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Explorateur de grotte… et secouriste !

Par Agathe Perrier, le 28 juillet 2022

Journaliste

Passionné de spéléologie depuis ses neuf ans, Jean-Marc Garcia est aujourd'hui conseiller technique adjoint de Spéléo-Secours 13 © Agathe Perrier

[bénévoles #5] La Fédération Française de Spéléologie compte environ 6 500 adhérents dans tout le pays. Ces amateurs qui parcourent les cavités souterraines ou sous-marines font aussi office de sauveteurs en cas d’accident. Un service, entièrement bénévole, qui repose sur le volontariat. Tombé dans la marmite de la spéléologie quand il était petit, Jean-Marc Garcia est de ceux qui portent cette double casquette : explorateur et secouriste.

 

Quand certains choisissent le foot ou la danse comme activité sportive, d’autres optent pour la spéléologie. Une pratique qui les amène à l’assaut des profondeurs des cavités creusées dans nos sous-sols. Jean-Marc Garcia en est passionné depuis ses 9 ans. Presque cinquante ans plus tard, il fait partie des 410 membres du comité départemental de spéléologie et de canyonisme des Bouches-du-Rhône (CDSC13). Et de la soixantaine qui, en parallèle des explorations, enfilent la tenue de secouriste. « On réalise huit à dix interventions de secours dans le département chaque année. Dans la majorité des cas, c’est pour porter assistance à un animal tombé dans une cavité, à des personnes qui se sont aventurées dans l’une d’elles sans être formées, ni matériel adapté ou à des plongeurs souterrains », explique-t-il. Avec un credo : ne laisser personne en difficulté sous terre, même si elle a fait preuve d’imprudence au départ.

 

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Pour passer des brancards dans les cavités, il est parfois nécessaire de désobstruer l’accès © CDSC13

Déléguer pour mieux sauver


Le secours spéléo est très différent des autres formes de secours. C’est d’ailleurs pourquoi il a été confié à la fédération française de spéléologie (FFS) et non pas aux corps constitués comme les pompiers ou les gendarmes. « Lorsque la spéléologie s’est développée dans les années 1960, les pouvoirs publics se sont rendu compte qu’ils avaient de grandes difficultés à intervenir en milieu souterrain. C’est la commission « Spéléo-Secours », au sein de la fédération, qui est donc chargée des opérations de secours mais aussi de prévention depuis 1977 », indique Jean-Marc Garcia (bonus). Une convention lie ainsi la FFS au ministère de l’Intérieur, qui reconnaît par-là son « rôle prépondérant et incontournable ».

Cette organisation se décline ensuite au niveau départemental entre les comités de spéléologie et les préfectures. Des conseillers techniques sont nommés par le préfet. Leur mission : composer les équipes d’experts bénévoles en cas d’incident. Un rôle qu’a assuré Jean-Marc Garcia pendant dix ans avant de passer la main à Alexis Stépanian, tout en restant adjoint avec son collègue Mickaël Roman. « C’est un poste que l’on peut assumer si l’on est investi depuis longtemps sur un territoire et que l’on connaît bien ses collègues spéléologues. Car il faut connaître les compétences de chacun pour constituer une bonne équipe de secours », souligne Sidonie Chevrier, chargée de développement au CDSC13. Quand on sait qu’une intervention s’étalant sur deux jours peut nécessiter une soixantaine de bénévoles, nul doute que ce pilotage est crucial pour le bon déroulé de l’opération.

 

 

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Une intervention de secours de seulement 48 heures peut nécessiter une soixantaine de bénévoles © CDSC13

Une chaîne humaine bien huilée

Lors d’un accident, le conseiller technique organise le sauvetage et constitue les équipes de bénévoles du Spéléo Secours dépêchés sur place aux côtés du commandant des opérations de secours. Certains descendent au plus près de la victime pour établir le premier contact. D’autres sont chargés de l’évacuation ou de désobstruer l’accès si besoin afin notamment de faire passer un brancard. Il faut également du monde en surface pour assurer la logistique et le lien entre chacun. Tous ne sont en effet pas utiles au même moment. Ils sont donc appelés au compte-goutte au fil de l’évolution du sauvetage. « Contrairement à la vie quotidienne, un secours en spéléo prend du temps. Si une personne est coincée dans une grotte à deux heures de l’entrée, c’est aussi le temps qu’il faudra pour alerter les secours et le double pour la remonter », expose Jean-Marc Garcia.

Les bénévoles n’ont aucune obligation de répondre présent sur un sauvetage s’ils ne sont pas disponibles. « Lorsqu’on part en secours, la règle est de prendre son matériel et des affaires de sorte à être autonome pour les 24 premières heures, y compris en eau et nourriture », précise Sidonie Chevrier. Chacun est en théorie indemnisé par le SDIS (service départemental d’incendie et de secours) après une intervention en fonction du nombre d’heures effectuées. Dans les faits, les versements sont néanmoins difficiles à obtenir, glisse Jean-Marc Garcia. Les relations entre le SDIS13 ou le bataillon des marins-pompiers et le Spéléo-Secours 13 restent cependant constructives.

 

 

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Les spéléologues sont des explorateurs mais aussi des sentinelles de l’environnement © DR – Pascal Dagand

Danger à l’horizon

Faire du secours spéléo ne s’improvise pas. Les bénévoles doivent pratiquer et se former pour être aussi bien préparés que possible. Un exercice de secours en conditions réelles est ainsi organisé une fois par an au niveau départemental et tous les deux ans à l’échelle régionale. En parallèle, chacun participe à des formations techniques de haut niveau. Une poignée de spéléos sont par exemple spécialisés dans la plongée sous-marine pour intervenir dans les grottes immergées ou noyées. Mais, comme pour les interventions, les formations reposent là aussi sur le volontariat.

Si actuellement le nombre d’accidents annuels est faible, Jean-Marc Garcia craint qu’il n’augmente. Car de plus en plus de personnes fréquentent les grottes et cavités sans forcément connaître le b.a.-ba de la spéléologie. On compte pourtant plus de 380 clubs dans toute la France, permettant de partir en exploration en toute sécurité (bonus). Il y a d’ailleurs de nombreux recoins inconnus à arpenter : d’après la FFS, seulement 15% du monde souterrain a été mis au jour jusqu’à présent. Et chaque année, les spéléologues découvrent de 50 à 70 km de nouvelles galeries et puits. Et si vous rejoigniez le clan des derniers explorateurs de notre planète ? ♦

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Seulement 15% du monde souterrain aurait été découvert à ce jour © DR – Pascal Dagand

Bonus

  • Les grottes à découvrir – Le département des Bouches-du-Rhône ne manque pas de cavités à explorer. Pour les connaître, inscrivez-vous dans l’un des clubs de spéléo du territoire. La liste est à retrouver ici.
  • Entraide sans compet’ – Il n’existe pas de compétition de spéléologie aujourd’hui. Notamment parce que la course aux performances n’est pas en adéquation avec l’esprit et l’éthique de l’activité. Les maîtres-mots sont entraide, solidarité, convivialité et réussir ensemble. À noter que les spéléologues ne sont pas seulement des explorateurs mais aussi de vraies sentinelles de l’environnement. Ils protègent la ressource en eau et le biotope souterrain, signalent des pollutions. Ils contribuent également à la production de connaissances en lien notamment avec le milieu universitaire et diverses institutions comme l’agence de l’eau.
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La spéléologie se pratique en loisir, sans compétition © Pixabay
  • Quelques mots sur la FFS – La fédération française de spéléologie voit le jour en 1963. Elle est issue de la réunion de la Société Spéléologique de France, fondée en 1895 par Édouard-Alfred Martel, et du Comité Nationale de Spéléologie, datant de 1948. 384 clubs ou associations et des membres individuels en font partie, soit 6 525 licenciés (chiffres 2021). Elle est agréée par le ministère de l’Intérieur comme acteur de la sécurité civile. C’est d’ailleurs la seule fédération sportive en France à assurer bénévolement ses secours, sur réquisition de l’État.
  • À noter dans les agendas – Les journées nationales de la spéléologie et du canyonisme. Différents clubs proposeront une initiation à la spéléologie et au canyonisme, les 1er et 2 octobre 2022. De quoi découvrir les beautés naturelles de notre territoire et mieux comprendre cette passion qui anime spéléologues et canyonistes. Programme et infos ici.