Fermer

Retrouver travail et fierté grâce aux monuments historiques

Par Nathania Cahen, le 2 avril 2019

Journaliste

Photo Acta Vista

Unique en son genre, Acta Vista favorise la réinsertion des chercheurs d’emploi en leur confiant la rénovation de monuments prestigieux – des forts, des châteaux, des abbayes…. Plus de 5 000 personnes ont déjà participé à ces chantiers patrimoniaux et 90% en repartent avec une qualification ou un emploi pour rebondir. Si les difficultés n’ont pas manqué, l’association marseillaise a aujourd’hui fait ses preuves et étend ses compétences au reste de la France.

 

Retrouver travail et fierté grâce aux monuments historiques 3
L’abbaye de Montmajour, un chantier récent.

Depuis les débuts d’Acta Vista, 5 000 personnes ont été amenées à travailler sur une trentaine de projets de rénovation, d’envergure très variée – Fort Ganteaume et d’Entrecasteaux (2 000 « recrutements » pour ce seul site), Hôpital Caroline à Marseille, église Saint-Nicolas à Marignane, Jardins de la Tour à Castellane dans les Alpes de Haute-Provence, batterie de la Cride à Sanary-sur-Mer… L’an passé, 524 « visages » nouveaux se sont disséminés sur les sites, adressés par les Missions locales, Pôle Emploi, les départements ou des associations… En moyenne, neuf sur dix repartent avec un diplôme ou une qualification et les deux tiers transforment l’essai en décrochant un emploi ou une formation complémentaire. Plus de dix formations sont assurées, d’agent d’entretien à zingueur, sans oublier « poseur d’avenir », pour la pose de panneaux photovoltaïques. Révélée au public dans le documentaire de Philippe Pujol, « Ils ont tué mon fils », Souada Berrouag a par exemple obtenu un CDI dans un centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie, après un parcours de 18 mois chez Acta Vista.

« Il est important de souligner que nous ne prenons pas la place des entreprises car nous opérons sur des sites pour lesquels nous créons un projet social et générons des financements qui n’existaient pas au préalable. Bien au contraire ! », insiste Vincent Nicollet, le directeur général. Le groupe offre des opportunités de chantier et représente même aujourd’hui un vivier de recrutement pour une soixantaine d’entreprises partenaires. En 2018, son volume d’activité s’est élevé à 7 millions d’euros.

En vidéo, le chantier du château de Port-Miou, à côté de Marseille.

 

Avoir dans les mains quelque chose de beau

Retrouver travail et fierté grâce aux monuments historiques 2
@Acta Vista

Avec Acta Vista, les chantiers d’insertion par le travail sont qualifiants. La formation est dispensée en situation, avec des professionnels, bien loin du modèle salle de classe. « Nous partons de la conviction que pour un public en difficulté, qui a été malmené dans le monde du travail, avoir dans les mains quelque chose de bien, de beau, est extrêmement valorisant. Cela réactive la fierté, redonne confiance. Et quoi de plus prestigieux que les monuments historiques », argumente Vincent Nicollet. Le plus difficile, au début surtout, a été d’obtenir la confiance des propriétaires des bâtiments historiques concernés. Le premier chantier a été le fort d’Entrecasteaux, propriété du ministère de la Défense avant de passer dans le giron de la Ville de Marseille. C’est du reste là qu’Acta Vista est hébergé depuis. « Mais il a d’abord fallu démontrer à la DRAC Paca – Direction régionale des affaires culturelles- et à l’architecte des Bâtiments de France, ce dont nous étions capables. Pour les chantiers suivants, c’était déjà plus simple ».

 

Adossés au groupe SOS

Retrouver travail et fierté grâce aux monuments historiques 4
@Acta Vista

L’exclusion a un coût monumental, à la fois humain et économique, et l’impact des entrepreneurs sociaux est quantifiable : dans le cas d’Acta Vista, chaque embauche se traduit en deux ans par un gain direct pour la collectivité de 7 000 à 10 000 euros (compte tenu des coûts évités et des taxes payées par l’association). « Le législateur doit prendre des mesures clés pour développer des modèles socialement et économiquement vertueux, à travers une forme de Social Business Act : une politique d’investissements ambitieuse, une généralisation des clauses sociales dans les marchés publics et d’autres incitations, telles une TVA à taux préférentiel pour les prestations commandées à des entreprises sociales, préconise Vincent Nicollet. Nous rêvons tous de voir l’ensemble des pouvoirs publics soutenir massivement l’entrepreneuriat social ».

Si les clignotants sont désormais au vert, il y a cependant eu des périodes difficiles. Ainsi, en 2011 et 2015, des financements ont été remis en cause. « Nous nous sommes alors adossés au groupe d’entreprenariat social Groupe SOS : cela nous a permis de retrouver l’équilibre et de construire un modèle économique solide ». Ce dernier repose sur un mix de subventions publiques (la moitié du budget est abondé par l’État et le Département) et d’aides émanant d’une quinzaine de fondations d’entreprises, pour les volets social et patrimonial du projet.

 

Autres challenges : essaimer et animer

Retrouver travail et fierté grâce aux monuments historiques 5
@Acta Vista

Depuis trois ans, le cap de l’essaimage a été franchi. Le premier chantier hors Provence, a été le Château de la Morinière, dans la Loire, à 20 km de Chambord. Le Fort de Feyzin, à Lyon, a suivi. Et un premier chantier en Ile-de-France pourrait être signé d’ici la fin de l’année. « Notre outil, efficace socialement et viable économiquement, nous permet une émancipation géographique », se félicite Vincent Nicollet.

Au-delà de l’emploi, ce projet veut s’incarner dans une aventure humaine et partagée. Avec l’envie que ces différents sites deviennent de véritables outils d’animation sociale, culturelle ou économique. Le projet « Citadelle », qui prend forme au fort d’Entrecasteaux, à Marseille, découle de cet esprit. Cette place historique de 5 hectares, dont un quart restauré, a tout du laboratoire idéal. L’idée est d’ouvrir le chantier au public qui pourra en suivre les avancées, découvrir les savoir-faire de la restauration du bâti et des jardins. Devraient s’y greffer un parcours artistique fait d’oeuvres d’art monumentales, y compris numériques, un village comme un écosystème impliquant des acteurs locaux mais aussi nationaux, avec différentes thématiques (sur le patrimoine des spiritueux par exemple, avec une cave de fabrication du rhum). L’équipe en place se réjouit : « Ce site est très grand et coûteux. Citadelle permettra de transformer une contrainte en objet d’ouverture ». Rendez-vous en 2021 ! ♦

 

Bonus

  • Le parcours de Vincent Nicollet, 36 ans : « Je suis entré à Acta Vista voilà quatre ans, Retrouver travail et fierté grâce aux monuments historiques 1comme adjoint du directeur puis directeur général. J’ai été séduit par l’ADN de ce projet après un parcours atypique – École Supérieure de Commerce de Paris, conseiller en stratégie financière, acteur dans le monde de la PME sociale avant de me tourner vers l’insertion par l’activité économique. Après avoir fait du bénévolat, auprès de sans-abri notamment, j’ai pris conscience que mes compétences pouvaient être utiles à un public en difficulté et me suis rapproché du Groupe SOS. »

 

  • En 2018, Acta Vista a été, avec Yes We camp, le duo d’entreprises de la région labellisé Pionniers French Impact, un projet visant à soutenir entre 10 et 15 entreprises de l’ESS dans leur phase de changement d’échelle. Une initiative du Haut-Commissariat à l’Économie sociale et solidaire (ESS) et à l’innovation sociale