Environnement

Par Zoé Charef, le 29 avril 2024

Journaliste

Collecte et revalorisation des biodéchets : des formations existent !

Les sites de compostage citoyens dans les villes, c'est possible ! ©Les Épigées

Les biodéchets, regroupant principalement les déchets alimentaires (restes de cuisine et de repas, produits périmés non consommés…) et les déchets dits « verts » (feuilles mortes, pelouse tondue…) représentent encore un tiers des déchets non triés des Français. La coopérative savoyarde Les Épigées propose des formations à la gestion des biodéchets pour les professionnels et les particuliers. Dans le village de Dullin, rencontre avec une équipe passionnée et de futurs maîtres-composteurs motivés par la perspective de travailler à la valorisation des déchets du quotidien. Le tout à l’échelle locale ! 

« On compte en moyenne qu’un maître-composteur va installer 30 à 40 sites par an ou en suivre une centaine. Ou une hybridation des deux. Cela vous donne un ordre de grandeur de ce qu’on va exiger de vous dans votre travail », explique Romain Crochet, formateur chez Les Epigées. En ce vendredi matin ensoleillé, dans les alentours de Chambéry (Savoie), un groupe de cinq femmes et un homme est rassemblé dans une salle du Château Partagé. Ils sont là pour apprendre à développer des projets territoriaux de prévention et de gestion des biodéchets. Tout en profitant de la vue sur la campagne.

Devenir expert en compostage

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L’approche pédagogique des formations proposée par la Scop. ©Les Epigées

La Société coopérative et participative (Scop) Les Épigées, basée à Chambéry, est « engagée en faveur de la valorisation de la matière organique par la mise en œuvre de solutions locales et citoyennes », peut-on lire sur le site internet. Elle accompagne des collectivités, des professionnels et des habitants à la mise en place de sites de compostage dans des copropriétés, des quartiers ou des établissements communaux. 

En ce vendredi matin ensoleillé donc, les six présents, la cinquantaine en moyenne, suivent la formation de maître-composteur. Travaillant pour la plupart dans des collectivités territoriales ou des structures associées, leurs motivations se recoupent. « J’avais besoin de légitimité par rapport à mon boulot, confie l’une d’entre eux. Je travaille dans une collectivité de commune et suis la seule sur le dossier biodéchets. On me demande d’apporter des conseils à des professionnels et particuliers. C’était évident pour moi de suivre un apprentissage poussé sur le sujet. Pour être plus professionnelle. »

S’initier au jardinage au naturel et à l’utilisation de son compost

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Les formations au compostage, sur le terrain ! ©Les Epigées

Cette formation proposée par Les Épigées est certifiante et reconnue par France compétences pour « organiser et déployer des opérations de prévention et gestion de proximité des biodéchets sur le territoire. » Soit le degré le plus haut dans ce domaine.

Amélie Esmenjaud, gérante de la Scop, présente également les autres initiations à la fonction de guide composteur ou référent de site. « Pour les habitants bénévoles ou les agents d’établissements scolaires par exemple », précise-t-elle. Les particuliers peuvent aussi se former au jardinage au naturel, « à la création d’un jardin pédagogique ou encore à l’utilisation de son compost. Tout ce qui est issu de notre cuisine de table et des déchets verts du jardin, qu’on peut valoriser d’une manière ou d’une autre ! »

Lors de la pause-café, on évoque même l’humusation (à savoir l’utilisation des corps des défunts pour régénérer la terre) comme alternative plus écologique aux funérailles classiques… et comme solution de valorisation des biodéchets.

 

« Rendre au vivant toute sa place dans notre société »

Pour un autre stagiaire, cette formation maître-composteur marque un changement de vie : « L’objectif est de pouvoir me regarder dans la glace et me dire que j’aime ce que je fais. Donner du sens à tout ça, promouvoir la gestion des biodéchets, mais à proximité », renchérit-il.

Il y a treize ans, c’était l’idée même de plusieurs habitants de Chambéry, qui se sont mobilisés pour composter en ville. « Ils ont alors créé l’association Les Épigées et, avec le réseau national qui commençait à émerger en parallèle, ça a pris, raconte Amélie Esmenjaud. Autre chose importante : créer du lien entre les gens qui gèrent ces biodéchets de manière citoyenne, sans pollution. »

Celle qui a commencé à travailler dans l’association par intérêt personnel et pour « mener des actions localement, avec une vocation écologique et sociale » est ravie : « Ce que nous partageons correspond à mes valeurs. J’aime imaginer que notre structure permet d’insuffler un vent nouveau. Et apporte l’espoir de rendre au vivant toute sa place dans notre société. »

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L’équipe des Epigées au complet. La gérante Amélie Esmenjaud est au centre et le formateur Romain Crochet tout à droite. ©Les Epigées

Une nouvelle loi qui sonne comme un frein à l’élan social

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Les Épigées privilégient le travail de proximité et citoyen. ©Les Epigées

Les droits européen et français prennent eux aussi les enjeux de gestion et de récupération des biodéchets en considération. Le 10 février 2020, la loi française AGEC « anti gaspillage pour une économie circulaire » voyait le jour. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2024 pour suivre et généraliser le bon tri des biodéchets. Cette loi concerne les professionnels comme les particuliers. « Le Gouvernement accompagne les collectivités dans la mise en place de solutions à destination des citoyens, et rappelle aux professionnels leurs obligations », peut-on lire sur le site internet du ministère de la transition écologique.  

Mais Amélie Esmenjaud voit ce nouveau système comme un frein pour la Scop de neuf salariés. « Cette loi contraint et oblige les collectivités à mettre en place des solutions pour trier les biodéchets à la source. On voit apparaître beaucoup de collectes, mais elles sont faites en camion, donc polluantes, s’agace-t-elle. Et surtout, la matière récoltée est envoyée on ne sait où et on ne sait pourquoi. De notre côté, elle est gérée sur place, il y a un retour direct au sol. On fleurit par exemple les espaces verts de nos communes. Donc on attend un peu de voir les conséquences de cette nouveauté sur le long terme. » Les sites de compostage partagés et les poubelles communales de biodéchets sont ainsi amenés à cohabiter dans les mêmes espaces.

« Que votre projet vous serve de tremplin pour votre travail futur »

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Les futurs maîtres-composteurs en cours de formation ©ZC

Cependant, la motivation des stagiaires et des différents acteurs du réseau Les Épigées ne faiblit pas. La Scop est là pour répondre à un manquement. Malgré tout, cette nouvelle loi « nous oblige à nous diversifier, à évoluer. Nous avons amorcé de nouvelles choses, tout en gardant nos valeurs. Nous souhaitons par exemple davantage sensibiliser à l’importance des sols nourriciers », positive Amélie Esmenjaud, tout sourire.

C’est l’heure pour les stagiaires de retourner dans leur salle de classe, après une visite de sites de compostage à Chambéry pour « porter un regard critique sur ce qui est fait. » Ils doivent maintenant s’atteler à la rédaction d’un mémoire pratique sur la gestion locale des biodéchets. « Profitez-en pour que votre projet serve de tremplin pour votre travail futur, rappelle le formateur. Dans vos structures, vous serez amenés à travailler de cette manière une vingtaine de fois par an ! » Le stress monte. ♦ 

Bonus

  • Pourquoi « Les Épigées » ? L’épigé est une espèce de ver qui vit dans les premiers centimètres du sol. Il joue un rôle important dans la décomposition de la matière organique à la surface du sol. Avec une durée de vie relativement courte mais un taux de reproduction élevé, les épigés sont notamment utiles à la fabrication du lombri-compost. Par ailleurs, ils sont particulièrement efficaces dans la dégradation des matériaux organiques tendres et humides.