Fermer

Signer une pétition sur Greenvoice, à quoi ça sert ?

Par Philippe Lesaffre, le 5 octobre 2022

Journaliste

Selon Jean-Baptiste Paulhet, responsable des campagnes citoyennes de Greenpeace, chacun a un pouvoir d'agir fort et cette capacité à pousser pour que l'on puisse remporter des victoires citoyennes - Capture d'écran -

Pour « sauver la planète », Greenpeace a lancé il y a deux ans sa plateforme en ligne, Greenvoice. Afin d’accompagner et faire vivre des campagnes citoyennes au niveau local. Pour l’heure, plus de 500 pétitions ont généré 500 000 signatures. Alors, ça marche ? Missions accomplies ? J’ai interrogé Jean-Baptiste Paulhet, responsable des campagnes citoyennes au sein de l’ONG.

 

En page d’accueil de ce début d’automne, on trouve deux campagnes dans l’air du temps. D’abord, une pétition demandant l’interdiction des écrans publicitaires lumineux à l’heure où le gouvernement en appelle à la sobriété énergétique. Une autre datant du mois d’août pour proposer la fin de l’arrosage des golfs. On en a beaucoup parlé cet été, en pleine période de forte sécheresse et de canicule, quand des restrictions ont été exigées au niveau de l’agriculture, notamment (lire bonus). Depuis deux ans, la plateforme Greenvoice, mise en place par Greenpeace, a mis en ligne plus de 530 pétitions, et elles ont généré plus de 500 000 signatures, selon l’association écolo.

Signer une pétition sur Greenvoice, à quoi ça sert ? 1
Les projets portés sont des plus variés, avec une dimension militante ©christin-hume-unsplash

L’idée, au départ : lancer un outil numérique visant à soutenir et valoriser des actions sur le plan local. Car la structure ne se focalisait jusqu’à présent que sur des initiatives nationales, principalement, et souvent déclinaisons de campagnes internationales. « Nos soutiens nous l’avaient demandé », précise Jean-Baptiste Paulhet, responsable des campagnes citoyennes au sein de l’ONG. Surtout que l’urgence climatique est là, les chercheurs le démontrent sans arrêt. « Il faut qu’on se bouge rapidement, et les outils du numérique permettent d’accélérer le schmilblick. »

Selon lui, chacun a « un pouvoir d’agir fort » et, au final, cette capacité à pousser pour que l’on puisse remporter des victoires citoyennes. D’où la plateforme. Il en existe déjà quelques-unes de la sorte sur la toile, Jean-Baptiste Paulhet le sait bien. Mais « Greenvoice est la seule à assumer un positionnement et une vision de la société clairs. D’autres, comme Change.org, revendiquent une certaine neutralité », note-t-il.

 

« Ils connaissent mieux le terrain que nous »

Signer une pétition sur Greenvoice, à quoi ça sert ? 4
Jean-Baptiste Paulhet ©DR

Sur le site, on trouve des porteurs et des porteuses de projet assez variés. Tous n’ont pas le même « degré de maturité militante », comme l’observe Jean-Baptiste, ravi que l’association puisse épauler structures, collectifs et citoyens de tout horizon. « Ils ont accès à notre expertise et à nos ressources en matière de mobilisation citoyenne. » Chacune et chacun piochent, en fonction de leurs expériences et besoins, sur le terrain. Cela peut une aide juridique, logistique. De la communication aussi. En revanche, Greenpeace ne vise pas à les remplacer dans la bataille : « On ne se mobilise pas à leur place. De toute façon, ces citoyens connaissent mieux le terrain que nous… »

Greenvoice est aussi un moyen de partir à la rencontre d’autres combattants. Entre militants, ils et elles peuvent régulièrement se rencontrer et échanger les bonnes pratiques. Toujours dans cette idée de faire en sorte que l’effort des campagnes paie. Et que, finalement, il y ait un mouvement d’ampleur en faveur de telle ou telle cause. Comme l’augmentation des repas végétariens dans les cantines scolaires.

Mais, au juste, c’est quoi, une campagne victorieuse ? Est-ce que le nombre de signataires est un… signe nécessaire de succès ? En faut-il le plus possible ? Vaste débat. « Tout dépend de l’échelle, de la taille de la commune ou de la zone de mobilisation », rétorque le responsable des campagnes citoyennes à Greenpeace. Pour lui, il n’y a pas de chiffre magique. Pour autant, cela peut servir d’être soutenus par une foule importante. Surtout en vue d’ « attirer l’attention des médias, qui ont besoin de concret en général, et ensuite des décideurs », comme il le dit. Le nerf de la guerre : plus les soutiens sont nombreux, plus ça légitime la bataille. Il l’explique, « il faut des rapports de force, c’est indéniable ».

 

♦ (re)lire : Le moteur de recherche Karma finance la protection de la biodiversité

 

Victoire symbolique

Signer une pétition sur Greenvoice, à quoi ça sert ? 2
Une campagne citoyenne est considérée comme réussie quand un projet finit par être abandonné ©markus-spiske-unsplash

En tous les cas, une campagne citoyenne est tout de même réussie quand un projet finit par être abandonné. Lorsqu’un groupe a obtenu gain de cause. Exemple, l’an dernier : un collectif s’était battu contre le projet de construction d’un quatrième terminal à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, le fameux T4. Or, il a été abandonné par l’exécutif, car celui-ci « ne correspondait plus à la politique environnementale du gouvernement ».

 Pour autant, insiste Jean-Baptiste, « il faut en général rester vigilant, une victoire est parfois fragile ». Là, en l’occurrence, il y a encore « quelque chose dans les tuyaux ». Un projet (de terminal) peut remplacer un autre, un projet qui serait de nature à augmenter le trafic aérien. Il était prévu, au départ, d’augmenter de 40% le nombre de vols sur place. Ainsi, la bataille n’a pas cessé après la décision du pouvoir en place, et la pétition a été revue. Les initiateurs (le collectif Non au T4 et l’association de défense contre les nuisances aériennes) ont changé le texte ; et, désormais, il s’agit de refuser « toute extension » de Roissy (encore en ligne).

 

Une pétition pour sensibiliser

Retour en avril dernier, le jour du premier tour de la présidentielle. Le Premier ministre d’alors, Jean Castex, se rend à son bureau de vote, à Prades (Pyrénées-Orientales), à bord d’un Falcon de la République. Un non-sens écologique pour beaucoup de Français. 37 000 personnes demandent (en signant une pétition) qu’il change de plan pour le second tour. Gagné ! Le locataire de Matignon a plié. L’avion officiel est resté au sol le 24 avril. Victoire, alors ? En un sens, oui. Néanmoins, Jean Castex n’a pas envoyé de procuration, comme les auteurs de la pétition le demandaient, mais il a pris un avion commercial pour rentrer à Paris, après le vote. Alors, victoire, oui, mais victoire symbolique avant tout.

« En fait, indique Jean-Baptiste, une mobilisation permet de mettre un sujet sur la table. En l’occurrence, la place de l’aviation, l’impact de l’aérien dans le changement climatique. » Voilà l’objectif de toute mobilisation. Créer, au final, une discussion, un débat. « On agit aussi pour sensibiliser. Mais c’est plus dur à évaluer… » Sensibiliser, parler de l’urgence climatique ou de la disparition du vivant, et montrer que l’on peut « changer les choses ».

Signer une pétition sur Greenvoice, à quoi ça sert ? 5

 

Tout le monde n’est pas prêt à s’enchaîner à une autoroute !

Signer une pétition sur Greenvoice, à quoi ça sert ? 3
Pour lutter contre l’éco-anxiété, « partir au combat » ©gabriel-mccallin-unsplash

Même en quelques clics. Car « beaucoup ne veulent pas forcément partir au combat, on n’est pas toutes et tous prêts à s’enchaîner sur une autoroute ou à planter des légumes sur des greens de golf » (lire bonus). Oui, signer une pétition, c’est plus facile. « On a souvent critiqué l’engagement et l’activisme passif, mais je crois que c’est utile. » Jean-Baptiste parle de « pyramide de l’engagement ». En animant une campagne, « on élargit l’audience », on mobilise des femmes et des hommes qui, après avoir signé, peuvent découvrir, peut-être, que des actions ont lieu sur leur territoire. Pour ensuite sauter le pas, rejoindre l’aventure, petit à petit, à leur niveau ? « Il faut aller les chercher. Peut-être que ça peut susciter des vocations et inciter les gens à se mobiliser à leur tour, dans la mesure où ils se sentent impliqués. »

De plus en plus de citoyens prennent conscience de l’urgence climatique, on parle d’écoanxiété… Les militants le disent : le meilleur moyen de lutter contre cet état de forme, c’est de « partir au combat », d’agir. Et donc, ça  peut commencer par signer une pétition… ♦

 

 

Bonus

Des légumes sur les greens de golf. Des militants d’Extinction Rebellion ont planté l’été dernier – à Limoges, par exemple – des légumes au niveau des greens de golfs afin de dénoncer les dérogations autorisant l’arrosage des greens. Une activiste de Dernière Rénovation a interrompu de son côté un match de tennis (une demi-finale homme, à Roland-Garros) en juin. On l’a vu parvenir jusqu’au filet avant d’être évacuée. D’autres types d’actions de désobéissance civile ont pu être menées ici ou là pour marquer les esprits.