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Rue d’Aubagne, et après ? (3)

 

Quelles solutions, mesures ou aménagements imaginer pour éradiquer l’habitat insalubre et assainir le dossier du logement ? Pour restaurer le centre-ville marseillais sans le gentrifier ?

15 jours après ce drame humain effroyable et ses conséquences directes (les évacuations) sur une population fragilisée, Marcelle a sollicité l’avis d’experts : #1 une spécialiste de la data, #2 un militant associatif, #3 le sociologue Jean Viard, #4 un collectif de chercheurs en sciences sociales et #5, une haut-fonctionnaire de l’OPH parisien.

Autant de contributions et d’éclairages différents, édifiants et passionnants. Qui valent pour Marseille, comme pour n’importe quelle autre ville.

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#5  « À Paris, on s’est attaqués à 1 300 immeubles insalubres entre 2001 et 2004 »

Rue d'Aubagne, et après ? (3)Hélène Schwoerer, directrice générale adjointe de Paris Habitat Oph

« En 2001, j’étais conseillère technique au cabinet de l’adjoint chargé du logement de l’équipe de Bertrand Delanoë, tout juste élu maire (PS) de Paris. Dans son programme, la résorption de l’habitat insalubre et dangereux figurait en bonne place. De l’ère Tiberi, nous héritions de plus d’un millier d’immeubles insalubres.
Nous avons mis en place un outil central, confié à une société d’économie mixte (la SIEMP, aujourd’hui SPLA), une convention publique d’aménagement avec une dotation financière et des compétences bien définies dont le droit et d’expropriation, de la loi Vivien, mais aussi le suivi social (des plus pauvres, des plus fragiles…). Le tout encadré par des professionnels costauds, experts dans le juridique, l’urbanisme et le social. Et assorti d’une réflexion sur un parc intercalaire, à même d’accueillir des primo-arrivants ou encore des migrants dans une ville riche.

Le travail a commencé avec le recensement de toutes les propriétés dégradées. Au moyen de signalements des services techniques de l’hygiène et de l’habitat mais aussi de certains signaux comme les factures d’eau impayées. Puis on identifiait les ménages et on les relogeait – les attributions de logements sociaux de Paris avaient été entre autres priorisés à cet effet.

Dans le même temps, les liens avec la Préfecture de police ont été resserrés, à l’époque les services de l’État. On fixait conjointement des dates d’évacuation assorties de solutions d’hébergement, de relogement. Et on murait. On s’est ainsi attaqués à 1 300 immeubles insalubres entre 2001 et 2004.

Après les incendies qui ont dévasté des habitats insalubres et fait de nombreuses victimes en 2005, nous avons renforcé le dispositif avec la mise en place un observatoire des immeubles insalubres et des hôtels meublés, intégrant de nombreux indicateurs sociaux (profil des habitants, typologie financière, surconsommation d’eau qui indique soit des fuites conséquentes soit une suroccupation des appartements…). Une journée de travail par mois avec la Préfecture de police permettait de lister les expropriations, la mise en œuvre de la Loi Vivien, les plus urgentes. En veillant à ce que les propriétaires véreux ne relouent pas derrière. En entamant des recherches parfois fastidieuses pour retrouver les propriétaires, parfois des états d’Afrique de l’ouest et même une banque hollandaise.
Il a fallu une douzaine d’années pour éradiquer cet héritage de logements insalubres. C’est long mais faisable quand y met les moyens, à savoir plusieurs centaines de millions d’euros, des moyens humains et une politique de logements sociaux, de résidences sociales, pour contribuer au relogement des plus modestes.

Certains arrondissements de Paris sont plus touchés que d’autres, les 10e, 18e, 19e arrondissements par exemple, où l’on trouve du bâti « faubourien » qui avait été édifié pour les ouvriers avec des matériaux médiocres, mais qui s’inscrivent dans le patrimoine historique. Néanmoins, Paris ne compte pas un arrondissement sans ilot d’habitat insalubre. A chaque fois qu’à coût équivalent on a pu garder le bâtiment historique plutôt que reconstruire, on l’a fait. Finalement, les réhabilitations (dont certaines remarquables rue du Nord dans le 18e ou rue des Vignoles dans le 20e) et le neuf s’équilibrent. Plus de 6 000 familles ont été relogées, dans tout Paris, pour rééquilibrer la mixité sociale. Pas question de les envoyer à Bondy ou ailleurs, comme vingt ans plus tôt. »