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Sapid, un réfectoire écolo pour les Parisiens

Par Clara Le Fort, le 6 décembre 2021

Journaliste

Au restaurant Sapid, à Paris, durabilité et cuisine végétale sont les deux piliers fondateurs © Julie Ansiau

Avec ce nouveau lieu dédié à une cuisine terrestre, nomade et durable, Alain Ducasse et Romain Meder jettent les bases d’un concept de réfectoire engagé. Côté architecture, Marie Deroudilhe a rivalisé d’ingéniosité pour rénover les lieux sans impact. Cela se passe au 54 rue du Paradis, à Paris.

Sapid est un lieu a priori simple : durabilité et cuisine végétale sont les deux piliers fondateurs. Pourtant, le défi est périlleux car « les consommateurs d’aujourd’hui veulent tout : que ce soit bon, accessible, respectueux, durable, rapide, et livré à leur porte ! », explique Romain Meder, chef exécutif au sein du groupe Alain Ducasse qui pilote le projet. Trouver une solution qui coche toutes les cases, et qui en plus soit synonyme de bon goût – dans l’assiette comme dans le décor – méritait de trouver des solutions appropriées.

 

Une carte sans déchets : jus d’épluchures de betteraves, bouillon de foin…

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Derrière la vitrine, les fruits et légumes sont entreposés là à température ambiante ©Julie Ansiau

« La nourriture qui m’a toujours le plus inspiré, c’est la street food. La cuisine populaire de rue, quel que soit le pays. Car c’est là que l’on trouve l’essence des goûts et la multi­plicité des cultures alimentaires du monde », lance Romain Meder, qui souhaitait créer une carte saine et sans déchets. Aux commandes, on retrouve ainsi la cheffe péruvienne Marvic Medina, formée dans les cuisines du Plaza Athénée. Elle allie au quotidien le savoir-faire de la gastronomie, des goûts d’ailleurs et les préceptes de la street food. Autrement dit, une cuisine simple basée sur de bons produits.

« Il n’y a pas de cuisine savoureuse, avec du corps, sans d’excellents producteurs », renchérit Romain Meder. De fait, de dernier rassemble depuis des années un réseau de producteurs investis (bonus). Le fruit d’un travail de longue haleine !

À la carte, qui change au fil des saisons, on commande, en entrée, une burrata de chez Nanina (Paris), betteraves marinées au jus d’épluchures de betterave à l’hibiscus, condiment chanvre, oseille et feuilles de betterave (10 euros). En plat, du petit épeautre cuit en cocotte dans un bouillon de foin, légumes d’automne rôtis et condiment moutardé (14 euros). En dessert, un yaourt de la ferme de Kerbastard, compotée de coings, pommes et miel, granola de céréales maison.

Sapid est, en résumé, un réfectoire dédié à la cuisine végétale issue d’une production française hyper-responsable, en circuit court, qui fait feu de tout ingrédient !

 

 

Un réfectoire durable

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Tables et bancs du XIXe siècle meublaient le réfectoire de lycée Lakanal à Sceaux© Julie Ansiau

Tant de qualités n’auraient pas de raison d’être sans un lieu qui permette de cuisiner, partager, rencontrer et dispatcher (les ventes à emporter). Celui-ci compte ainsi une cuisine au sous-sol, et un réfectoire aux allures de lounge au rez-de-chaussée. Le décor est l’œuvre de l’architecte Marie Deroudilhe : partout, durabilité et récupération sont les maîtres-mots. À commencer par les parquets, réseaux électriques, plafonds et doublages muraux qui ont été réutilisés sans modification. Idem pour les sanitaires de l’ancien espace, simplement repeints. Prouesse architecturale, seule une cloison a été ajoutée dans l’espace : en lieu et place du traditionnel placoplâtre, Marie Deroudilhe a en effet utilisé des plaques d’argile Plak-argilus.

 

Terre crue, uniformes recyclés et stocks de bois

Les murs de la salle principale ont été enduits de terre crue par l’artisane Sylvie Wheeler. Spécialisée dans les enduits et peintures écologiques, elle a utilisé de la terre provenant de Beauvais pour leur donner une couleur terra cotta foncée. Côté acoustique, des pans suspendus imaginés par Pierre Plume prennent un aspect minéral : une approche efficace tant d’un point de vue technique qu’esthétique. Il s’agit, de plus, de textile recyclé – de vieux uniformes des forces de l’ordre et tenues professionnelles hors d’usage, broyées et compactées.

À leur tour, tous les agencements fixes ont été réalisés en bois d’aulne brut de sciage à partir du stock qu’une scierie française avait sur les bras à l’annulation d’une commande. Astuce remarquable, l’architecte a placé un store à filtration UV devant la vitrine-garde-manger. Les fruits et légumes sont entreposés là à température ambiante, sans recourir à la climatisation. Le garde-manger visible depuis la rue permet de stocker, allécher le passant et vendre les fruits et légumes des producteurs partenaires.

 

Mobilier chiné et vaisselle dépareillée

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Au plafond, des lampes anti-explosion, typiques des anciens milieux industriels chimiques du nord de la France ©Julie Ansiau

Côté mobilier et agencement spatial, Marie Deroudilhe a récupéré des tables et bancs datant du XIXe siècle. Leur provenance ? Le réfectoire de lycée Lakanal à Sceaux. Le vaisselier, les mange-debout et tabourets proviennent d’un ancien restaurant d’Alain Ducasse. Quant à l’éclairage, il est constitué de lampes anti-explosion, typiques des anciens milieux industriels chimiques du nord de la France. Elles ont été repérées et rénovées par le spécialiste des antiquités industrielles Anciellitude. Des spots cadreurs, déjà présents dans l’ancien décor, complètent le tout.

Sur la table, la vaisselle dépareillée (verres, assiettes, couverts en argent) se pose sur des plateaux de cantine en marbre du 19e siècle. Il s’agit de lots à micro-défauts, récupérés dans différents ateliers de production. Dans les vases, les bouquets de fleurs séchées ont d’abord poussé dans les champs des producteurs du restaurant.

Autour de la table toujours, on prend place après avoir commandé son plat sur une borne numérique et récupéré son plateau. Un jeton ou une carte permettent de se servir soi-même en vin ou en café. Chacun débarrasse ensuite son plateau en triant, ce qui est bien logique. L’expérience partagée est fluide, naturelle, enjouée !

Innovant, disruptif, courageux, Sapid est le résultat de choix clairs, engagés, précis : le réfectoire a de beaux jours devant lui. ♦

 

Bonus

Un réseau de producteurs investis. Aujourd’hui, les hommes et femmes derrière Sapid se nomment Yannick Colombié (producteur de fruits). Éric Roy (maraîcher). Gisèle Taxil (productrice de petit épeautre). Pierre Gayet (producteur de légumes et herbes)…