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Supporters de l’OM ET engagés contre la fracture sociale

Par Olivier Martocq, le 9 mars 2023

Journaliste

stade-velodrome@noel-bauza-pixabay
À Marseille, le Protis Club s’efforce de réduire la fracture sociale et territoriale qui sépare les jeunes du nord de la ville de ceux du sud, en leur faisant préparer ensemble les concours post-bac. Singularité de ce programme, il a été imaginé et mis en place par un club de supporters de l’OM. L’expérimentation a été remarquée par Matignon.

Parmi les vingt jeunes qui participaient aux 3e « Rencontres jeunesse de Matignon » le 3 mars dernier, figuraient deux adhérents des South Winners, ce club aux 7500 supporters qui occupe le haut du virage sud du stade Vélodrome. Élisabeth Bornes et les six ministres présents autour de la table ont écouté Jules Sitruk présenter le Club Protis, fondé en mai dernier. Cette initiative est née d’un constat. Parmi les lycéens membres des Winners, ceux qui habitent les quartiers nord ont en effet beaucoup plus de mal dans leurs études et vont beaucoup moins loin que ceux qui habitent le sud de la ville.

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De gauche à droite, Elisabeth Borne, Abdelkarim Benguedih, Jules Sitruk et Pap Ndiaye @Matignon

Sa première promotion, une vingtaine de lycéens, travaille depuis la rentrée de septembre. Il n’y a donc pas encore de résultats ou de statistiques sur la performance du modèle qui, pourtant, a été convié à ces assises. « J’ai été surpris par le temps qui nous a été consacré et l’écoute des ministres », raconte cet étudiant à HEC, pilier des South Winners, à l’origine de ce programme. « On a exposé une idée simple. Il devrait y avoir dans les lycées publics ce qui fait la force des établissements privés : une association des anciens élèves. Car ce type de réseau favorise l’obtention de stages en entreprise qui sont essentiels pour les jeunes. Il faudrait d’ailleurs les rendre obligatoires, comme c’est le cas dans les filières professionnelles ».

L’accent, la façon de s’exprimer : premier marqueur social

Les clubs de supporters sont un lieu de brassage social, où les codes du quotidien sont balayés. Tenues uniformisées, cris d’encouragements ou insultes identiques : au Vélodrome, l’individu cède la place au groupe. Il n’y a plus de marqueur social et des liens forts peuvent se créer. « Chez les South Winners il y a le côté stade avec les tifos (animation d’avant match), le spectacle sur la pelouse et dans les gradins, mais aussi le côté hors stade c’est-à-dire l’engagement pour la ville, explique Jules Sitruk. C’est dans ce cadre qu’on a voulu construire un projet social pour rassembler la jeunesse de tous les quartiers Marseille de la ville et de tous les horizons. Quand elle est au stade, elle vibre pour la même équipe, partage les mêmes émotions ».

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Au stade Vélodrome devant le Virage Sud South Winners. De gauche à droite : Jules Sitruk président fondateur du Protis Club, Emmanuel Daher, vice-président du Protis Club, Rachid Zéroual leader historique des South Winners et vice-président du Protis Club, Manuel Nazarétian joueur de football professionnel à l’OM et président d’honneur du Protis Club, et Dany Kebaili président des South Winners @Robert Nazarétian

L’objectif fixé à la première promotion d’une vingtaine de lycéens est modeste. Ils doivent avoir d’excellentes notes aux oraux de français en Première et au grand oral du bac. Le second temps sera de préparer les concours aux grandes écoles. « On joue sur la complémentarité entre tous ces jeunes. Par le partage de moments et de rencontres d’exception dans le cadre de ces préparations. On leur ouvre de nouveaux horizons. Tous prennent conscience qu’ils sont atteignables. En résumé : on les motive pour qu’ils s’investissent plus dans leurs études ».

♦ Lire aussi l’article : Marseille, ville sol(id)aire

Des coachs hors norme

Depuis la rentrée, le Protis Club mobilise ainsi des champions du Cercle des nageurs de Marseille pour travailler le mental, des chefs d’entreprise, mais aussi le Général de corps d’armée Pascal Facon, gouverneur militaire de Marseille. Ces derniers apportent leur expertise pour l’expression orale, mais aussi l’attitude et le maintien face aux examinateurs. « Tout cela part d’une initiative de la partie haute des virages sud du stade, où je me retrouve pour la plupart des matchs, et de ce club de supporters, les Winners », explique le commandant de la zone de défense sud, reconnaissant par là même son statut de supporter.

Il poursuit : « Nous les militaires, nous avons aussi une compétence, puisqu’on passe notre temps à transmettre ce que l’on sait à nos soldats et à les former. J’ai été attiré par cette idée de brassage, de coopération, de cohésion entre différents groupes d’individus qui ne sont pas nécessairement appelés à se rencontrer en dehors de ce qui les rassemble l’OM. Ce club Protis fait sens dans la société ! »

Le groupe, notion clé 

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Supporter, c’est aussi préparer le stade avant les matchs @DR

Abdelkarim Benguedih, en première au lycée Marcel Pagnol, s’est inscrit dans ce qui s’apparente pour lui à une prépa. « Je suis d’un milieu modeste. Ça me permet de fréquenter des jeunes qui n’ont pas ma vie, pas mes codes. De partager des choses fortes ; ce qui ne se passait pas avant, même au sein des Winners où on reste entre copains du même quartier. Lors de ces cours qui sont exigeants, on a créé de vrais liens d’entraides. Il n’y a aucune hiérarchie sociale entre nous. Juste l’idée de cohésion, d’avancer ensemble… Je n’ai jamais connu ça dans mon lycée ».

Le lycéen était le second Winners à Matignon, où il a pu faire part de son ressenti et des premiers résultats. « Pour le lycée, ça sert et on le voit. J’avais un oral à préparer. Ça a été la catastrophe dans le cadre de la prépa, mais derrière j’ai eu 19. Les militaires qui nous faisaient travailler ce jour-là m’avaient débriefé et motivé ».

« On bosse pour ne pas leur faire perdre leur temps »

À ses côtés dans les locaux de l’état-major où je les rencontre à la sortie de leur cours, Gabriel et Clément opinent du chef. Ces deux lycéens sont à Provence, l’une des écoles privées les plus huppées de Marseille. « Évidemment, on bosse avant nos matières pour ne pas être ridicules et leur faire perdre leur temps, expliquent-ils. C’est le minimum de respect à avoir. Ils emploient un ton, des mots différents de ceux de nos profs. C’est plus tranché. En fait, je crois qu’après être passé devant eux, on n’a plus vraiment peur de se retrouver face à un jury classique. Ils ont l’habitude du commandement. Dans leur carrière, ils ont déjà passé de nombreuses fois des oraux. Ils savent parler et surtout avoir des idées très claires pour se faire comprendre de tous ».

Le lieutenant-colonel Sébastien Pasquier fait partie des bénévoles qui donnent de leur temps. Il écoute et sourit. « Gabriel, vous pouvez avoir 10/10 ou 20/20. Là vous avez fait une restitution de cours. C’était bien, mais on vous demande plus. Il faut proposer un plan plus ambitieux pour capter l’intérêt du jury ». ♦

*La Criée, Théâtre national de Marseille, parraine la rubrique éducation et vous offre la lecture de cet article*
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Cette méthode se décline ainsi au niveau national via des ateliers et des consultations avec toutes les parties prenantes. Et à l’échelon local, via des concertations avec des acteurs de terrain sur des sujets comme la santé ou l’école.

C’est donc en présence de la Première ministre, de membres du Gouvernement, de jeunes âgés entre 13 et 29 ans engagés dans la vie civile et politique, des élus locaux, des associations et des professionnels du monde de la jeunesse que ces consultations ont débuté.

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Cet événement est constitué d’un cycle de rencontres destinées à faire émerger des solutions concrètes. Retrouvez toutes les informations sur le CNR jeunesse sur le site du Gouvernement et sur le site du Conseil national de la refondation.