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Se nourrir et se soigner avec les plantes sauvages, même en ville

Par Marie Le Marois, le 17 août 2021

Journaliste

[redif en lecture libre] Pas besoin d’aller bien loin pour cueillir plantes comestibles et médicinales. En bas de chez nous, en pleine ville, la nature offre des ressources à foison. Il suffit de se baisser et de savoir les identifier. À Paris, Lyon ou Saint-Étienne, des passionnés proposent des balades pour transmettre le savoir oublié des plantes sauvages. J’ai suivi celle de La Draille Comestible au parc Longchamp, en plein centre de Marseille. Surprenant.

 

Je connaissais les initiations aux plantes comestibles et médicinales en pleine nature, dans les collines et la montagne. Je caressais d’ailleurs l’idée de suivre un jour un stage dans les Alpes de Haute-Provence avec François Couplan, pionnier des plantes sauvages en Europe (voir bonus). Mais jamais je n’aurais imaginé qu’à quelques coups de pédales à vélo, au milieu d’une vie urbaine trépidante, se cachent de tels trésors. Autre surprise : ce n’est pas une dame d’un certain âge qui m’attend mais Célia. Une jeune femme de 28 ans, aussi ingénue que cultivée. Cette amoureuse de la nature propose balades et ateliers autour des plantes sauvages et leurs usages avec La Draille Comestible.

Cinq utilisations du coquelicot

Même pas 20 mètres et nous tombons sur un carré échappé de la tonte. Il offre à lui seul trois plantes intéressantes dont le coquelicot. Ses pétales agrémentent un plat avec leur jolie couleur rouge, mais pas seulement. Séchées et infusées, elles calment et apaisent. Transformées en sirop, elles deviennent un sédatif parfait pour la toux.

À côté d’elles se balancent des boutons en attente de floraison. Jeunes et bien verts, ils sont délicieux revenus à la poêle ou macérés dans du vinaigre pour être croqués en condiment. Idem pour les feuilles avant floraison, très bonnes en salade. Quant au coquelicot déjà pollinisé – cette fleur est très prisée par les abeilles pour son pollen -, on récolte ses graines quand elles sont prêtes à tomber de la capsule. Exquises dans les gâteaux.

Cueillir les plantes oui, mais pas n’importe comment

Tout en me montrant le pavot de Californie – jolie fleur orange aux vertus sédatives et anxiolytiques, Célia, qui habite à quelques encablures de là, égrène les règles d’or à respecter pour préserver ces richesses naturelles : « laisser les racines de la plante pour lui octroyer la possibilité de survivre, prendre seulement ce dont on a besoin – les pétales pour le coquelicot, par exemple –, veiller à laisser plus de deux tiers du lieu de cueillette intact et, si la plante est seule ou peu développée ne pas la prélever ». Cette animatrice environnement formée aux plantes sauvages (voir bonus) m’explique par ailleurs que, depuis l’interdiction des pesticides dans les parcs publics et espaces verts en 2017, toute plante comestible et médicinale est, de fait, propre à la consommation. Si tant est, bien sûr, qu’elle n’ait pas été souillée par un animal. « Pour cela, il faut toujours laver les plantes et, en cas de doute, les cuire ».

 

Des mauvaises herbes pas si mauvaises que ça
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Plantain lancéolé

L’absence de pesticides a l’avantage également de laisser ce qu’on appelle, à tort les ‘’mauvaises’’ herbes. Une fois dans l’assiette, elles sont même bonnes. Le plantain lancéolée–  feuille identifiable avec ses cinq nervures –  se mange cru, en salade ou en pesto, et cuit en omelette, quiche ou samoussa. Son épis floral, avant floraison, est délicieux revenu à la poêle avec son goût de champignon, ou macéré en câpre. Cette plante est également médicinale. Froissée ou mâchée en cataplasme, elle apaise les piqûres d’insecte et d’ortie. Encore mieux : on se concocte pour l’été un baume apaisant. Et ce n’est pas terminé ! Elle recèle des propriétés antihistaminiques, cicatrisantes et désinfectantes. Idéal pour les allergies saisonnières, conjonctivites et plaies de tout genre. « Une dame m’a raconté avoir réussi à soigner une blessure au coin de son œil avec un cataplasme de plantain qu’elle avait dans son jardin », rapporte Célia, elle-même surprise du résultat.

 

Même le lierre, qui abîme nos murs, restaure notre peau

Le lierre grimpant, quant à lui, sert de super lessive écolo. Elle est tellement efficace que la jeune femme l’utilise désormais à la place du savon de Marseille. « Le lierre contient beaucoup de saponine, il est moussant et détergeant. Il suffit d’infuser 60 belles feuilles pour un litre d’eau ». Cette plante, qui s’infiltre dans les murs en pierres, casse également la cellulite. À utiliser en bain ou en massage sous forme de macérât huileux. Et que dire de la pariétaire, envahissante comme le lierre et aussi à l’aise au pied des immeubles que suspendue à la faveur d’une fissure. Qualifiée de  ‘’casse-pierre’’, elle est connue pour ses vertus dépuratives et anti-calculs. Avec son goût de concombre, sa fleur agrémente salade ou soupe.

 

19 plantes en une heure et demie
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Mauve Sylvestre

Je vous passe le laurier aux vertus digestives et antalgiques, aussi bon pour parfumer une sauce que pour soigner un mal de tête ; le Mauve Sylvestre dont les feuilles épaississent les sauces et les fleurs adoucissent les muqueuses. Enfin, le tilleul, dont les fleurs odorantes sont utilisées en infusion apaisante ou en parfum dans une panacotta. Ses feuilles, une fois séchées et broyées, donnent une farine riche en protéines. Nous ne sommes qu’à l’entrée du parc et nous avons déjà vu huit plantes. « J’ai calculé que, pendant mes balades, je parviens à expliquer dix-neuf plantes en une heure trente. Et le parc en recèle beaucoup plus… », avance cette urbaine pur jus, qui a grandi en plein cœur de Nice, mais qui randonnait tous les week-ends avec ses parents.

 

Atelier culinaire, cosmétique, médicinal et tinctorial

Le parc Longchamp n’est pas son seul terrain de jeu. Célia aime également crapahuter sur les collines des Aygalades, un noyau vert coincé entre l’autoroute nord et des barres d’immeuble, où elle déniche immortelles et millepertuis aux super pouvoirs. Outre les balades, cette curieuse anime de passionnants ateliers : culinaires, cosmétiques (baume, crème, dentifrice), herboristerie (pour se soigner), plantes tinctoriales (fabriquer ses couleurs) et ménagers (lessive, liquide vaisselle..)

 

Marseille, riche en plantes sauvages
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Aubépine

Lorsqu’elle n’organise pas ses animations, cette baroudeuse explore de nouvelles zones, toujours accessibles en transports en communs. Elle prépare une balade le long de la rivière du Jarret, où se côtoient orties, aubépines et frênes. L’avantage de Marseille est la diversité de ses territoires. Plantes de garrigues dans les collines, plantes de prairie dans les parcs et humides le long des cours d’eau.

La ville, grâce à son climat méditerranéen, a également l’avantage d’offrir à la cueillette une multitude de plantes sauvages toute l’année. Sauf l’été, période pendant laquelle « la plupart sont brûlées par le soleil ». Mais, me confie Célia, elles renaissent lors du ‘’deuxième printemps’’, en septembre. Je ne regarderai plus les plantes urbaines avec le même œil. ♦

* article publié le 17 juin 2020

 

Bonus 
  • Sa bio express

Son master Marketing en poche, Célia réalise rapidement que ce n’est pas du tout ce qu’elle veut faire. Elle effectue alors un service civique à France Nature Environnement et devient éducatrice environnement : elle a trouvé sa voie. Après cette expérience, elle s’engage bénévolement dans plusieurs associations impliquées dans le jardinage urbain : Eko Permaculture, Culture Permanentes et Bigoud’. C’est auprès de cette dernière que la jeune femme apprend à identifier et utiliser les plantes sauvages. Une révélation. N’avait-elle pas un arrière-grand-père qui ramassait les plantes dans les collines pour les revendre sur les marchés ? Célia ne l’a jamais connu mais sans doute cet héritage lui a servi de terreau.

Elle complète ses savoirs sur les plantes en 2019 avec ‘’À Corps et à plantes’’, organisme de formation à Arles aujourd’hui fermé. Et devient animatrice environnement pour la Ligue de l’enseignement auprès des collégiens en Rep+. Elle les initie notamment au jardinage et à la fabrication de petit mobilier et hôtel à insectes en palettes recyclées. En avril, elle quitte son poste pour se consacrer à La Draille Provençale (‘’sentier’’ en provençal), auto-entreprise qu’elle a créée en mai 2019.

Son objet : transmettre ses connaissances sur les plantes par une approche ludique et nous rendre autonomes pour les identifier. Outre ses balades et ateliers, Célia propose aux particuliers qui possèdent un jardin de leur faire découvrir les ressources qu’il contient.

 

 

  • Guide de la Cueillette – La Draille Comestible vient d’éditer ‘’Le Guide de la Cueillette, 10 plantes pour débuter’’. Un indispensable en balade pour savoir identifier les plantes et les utiliser : plantain lancéolé, mauve sylvestre, Pâquerette, chenopode blanc, ortie, calament fenouil, roquette, pissenlit et ronce. En vente ici.

 

  • Balades et ateliers ailleurs de plantes sauvages comestibles et médicinales

Paris, Bois de Boulogne, Bois de Vincennes et au jardin des Plantes, avec Isabelle Desfleurs / Parc Montsouris, avec Flora Delalande / Balade au Bois de Vincennes et formation en ligne avec Les Chemins de la Nature

Montpellier, avec Nature Comestible

Saint Etienne, avec Le Goût du Sauvage. Info ici.

Lyon, avec Herbes Sauvages

 

  •  François Couplan : cet ethnobotaniste de renom propose des balades en montagne et en ville, et vient de sortir un nouveau livre ‘’Ce que les plantes ont à nous dire’’, Ed Les liens qui libèrent. Infos ici

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