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Santé : profiter des élections pour faire passer des messages

Par Olivier Martocq, le 27 mai 2022

Journaliste

Des soignants dévoués corps et âme ©Christophe Asso

La campagne officielle pour les élections législatives est désormais lancée. Partout en France des membres du collectif Santé en Danger interpellent les candidats. Ce mouvement qui regroupe des personnels soignants du public comme du privé fait des propositions concrètes pour sortir de la crise actuelle.

 

Lancé il y a deux ans par un médecin anesthésiste du nord de la France, le collectif Santé en Danger revendique aujourd’hui 140 000 adhérents. Ce mouvement est parvenu à décloisonner des professions qui, certes, travaillent pour le bien des patients mais ont un fonctionnement excessivement corporatiste. Les revendications des médecins ne sont pas celles des infirmiers. Elles-mêmes à des années-lumières de celles des aides-soignants. Vient s’y ajouter l’opposition public/libéral. L’unité créée face aux urgences sanitaires multiples qui frappent la France interpelle d’autant qu’elle s’accompagne de propositions concrètes contenues dans un livret édité spécifiquement pour ceux qui nous gouvernent.

 

Rencontre dans des bars

À Marseille comme dans de nombreuses villes de France, des adhérents – la plupart non politisés- interpellent les candidats en campagne. Le rendez-vous ce jour-là a été fixé dans un bar de la rue Paradis, dans la circonscription de Claire Pitollat, députée LREM sortante qui brigue un second mandat. Un lieu par définition neutre, même si des clients reconnaissent l’élue et viennent la saluer. Mais les deux médecins du collectif Santé en Danger ont préféré éviter la permanence de campagne. Ils vont d’ailleurs rencontrer ses adversaires dans les mêmes conditions.

Après avoir passé commande de trois Perrier rondelle -les protagonistes sont là pour travailler-, la discussion s’engage. Des deux côtés de la table, le ton est posé et les propos courtois. Ce qui n’empêche pas un débat extrêmement dur sur le fond.

 

Remontées du terrain

Santé : Profiter des élections pour faire passer des messages
L’ambulancier Christophe Combes et deux confrères ©DR

Saïd Ouichou, médecin libéral, a son cabinet dans les quartiers nord de la ville. Il évoque une situation catastrophique à la veille de l’été, allant jusqu’à prédire : « Il va y avoir des morts qui auraient pu être évitées ». Le médecin s’appuie sur les dernières remontées de terrain, notamment une note de Christophe Combes. Le porte-parole des ambulanciers du SMUR (qui ont obtenu début 2022, après vingt ans de combat, le statut de personnel de santé) y dresse la carte des 66 hôpitaux de France dont les urgences s’apprêtent à fermer. Ou le sont déjà.

Aix-en-Provence et Manosque en font partie. La cité phocéenne va, elle aussi, connaître des tensions sur les urgences avec la fermeture du SMUR de Laveran, un hôpital qui dépend pourtant des armées. « Une demi-heure à une heure de route en plus pour trouver un service d’urgence ouvert, cela condamne certaines victimes de pathologies ou d’accidents graves ! », insiste Saïd Ouichou. Avant de conclure : « C’est vraiment un cri d’alarme. Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas ! ».

Sur ce point précis de la fermeture de services d’urgences cet été faute de personnel, Claire Pitollat marque le coup. Elle découvre l’ampleur du phénomène et s’en inquiète.

Pour le reste, forte d’un bagage scientifique (elle est ingénieure de formation), la députée répond et argumente point par point face aux multiples situations dénoncées par ses interlocuteurs. « On a encore beaucoup à faire pour la santé. Mais reconnaissez que ces cinq dernières années, on s’est attaqué aux problèmes de fond. À commencer par la fin du numérus clausus pour les études de médecine ». Et Claire Pitollat de renvoyer les médecins à un corporatisme qui, dans bien des situations, ne fluidifie pas le système. La bataille autour des personnels habilités à vacciner pendant la crise du Covid en reste pour elle l’une des illustrations. Les échanges techniques et précis durent une bonne heure.

 

♦ Lire aussi : Dans le secteur de la santé, l’égalité homme-femme n’est pas une option !

 

Des solutions concrètes

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Saïd Ouichou, Claire Pitollat et Julie Allemand-Sourrieu ©DR

« Notre collectif émane du terrain. Représente toutes les professions de santé. Nous avons passé des journées à débattre pour faire un état précis de la situation et surtout apporter des solutions concrètes qui répondent à la crise actuelle », enchaîne la praticienne hospitalière Julie Allemand-Sourrieu. Et de rappeler les 600 heures de travail fournies bénévolement sur ce dossier par les premiers concernés, les soignants. Notamment les 80 heures d’auditions de 114 experts retransmises en direct sur les réseaux sociaux.

Claire Pitollat, comme chaque candidat à la députation rencontré, s’est vue remettre un livret avec les propositions du collectif Santé en Danger. Tous ces rendez-vous à travers la France donnent lieu à une photo postée sur les réseaux sociaux. « Même si le temps politique n’est pas celui auquel nous sommes confrontés, cette démarche engage ceux qui seront élus au parlement », veut croire le docteur Ouichou ! ♦

* L’AP-HM, Assistance publique des hôpitaux de Marseille, parraine la rubrique santé
et vous offre la lecture de cet article *

 

Bonus

[pour les abonnés] – Les photos de Christophe Asso sur les petites mains de l’APHM – le #G500citoyen –

  • Hommage « aux petites mains » de l’hôpital !

    Après avoir mené le combat pour la reconnaissance des ambulanciers du SMUR afin qu’ils soient reconnus comme personnels de santé, Christophe Combes demande un focus sur l’ensemble des professions qui travaillent à à l’hôpital.

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Un blanchisseur de l’APHM ©Christophe Asso

Sur les 15 000 salariés de l’Assistance Publique des hôpitaux de Marseille, 3e pôle hospitalier de France, un tiers n’appartient pas à la catégorie des soignants. Le malade n’entend jamais parler de ces métiers qui assurent des fonctions-supports clés, mais sont peu ou mal connus. Oubliés du « Ségur de la Santé » qui a braqué les projecteurs sur ceux qui sont en première ligne, ils sont pourtant essentiels au fonctionnement d’une institution qui voit passer chaque année près d’un million de personnes en consultation.

 

Certains métiers sont connus du public car en lien direct avec lui. C’est le cas des standardistes qui répondent au 15 ou au 112 (600 000 appels par an), mais aussi des personnels affectés au secrétariat des admissions ou des agents de sécurité. D’autres parlent aux patients qu’ils vont croiser durant leur hospitalisation. Les ASH notamment. Cet acronyme administratif d’agent de service hospitalier désigne ceux qui nettoient les couloirs et les chambres.

Santé : Profiter des élections pour faire passer des messages 4Par ailleurs, un grand nombre de professions officie dans l’ombre. Le photographe Christophe Asso leur rend hommage au fil de deux ouvrages. Membre de la cellule communication de l’APHM, il connaît parfaitement le sujet et à la confiance de ceux qu’il tient à mettre en avant. « Je suis un journaliste embedded. Ça se voit dans les reportages que j’ai pu faire au plus fort de l’épidémie de Covid. Quand les services étaient fermés. Que la peur régnait faute de connaître la nature exacte du danger. Le risque encouru par ceux qui évoluaient au plus près des malades ». En 368 pages, 250 photos et des textes sobres, il conduit le lecteur au cœur de la machine. « Des vies hospitalières face à la covid-19 » est un livre pour l’histoire.

♦ Lire aussi : Carla Melki, travailleuse humanitaire

 

  • Le #G500citoyen.

    Cette manifestation inédite est organisée par huit associations et collectifs (dont Santé en Danger) représentant 500 000 sympathisants qui mettent à l’honneur la participation citoyenne, sans approche partisane, dans un esprit constructif et une envie de réconciliation.

    Le #G500citoyen permettra le débat tel qu’il n’a pas eu lieu dans la phase électorale, jusqu’à maintenant pour rechercher puis produire du consensus. La première phase du #G500citoyen sera l’organisation d’une table de négociation pour élaborer les propositions, suivies de tables rondes pour en débattre. Et enfin, d’une table d’orientation pour déterminer les objectifs. Cela se passe les 3 et 4 juin à Marseille. D’autres infos sur le site de l’événement.