour finalement se projeter comme horloger ou ébéniste. « Nous avons organisé une visite à Morteau, ville d’horlogerie, puis chez un ébéniste. Il a choisi cette deuxième voie et a fait de l’ébénisterie son métier ».

 

♦ À Marseille et Paris, deux jeunes ont besoin d’un stage ou d’une alternance. Vous les aidez ? Vous pouvez aussi faire un don.

 

Le cheminement de Marie

Atteinte d’un lymphome en 2021, Marie est soignée à l’hôpital Bérard, à Lyon. Elle est certes diplômée d’un master français langues étrangères, mais finalement n’a pas vraiment envie d’enseigner. Vendeuse avant le confinement, puis chargée d’accueil dans un Ehpad… elle est un peu perdue. « Je n’avais pas d’idée pour la suite, confirme la jeune femme. Mais pendant ma cure, une infirmière m’a parlé d’une association qui pourrait m’aider. J’étais soulagée d’avoir un coup de main ! ». Avec sa coach Capucine, au fil d’une poignée de séances, elle va échanger, faire le point sur ses attentes, ses compétences, sa personnalité. Effectuer des tests pour cerner ses atouts, les valeurs auxquelles elle est attachée, ce qui l’anime… Ce qui en ressort ? « Le besoin de donner du sens à ce que je fais, d’aider les autres et l’envie de vivre en Provence ».

Grâce aux réseaux 20ans 1projet, elle a trouvé en septembre 2022 un petit boulot à Radio Maria, à Toulon. « Je m’occupe de la base de données et du suivi des campagnes d’appel à dons. Je m’entretiens avec des personnes seules, souvent âgées, cela a du sens. Certes, ce n’est pas le job de ma vie, reconnaît-elle. Mais il y a beaucoup de positif. Je vois ce travail comme un tremplin et le retour à l’indépendance. »

 

♦ (re)lire : Sonia fait la clown à l’hôpital

 

Des fondations d’entreprise et des événements ressources

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Ewan, en stage chez Sisley © 20Ans 1Projet

L’association est financée à 85% par une dizaine de fondations d’entreprise partenaires (le ticket moyen se situe entre 20 000 et 30 000 euros). Des événements caritatifs, culturels ou sportifs permettent d’abonder les 15% restants. « Je fonctionne comme une entreprise. Quand j’ai un besoin, je trouve une solution. Avec un modèle joyeux, qui va de l’avant », confie encore cette fan de Michelle Obama. Comme elle juge important que le contact avec le coach se fasse si possible physiquement et hors milieu hospitalier, son association prend en charge les taxis et repas.

Si 20Ans 1Projet a toujours œuvré jusqu’à aujourd’hui pour les jeunes ayant contracté un cancer, elle pourrait bientôt s’ouvrir à celles et ceux qui vivent avec des maladies orphelines. L’Institut des maladies génétiques Imagine (hôpital Necker) l’a en effet sollicitée dans ce sens. « Mais qui dit plus d’hôpitaux dans notre giron dit plus de fonds », pointe Bénédicte Wolfrom. Ce qui n’est pas pour faire peur à celle qui en 2022 a reçu le prix coup de cœur de la Femme d’Influence. ♦

 

* L’AP-HM, Assistance publique des hôpitaux de Marseille, parraine la rubrique santé et vous offre la lecture de cet article *

 

Bonus

[pour les abonnés] – GO AJA – Le SIREDO, centre dédié aux cancers des moins de 25 ans-

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