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Le rugby à 5, un allié contre le cancer du sein

Par Agathe Perrier, le 26 octobre 2020

Journaliste

Avant, pendant et après un cancer, l’activité sportive est bénéfique pour traiter la maladie. Comme le rugby… à 5. Une variante sans contact ni plaquage de la traditionnelle discipline, physique malgré tout. Elle est pratiquée à Marseille par les RUBieS. En plein Octobre Rose, le mois de la campagne de sensibilisation au cancer du sein, l’occasion était trop belle d’aller voir ses membres taper dans le ballon.

Ce mardi soir d’octobre, une petite dizaine d’hommes et de femmes s’activent sur la pelouse du Rugby Club Stade Phocéen (11e arrondissement de Marseille). Ils sont d’ordinaire plus nombreux, « quatre groupes de cinq », me dit-on. Les vacances expliquent pour beaucoup les absences. Et peut-être aussi le froid qui s’installe doucement ? « Il y a toujours du monde, peu importe les conditions météo. Même quand il pleut », balaye Ludovic Chaix, le coach de l’équipe. Et d’ajouter non sans admiration : « L’état d’esprit des adhérents, on ne le retrouve pas forcément dans le rugby. Ces personnes sont investies, ne se plaignent pas. Ce sont des battants. Beaucoup devraient s’inspirer de leur comportement ». Le cadre est posé.

 

rubies-marseille-sport-santeAdapté, mais sport avant tout

Parmi les présents ce soir-là, et à chaque entraînement du mardi, des patientes atteintes ou ayant eu une pathologie cancéreuse, cancer du sein le plus souvent. Le but des RUBieS Marseille, section créée il y a 18 mois sur le modèle de l’association mère toulousaine (bonus), est de leur permettre de pratiquer le rugby à cinq, à n’importe quel moment de leur thérapie. Étonnant de prime abord, moins lorsque l’on se penche sur les règles. « C’est un rugby à toucher, sans contact. L’avantage de ce sport est qu’il fait travailler le cardio, car les joueurs trottinent, mais également le haut du corps. C’est très important pour retrouver sa mobilité naturelle après un cancer », explique Éric Lambaudie, à l’origine de cette initiative. Car les RUBieS Marseille sont nées d’une convention établie entre l’Institut Paoli Calmettes (IPC), centre marseillais de lutte contre le cancer (bonus), et le RC Stade Phocéen.

Même s’il s’agit d’une variante du rugby, l’activité physique reste bien réelle. « Je pensais que ce serait plus mémère », reconnaît en riant Marie-Gaëlle, rugby-woman depuis janvier 2020. « Ça permet de bouger sans s’en rendre compte. Mais souvent, le lendemain, on s’en rend bien compte ! ».

Le rugby ne lui faisait pas peur dès lors qu’il n’y avait pas de plaquage. Éviter les contacts est la règle numéro 1 des séances montées par le coach Chaix. Il les construit en gardant à l’esprit qu’il s’agit de sport santé et donc les adapte. « On ne peut pas tout leur demander bien sûr, comme faire de grandes courses. Mais ça cavale beaucoup néanmoins ». Pas de place pour les préjugés.

Un rôle clé dans le traitement du cancer

Pour Éric Lambaudie, l’important est de maintenir ou trouver une activité physique à pratiquer aussi bien avant, que pendant et après la thérapie. Et ce n’est pas le sportif qui le dit, mais le chirurgien de l’IPC. « L’activité sportive est bénéfique avant un geste chirurgical ou une chimiothérapie pour mieux affronter cette prise en charge. Ça diminue les effets secondaires et les potentielles conséquences. On voit vraiment la différence entre une personne préparée avant un acte chirurgical lourd et une qui ne l’est pas », pointe-t-il.

Mais guider les patientes vers un sport adapté n’entre pas encore dans la philosophie de tous les médecins. Une situation qui évolue doucement, en témoignent les ouvertures d’unités dédiées au sport dans les structures de santé. L’IPC a la sienne depuis juin 2019 dans le bâtiment IPC4. Cette salle de sport dédiée à la pratique d’activités physiques adaptées est ouverte à l’ensemble des patients de l’Institut, sur prescription médicale.

Le rugby à cinq fait en tout cas partie du MédicoSport-santé, le dictionnaire médical recensant les disciplines sportives adaptées, créé par la commission médicale du Comité national olympique et sportif français. C’est un sport complet (voir tableau ci-dessous) qui maintient ou améliore la force musculaire, l’endurance, l’équilibre, la concentration… S’agissant du cancer, il permet de réduire la fatigue et le risque de récidive (bonus). C’est de plus un sport collectif qui prévient de l’isolement social. « Une activité individuelle convient aussi parfaitement. Je suis conscient que le rugby ne convient pas forcément à tout le monde. L’important est que les patients choisissent un sport qui leur correspond », pointe Éric Lambaudie. Avec une cinquantaine de pratiques recensées dans le dictionnaire du sport adapté, nul doute qu’il en existe pour tous les goûts.

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Les bienfaits du rugby à 5 d’après le MédicoSport-santé, le dictionnaire médical recensant les disciplines sportives adaptées.
Esprit d’équipe

Tournée initialement vers les patientes ayant eu un cancer, l’association s’est depuis ouverte à d’autres types de patients. Ceux touchés par des maladies chroniques (obésité ou diabète par exemple) et d’autres dits « sédentaires », qui n’ont pas fait de sport depuis des années et souhaitent s’y remettre. À leurs côtés, et c’est une des particularités des RUBieS, évolue du personnel soignant. Pas pour les surveiller, mais bien pour taper le ballon avec eux. « Ça permet de faire tomber les barrières, de faciliter les liens et de se voir dans un contexte différent », souligne Éric Lambaudie.

À les voir courir et jouer ensemble sur le terrain, difficile de savoir qui est patient ou soignant. L’ambiance est bon enfant et conviviale. « Bienveillante », ajoute Marie-Gaëlle, qui vient exprès du centre-ville chaque mardi. « Lors de mon premier entraînement, je suis tombée dans de gros embouteillages. Je me suis dit « je ne reviendrai pas ». À la fin de la séance, j’avais totalement changé d’avis ». Une motivation que ni le froid, ni le vent, ni la pluie n’arrivent à ébranler. Des battants on vous dit ! ♦

* L’AP-HM parraine la rubrique santé et vous offre la lecture de cet article *

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Bonus 

  • Les RUBieS, de Toulouse – Le premier club Rugby Union Bien Être Santé (RUBieS) de France est né à Toulouse, à l’initiative d’un bon de commande national proposé par le service médical et la cellule recherche de la Fédération Française de Rugby (FFR), en octobre 2015. Le but : tester la pratique du « rugby à 5 santé » dans un cadre de prévention primaire (avec des sédentaires) et de prévention tertiaire (avec des patientes atteintes de cancers féminins). Des tests qui devaient permettre – et ont permis – à la FFR d’alimenter le MédicoSport-santé. L’association sportive RUBieS, affiliée à la FFR, a ensuite été créée en 2017 pour pérenniser l’action.
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  • Celles du reste de la France – Il existe aujourd’hui dix sections et deux clubs rugby santé soutenus par les RUBieS. Parmi eux, Les RUBieS Marseille, dont le premier entraînement a eu lieu en avril 2019. Il s’agit d’une section qui fait partie intégrante du Rugby Club Stade Phocéen, club de rugby du 11e arrondissement. Les financements de cette section sont donc les mêmes que ceux du club, à savoir des subventions, des partenaires privés, des mécènes comme l’IPC, partie prenante du projet RUBieS depuis le début, par l’intermédiaire d’associations comme « Espoir au sommet ». L’adhésion est prise en charge pour les patientes atteintes d’un cancer et venues via l’IPC. Elle est de 50 euros pour l’année pour les autres.
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  • L’histoire de l’Institut Paoli Calmettes (IPC) – Suite à un arrêté de novembre 1925, le « centre anticancéreux » de Marseille voit le jour. Il prend le nom d’Institut Paoli-Calmettes en 1974, en hommage au Professeur Jean Paoli (Directeur général de 1952 à 1970) et à Irène Calmettes (infirmière et surveillante générale engagée dans le traitement des cancers depuis 1927). L’IPC est un centre de Lutte Contre le Cancer, membre du groupe Unicancer. Il a pour mission la prévention et le dépistage du cancer, la prise en charge des patients au plan diagnostique et clinique, la recherche sur l’ensemble des aspects diagnostiques et thérapeutiques de la pathologie cancéreuse et l’enseignement et la formation continue en cancérologie.C’est l’un des centres de recherche et de traitement majeur en France pour les cancers du sein avec 2 555 nouvelles patientes prises en charge en 2018. L’IPC dispose également d’une plateforme dédiée au dépistage et au diagnostic des cancers du sein. Cette dernière a réalisé plus de 17 000 actes en 2018.
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  • Les effets de l’activité physique régulière sur les cancers –  Une activité physique régulière permettrait d’éviter 20% à 25% des cancers du sein, du côlon et de l’endomètre (utérus), indépendamment des autres facteurs de risque(expertise collective ANSES 2016). D’après le MédicoSport-santé : « Grâce aux avancées technologiques et aux progrès thérapeutiques, la survie relative à 5 ans après un cancer se situe actuellement à 50%, tous cancers confondus, mais la survie varie en fonction de la localisation du cancer : elle est de 90,5% pour le cancer de la prostate, 89,6% pour le cancer du sein et 59,8% pour le cancer du côlon, en France. Cependant, les personnes qui ont été atteintes de cancer présentent un état de santé dégradé par rapport au reste de la population, et cela même à distance du diagnostic et du traitement, en raison entre autres des effets secondaires des traitements reçus et de l’évolution de la maladie ». Plus de détails, en fonction du cancer, en cliquant ici (à partir de la page 8).