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Speed dating à la campagne : un remède à l’isolement ?

Par Virginie Menvielle, le 20 mars 2023

Dans les années 2000, le speed dating faisait fureur et les célibataires étaient très nombreux à s’y rendre. Il est depuis passé de mode, sauf dans les campagnes, où il reste la manière de faire des rencontres. Reportage à Englancourt, un village de 130 habitants en Thiérache (Aisne).

 

« Tu vas aller à un speed dating. Sérieux, mais cest un truc de vieux ! » La phrase fait sourire, pourtant elle recouvre une réalité. Pour tous les citadins, cest un truc has-been. Émilie*, une trentenaire, en est la preuve. Elle se moque gentiment de Sidonie*, son amie, quand celle-ci lui explique qu’elle va participer à un speed dating. « C’est comme si, tu allais à un thé dansant, tu n’as pas 80 ans ». Soit.

Mais Sidonie habite dans un village de 200 habitants et elle en a marre d’être célibataire. Elle pourrait aller sur une appli de rencontres, entre les Tinder, Meetic… ce ne sont pas les sites qui manquent. Sauf que quand vous habitez dans un village situé dans un département isolé, il n’y a personne dans un rayon de 20 km. Vous êtes obligé de pousser plus loin : bien souvent dans un rayon de 80, 100 km.

 

Un speed dating… de la dernière chance

Tout le monde n’a pas envie, le temps de faire la route, surtout pour un premier rendez-vous. Résultat, beaucoup de trentenaires et quarantenaires vivant à la campagne restent seul.es et sont en mal de compagnie.

Le speed dating, qui permet de rencontrer des personnes qui habitent près de chez vous et non dans une métropole située plus ou moins loin, redevient alors une solution. Les speed datings fleurissent à Rieux, centre-bourg de 2800 habitants dans le Morbihan (Bretagne) ou encore à Fontet (Gironde), où un festival des Cœurs à prendre est organisé dans ce village de 800 habitants.

À Englancourt, un village de 130 habitants en Thiérache (Aisne), les speed datings ont aussi la cote. Odile et Marc Jansen qui tiennent l’estaminet Chez Marc ont décidé en 2020 d’organiser le leur. Ils l’ont baptisé « le speed dating de la dernière chance ». 

Speed dating à la campagne : un remède à l’isolement ?
L’estaminet Chez Marc @DR

 

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Pas d’âge pour l’amour

Le but d’Odile et Marc : proposer, juste avant la Saint-Valentin, un speed dating pour permettre aux célibataires de ne pas passer la soirée des amoureux seuls. Le premier a eu lieu en février 2020 : 20 personnes de  22 ans à 80 ans se sont alors déplacées. « Les jeunes hommes entre 25 et 35 ans ont dû parler à Monique, dame de 80 ans, toute pomponnée… », raconte Odile, trois ans après, dans un sourire.  Elle s’amuse encore d’avoir noté qu’après un manque d’enthousiasme de la part des plus jeunes, au départ, ils avaient fini par admettre quelle « était cool et jeune desprit » ! Trois couples se sont formés le jour même. 

Et si pour deux d’entre eux, cela n’a pas duré, l’histoire d’amour naissante du troisième s’est terminée par un mariage. « Mais les dés étaient pipés », confie Odile avec honnêteté. Le duo se connaissait déjà d’avant. En revanche, une bande de copains s’est créée au premier speed dating. Astrid*, 39 ans, en fait partie. Elle avoue être venue la première fois « par curiosité ».

 

« C’était la grande surprise, se faire des copines à un speed dating ! »

Marc et Odile
Marc et Odile n’ont pas eu besoin de speed dating pour trouver l’amour. Eux l’ont rencontré il y a quarante ans.

Elle y a finalement fait de belles rencontres, même si ce n’était pas celles auxquelles elle aurait pu s’attendre. « Je suis restée en contact avec certaines candidates aussi, c’était la plus grande surprise, se faire des copines à un speed dating ! » Résultat, elle est revenue au deuxième, organisé en juin 2022. 20 participants étaient encore présents et la tranche d’âge plus resserrée (entre 28 et 45 ans). Odile n’a pas eu d’info quant aux suites de cette deuxième expérience, la plupart des participant.es n’étant pas des habitué.es de l’estaminet. Exception d’Astrid*, mais qui encore une fois, n’a pas trouvé chaussure à son pied. Elle ne regrette toutefois pas d’avoir participé.  La trentenaire lâche : « Jai essayé, je ne pourrai pas regretter de ne pas lavoir fait, mais je regarde cela plus comme une soirée amusante ». 

 

Ne plus rester enfermé chez soi

Il n’y aura pas de speed dating en 2023 à Englancourt. Les patrons vendent leur bar, et trouvent tout de même « assez déprimant de constater à quoi en sont réduits les personnes qui souhaitent faire des rencontres ». 

Ces speed datings ont permis à Odile et Marc de mettre le doigt sur le cœur du problème : l’isolement des personnes vivant seules en milieu rural.  Odile commente : « Je pense qu’il existe des réseaux amicaux liés à lorigine familiale et géographique. Les personnes nées en Thiérache y rencontrent dautres Thiérachiens, et étant par nature peu aventureux, ils se marient entre eux. »

 

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« Les speed datings ont été l’occasion de constater la vraie solitude des personnes »

Résultat, les personnes « parachutées » dans la région peinent à nouer des contacts, qu’ils soient amoureux ou amicaux. Ce cas de figure, on le retrouve dans tous les territoires dits isolés. Ce n’est pas un hasard, si les speed datings s’organisent dans la Creuse, en Aveyron, ou encore dans le Morbihan. Odile confirme : « Les speed datings ont été loccasion de constater la vraie solitude de personnes, quel que soit leur âge. »

Des personnes qui ont peu d’ami.es, peu de distractions, et qui se sentent seules, vraiment seules. Et si Odile ne croit pas que ce type de rendez-vous puisse conduire à un coup de foudre, elle note qu’elle permet au moins de se rencontrer en vrai, sans s’arrêter à une photo, caché derrière son écran. Sans cela, qui aurait sympathisé avec Monique, l’octogénaire ? Sans doute personne, et pourtant, elle aussi, s’est fait des ami.es depuis.

 

  • Le site Le Speed Dating recense un certain nombre de rencontres, dans l’Hexagone et au-delà.