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[Série] Autopsie d’une poubelle #2 : « Ça me gratte la tête »

 

Par Guylaine Idoux, journaliste

Marcelle, la série épisode 2 ! Coachée tout en douceur par l’association Zero Waste Marseille, notre famille entre gentiment -mais sûrement- dans une nouvelle ère. Un composteur de cuisine est apparu sous l’évier, les flacons plastique ont quasi disparu des placards, la poubelle maigrit à belle allure… Bref, nos héros sont en pleine (r)évolution zéro déchet. La bonne nouvelle, c’est que ça ne fait même pas mal. Enfin presque, parce qu’en chemin, un cuir chevelu s’est quand même mis à gratouiller sévère.

 

Parfois, les révolutions prennent de drôle de détours. Pour notre trio, ce fut un doigt levé, celui de l’un de nos héros (mais lequel ?), lors de la deuxième réunion mensuelle des 28 familles engagées pour six mois dans le « Défi Familles » de Zero Waste Marseille. Mais ne gâchons pas le suspens. On y reviendra dans les dernières lignes de cette modeste chronique. Parce qu’entre-temps, il y a eu plusieurs moments clés, qu’il nous faut mettre en scène. Rappelons avant tout, pour ceux qui auraient raté le premier épisode, que notre famille -une mère, un beau-père, un fiston de 11 ans- est vraiment du genre moyen niveau déchets : 33kg d’ordures ménagères mensuelles (hors recyclage papiers et verres), soit l’équivalent de la moyenne française par habitant. Mais ces dernières semaines, notre trio a fait de grandes avancées et leur poubelle a vraiment maigri, youpi.

 

(Série) Autopsie d’une poubelle (saison 1, épisode 2) « Ca me gratte la tête »
crédit Fiona Cosson

Scène 1. Intérieur jour, salon familial. Le beau-père a un énorme carton dans les bras.

Le beau-père, avec une pointe d’excitation : « Ca y est, il est arrivé ! »

L’enfant : « C’est quoi ? »

Le beau-père, déballant : « Le bokashi ! »

L’enfant : « C’est quoi ? »

Le beau-père, déballant : « Mince, il y a plusieurs cartons. C’est pas zéro déchet ça ! »

La mère : « Tu l’as acheté où finalement ? »

Le beau-père, déballant toujours : « Sur le site greenweez.com, 62€ quand même… Mais c’est pas vrai, ils ont mis plein d’emballage plastique autour, en plus. »

L’enfant : « C’est quoi ? »

Le beau-père, déballant toujours : « Nan, mais y’a combien d’emballage ? C’est pas possible, ça va nous plomber la poubelle, là… »

L’enfant, perdant patience : « Mais c’est quoiiiiii ? »

Le beau-père : « Un composteur de cuisine pour recycler nos déchets organiques, qui occupent un bon tiers de la poubelle pour l’instant. Quand tu n’as pas de jardin ou de terrasse, il y a deux solutions pour les recycler : le lombri-composteur, avec des vers, ou le bokashi, avec de l’activateur biologique, une sorte de sciure qui assure la décomposition. Après avoir écouté pas mal d’utilisateurs chez Zero Waste, on a choisi la deuxième solution. Il paraît qu’il n’y a ni odeur, ni moucherons. L’inconvénient : le bokashi produit un « thé fertilisant », une sorte d’engrais liquide, mais il ne décompose pas entièrement la matière, qu’il faut aller vider régulièrement dans un vrai compost. » (en vrai, le beau-père n’a pas dit tout ça, sinon l’enfant aurait décroché, mais c’est l’idée, quoi).

La mère : « C’est beau-papa qui traversera la ville avec nos épluchures toutes pourries pour le donner à un copain qui a un compost à St Barnabé ! »

Toute la famille rigole en imaginant la scène : le beau-père, dans le métro, avec son seau rempli de déchets fermentés. Ils vont ensuite dans la cuisine, procéder religieusement à l’installation du bokashi (100% plastique, soit dit en passant) sous l’évier. Au grand dégoût de l’enfant, la mère plonge ensuite les mains dans la poubelle. Ravie, elle en sort les épluchures, trognons de fruits, feuilles de thé et marc de café, pour étrenner le bokashi. Le père sort l’activateur biologique, reçu dans un paquet de 1kg.

Le beau-père, respirant au-dessus du sac : « L’odeur me rappelle les chais viticoles, c’est la fermentation ».

La mère : « Donc, il faut saupoudrer ça régulièrement sur les épluchures ? ».

Le beau-père : « Oui, et faut tasser ».

La mère : « Ca va se remplir vite, non ? »

Le beau-père : « Faut tasser ».

L’enfant : « Je peux en mettre moi aussi ? »

Le beau-père : « Touche pas. Faut tasser ».

L’enfant : « Maman ! Moi aussi je veux faire du bokashi ».

La mère, faussement sévère : « Beau-papa, laisse le fiston jouer aussi ».

 

Scène 2. Intérieur jour. Chez le coiffeur.

Giovanni, le coiffeur, observant une mèche de cheveux : « Ma, tou t’es pas lavée avant de venir ? »

La mère : « Heu, si, mais comme j’ai arrêté les shampoings liquide à cause des flacons plastiques, j’essaie le savon de Marseille ».

Giovanni, se marrant : « Tou ne devrais peut-être pas. Tes cheveux sont poisseux et je n’arrive pas à bien couper ta frange ».

La mère : « En plus ça me gratte. Pourtant je me rince au cidre de pommes bio. »

Giovanni, se marrant : « Tou fait comme tou veux, mais à mon avis, le savon de Marseille ne te convient pas ».

La mère : « C’est horrible, ça me gratte tout le temps en fait ».

 

Scène 3. Intérieur nuit. Dans leur maison du boulevard Baille, un soir de fin janvier, les huit colocataires qui participent au Défi Familles ont organisé un apéro Zéro Déchets. Chacun a fait l’effort d’apporter un truc adapté : du vin bio, de la bière en bouteille de verre, et puis des gâteaux et des tartes maison. L’ambiance est très sympa.

Fiona, la fondatrice de Zero Waste Marseille : « Alors, comment ça va ? »

La mère : « Benh, ça gratte… ».

Fiona : « Ha, ha, j’allais oublier : je t’ai préparé un peu de mon shampoing maison. »

Et là, tout le monde veut voir le petit cube vert, le sentir, regarder s’il s’effrite ou pas (la difficulté majeure du shampoing solide fait maison semble être son côté friable). Tous s’accordent à dire qu’il sent « délicieusement bon » et qu’ils en voudraient bien un aussi.

Fiona : « Ca tombe bien, le Défi Familles prévoit un atelier cosmétiques et produits d’entretien maison dans quelques mois ! » (Mais comme Fiona est très sympa, elle a bien voulu partager sa recette en avant-première avec Marcelle. Vous la trouverez dans nos bonus, ci-dessous).

 

(Série) Autopsie d’une poubelle (saison 1, épisode 2) « Ca me gratte la tête » 2
crédit Fiona Cosson

Scène 3. Intérieur jour. Deuxième réunion du « Défi Familles » lancé par Zero Waste Marseille, aux Réformés. La plupart des poubelles des 28 familles participantes ont bien maigri grâce à de nouvelles habitudes -parfois difficiles à prendre d’ailleurs (on y reviendra dans un prochain épisode). Une avancée plus facile que les autres : s’équiper, pour ceux qui ne l’étaient pas encore d’un composteur, d’un bokashi ou d’un lombricomposteur.

Fiona : « Composter permet d’économiser jusqu’à 30% de déchets ménagers. Au lieu de finir à la benne, puis brûlés à l’incinérateur, les déchets organiques compostés se transforment en engrais permettant de nourrir les plantations. A chacun de trouver la solution la plus adaptée à son cas : composteur classique quand on a un extérieur, bokashi ou lombricomposteur quand on est en appartement sans extérieur. Il existe aussi des composteurs collectifs, mais ils sont encore rares à Marseille. »

Karine, une autre bénévole : « L’achat en vrac est un autre acte essentiel de la démarche Zéro Déchet : pour éviter les supermarchés, où tout est emballé, pensez plutôt aux marchés et aux épiceries à vrac. Cela demande un minimum d’équipement (une dizaine de bocaux, autant de Tupperware et de sachets en tissus) et de l’anticipation. Personnellement, je prévois des menus sur sept jours. Je fais ma liste, j’achète mes ingrédients puis je passe un après-midi à cuisiner d’avance. Ca me permet de gagner du temps (chaque soir, je n’ai plus qu’à réchauffer) et de l’argent (je ne gâche plus rien puisque j’achète quasi au gramme près ce dont j’ai besoin). Surtout, nous mangeons plus sainement, et même plus gourmand ! »

La mère, qui ne peut pas s’empêcher, ça fait d’ailleurs plusieurs jours qu’elle y pense : « Je ne sais pas comment cela se passe dans les autres familles, mais j’ai l’impression que la démarche repose tout de même beaucoup sur les femmes. Prévoir de cuisiner en amont, faire les gâteaux du goûter au lieu de les acheter, faire les courses au marché ou à l’épicerie vrac, faire soi-même ses produits ménagers et cosmétiques maison… »

Au fond de la salle, le beau-père ne fait pas le malin : il fait des efforts mais en vrai, c’est son épouse qui fait l’essentiel (il pense aussi très fort que c’est elle qui a entraîné tout le monde dans le Défi, mais il se tait (c’est mieux)). Les participants se chauffent. Les uns sont d’accord, les autres -souvent les plus jeunes- s’insurgent : « Nous, c’est moit’-moit’ ». Fiona apaise le débat en renvoyant à l’excellentisssime texte écrit par l’un des membres masculins Zero Waste Marseille.

Ceci dit, l’heure tourne. Fiona annonce la prochaine réunion. « Nous ferons un atelier couture. Sacs à vrac, charlottes pour les aliments… Qui est volontaire pour participer ? »

Et c’est là qu’un miracle se produit. Là-bas, tout au fond de la salle, le beau-père lève le doigt. Alléluia.

 

Note : cette chronique est totalement indépendante, les liens donnés vers des sites marchands le sont à titre informatif et n’ont donné lieu à aucune rétribution et/ou échanges. Depuis cet achat, nous avons d’ailleurs parfois trouvé les produits moins chers sur d’autres sites. A bon entendeur…

 

Bonus :

le shampoing solide « Zero Waste Marseille »

Ingrédients :

-100g de tensioactifs (également dénommés SCS/SCI, ceux-ci ne s’achètent que sur des sites spécialisés en ligne. Pour éviter au maximum les déchets et emballages, pensez à faire des commandes groupées ou achetez des quantités plus importantes qui seront conditionnées dans des pots (à réutiliser !) plutôt que des sachets plastiques).

-8g d’emulsifiant (BTMS, Emulsifiant végétal), facultatif mais très efficace !

-4g d’actifs (glycérine végétale, protéine végétale, isocide, …)

-10g d’huile végétale : Huile de ricin

-10g d’eau, d’huile végétale ou hydrolat : Huile de coco

-10 gouttes d’huile essentielle : Romarin et Ylang ylang pour les pellicules et cheveux secs et qui tombent et puis parce que ça sent bon

-facultatif : poudre d’ortie, poudre de prêle, autres poudres de plante (hénné neutre, …)

Faire fondre au bain marie l’huile et l’émulsifiant. Rajouter le SCS. Laisser fondre une petite demi-heure en mélangeant de temps en temps. Les petites billes de SCS sont encore visibles, c’est bien normal. Hors du feu rajouter les huiles essentielles et les actifs. A ce moment-là, rajouter la ou les poudres de plantes (ne pas en mettre trop, le mélange doit rester légèrement humide pour ne pas devenir trop friable). Couler le tout dans un moule. Laissez reposer une heure. C’est prêt !

 

Conseils et adresses :

-Pour les huiles végétales, privilégiez les flacons en verre ou l’achat en vrac (karité, huile de coco, huile d’olive).

-Vente en ligne de matériel et ingrédients pour la cosmétique maison : Joli’Essence (basé à la Roque d’Anthéron !), Mycosmetik, Aromazone…

-A Marseille : Epiceries vrac (huiles, karité, plantes séchées, …), Quartier de Noailles (karité, épices, plantes séchées et poudres de plantes, …), magasins bio.

-A faire soi-même : Poudre d’orange, poudre d’ortie