À Chambéry, l’association Art Ski Tech récupère des skis d’un autre temps pour créer du mobilier design et des structures architecturales. Bancs, tabourets, portemanteaux et dômes géodésiques, le mot d’ordre est de ne pas limiter sa création et d’ouvrir les yeux sur ce que nos déchets ont encore à nous offrir.
« 800 000 skis et snowboards sont fabriqués chaque année en France, explique Thomas Schamasch. Sur la même période, 500 000 skis et planches de glisse sont jetés. Or, on estime que la moitié est récupérable. » Cet ingénieur civil est impliqué dans les dynamiques d’économie solidaire et circulaire depuis plus de dix ans. En 2015, avec d’autres ingénieurs et artisans-commerçants, il décide de créer le collectif Géo des skis. Trois ans plus tard, l’association Art Ski Tech voit le jour. Son but est de réutiliser les skis destinés à la poubelle pour en faire du mobilier ou des structures architecturales. Et ainsi réduire l’impact de la pratique du ski.
Un engagement écologique et social
« Ski, bâtons, chaussures, casques… ce sont 2 500 tonnes de déchets par an. Prendre cela comme un symbole de l’industrie de la montagne et de la richesse contenue dans nos déchets, voilà ce qui nous anime », raconte Thomas. Ces skis aux composites difficilement recyclables méritent mieux que de finir broyés. L’association a donc décidé de les détourner pour les faire revivre… « et rendre visible à quel point on marche sur la tête avec ce niveau de consommation », souligne l’ingénieur.
Rapidement, les membres de l’association se rendent compte que l’enjeu n’est pas de récupérer des skis, mais de trouver comment les écouler. « Nous avons trois objectifs, énumère Thomas : détourner massivement les skis, alimenter l’économie sociale et solidaire et dénoncer les paradoxes de la montagne, ce calme blanc qui produit tant de déchets. »
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« Amener les gens à concevoir avec des déchets nous plaît beaucoup »
Pour ce faire, rien de plus simple selon les fondateurs : on peut en effet utiliser les skis pour créer du mobilier tels des bancs, tables, tabourets ou étagères. Carine, la quarantaine, a connu Art Ski Tech grâce à une collecte de skis que l’association organisait lors d’un festival de montagne à Grenoble. Avec sa fille de 11 ans, elle s’est rendue à l’un des ateliers que l’association proposait au grand public. « J’ai amené les skis de mes 14 ans et j’en ai fait deux maisons à oiseaux. Ma fille a fabriqué un portemanteau et des porte-clés, raconte-t-elle. Elle a adoré, c’était un challenge de bricoler. Je voulais justement lui montrer qu’une fille aussi peut faire ça, et pas que ses grands frères ! »
L’association travaille fréquemment avec des écoles, des foires et des collectivités (à Chambéry principalement). « On vient avec du matériel et des outils et on propose aux gens de fabriquer avec leurs petites mains. Il y a une importante dimension symbolique de système D et de réappropriation des savoir-faire, développe Thomas. Amener les gens à concevoir avec des déchets, ça nous plaît beaucoup. »
Augmenter le champ des possibles
Les sollicitations augmentant à vue d’œil, l’équipe Art Ski Tech a préféré créer une entreprise « au modèle économique davantage structuré. » La coopérative SkiTEC voit donc le jour en 2021. Elle permet la production, la location et la vente des structures architecturales comme les dômes géodésiques (ossature de bois de forme sphérique). « Le lien avec les acheteurs se fait à travers SkiTEC. Mais la dimension animation, sensibilisation et diffusion est maintenue grâce à l’association », présente Thomas.
Par exemple, un espace pluridisciplinaire comme La source au Grand-Bornand (Haute-Savoie) a loué un dôme à Art Ski Tech pour un événement estival. Yann Neilz, coordinateur d’événements au Grand-Bornand, se souvient avoir découvert l’association « en cherchant des acteurs du recyclage et des démarches écologiques liées à la montagne et à ses pratiques. On a également acheté des mange-debout, des tabourets et des tables pour enfants. Et on est en train de travailler avec eux sur la création de notre propre dôme géodésique. C’est vraiment un beau travail de récupération et d’ingénierie. » Le Grand-Bornand fait également appel au savoir-faire de l’équipe pour animer des ateliers de fabrication d’objets à La Source.
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Un produit de luxe qui se retrouve rapidement à la déchetterie
L’objectif des six membres fondateurs (et bénévoles) du collectif est d’atteindre les 100 000 skis recyclés par an à compter de 2025. Cela correspond à 20% du flux annuel de skis-déchets. « C’est assez amusant de se dire qu’on est sur un projet de luxe à l’achat, utilisé pour seulement deux ou trois ans sur les pistes avant d’atterrir dans une déchetterie, appuie Thomas. Alors qu’il est encore utilisable pour ses matériaux. On veut modifier la perception et la sensibilité à la richesse de nos poubelles. » Pour cela, l’équipe souhaite orienter davantage l’association vers une démarche plus militante écologiste.
Les locations, achats, partenariats avec les collectivités, le réseau France Active et l’agence Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises leur permettent de continuer d’exister, même si aucun membre n’est salarié. Le frein principal ? « Le temps et les finances, comme toujours, conclut-il. Parce que des idées, on en a plein. Par exemple d’installer des structures artistiques et utiles dans des sites à l’abandon. » ♦
Bonus
- D’autres associations un peu similaires existent déjà, tel NoK, qui réalise des skateboards et du mobilier à partir de snowboards défectueux.