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Tariquet en lutte contre l’urgence climatique

Par Frédérique Hermine, le 28 juin 2022

Journaliste

Le célèbre vin blanc du Sud-Ouest, produit par le plus gros propriétaire-récoltant de Gascogne, investit dans la R&D et dans la biodiversité. Les Grassa, famille de pionniers depuis plus d’un siècle, sont sur tous les fronts du développement durable dans leurs vignes.

 

« Les jeunes chênes ne poussent pas sous les vieux chênes », répétait souvent Yves Grassa avant de confier l’entreprise un mois avant les vendanges 2005 à ses deux fils Rémy et Armin. Et de partir de son côté construire une nouvelle vie de céréalier en Roumanie. Les frères Grassa président depuis 17 ans aux destinées de Tariquet, entreprise familiale qui s’est fait connaître à la fin du XXe siècle pour son blanc emblématique des Côtes-de-Gascogne. « Mon père a toujours pensé que dans lagriculture, toute décision importante nécessitait souvent quinze ans de travail. Et quil fallait au moins en prendre deux dans sa vie. C’est pourquoi il a souhaité nous transmettre directement son patrimoine », raconte Rémy.

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Rémy et Armin Grassa ©DR

 

Des céréales à la vigne

Le domaine qui avait été la propriété au XVIIe de Pierre de Montesquiou, sieur de Tariquet, a été acheté par la famille en 1912. La ferme, au milieu d’un paysage gersois vallonné, vit alors d’élevage, de la culture du maïs et d’une vigne de sept hectares produisant de l’armagnac. Après-guerre, elle fonctionne quasiment en autarcie avec un potager, quelques vaches, poulets, cochons, lapins… Le grand-père Pierre Artaud et sa femme Hélène agrandissent les terres à maïs et vendent toujours des tonneaux d’armagnac.

Dans les années 60, un autre Pierre, Grassa, épouse Hélène. Ils doublent la propriété en rachetant les terres voisines, dépassant désormais la centaine d’hectares dont la moitié en vignes. Maïté et Yves qui succèdent à leurs parents au début des années 70 vont les faire passer progressivement à plus d’un millier d’hectares en développant la production de Tariquet. Le célèbre vin blanc va grandir avec l’appellation vin de pays des Côtes-de-Gascogne (née en 1982), aux côtés de la production d’armagnac.

La gamme compte désormais une quinzaine de références de vins et une gamme d’armagnacs. Ils sont distillés dans l’un des derniers alambics à plateau fonctionnant encore au feu de bois. Cela permet de recycler les piquets de vigne en acacia ! Mais en faisant prospérer la maison, les Grassa se sont aussi attachés à préserver leurs paysages de coteaux et de vallons nichés entre les bastides, les villages médiévaux, les églises fortifiées et les châteaux donjons. Entre forêt des Landes, océan Atlantique et Pyrénées.

 

Réductions à tous les étages

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Les ruches du domaine ©DR

Pionniers dans le vin, ils vont l’être également en matière de préservation de l’environnement. Le domaine est trop grand pour être converti en bio, le risque étant trop important dans une région aussi océanique. Alors ils s’en rapprochent en utilisant des amendements et des fumures uniquement d’origine organique. En baissant drastiquement l’utilisation de produits phytosanitaires. En enherbant un rang sur deux du vignoble pour préserver la vie microbienne.

Dans le même esprit, l’eau fait l’objet d’une attention particulière avec une station de traitement des effluents dès 2001. Puis un système de récupération des eaux de pluie en 2011 pour le lavage du matériel agricole. Tariquet surveille également de près sa consommation d’électricité. Étudie par ailleurs un projet de ferme solaire avec des panneaux photovoltaïques sur un hangar. De quoi pourvoir aux besoins en électricité mais également produire du froid pour les cuves thermo-régulées et la conservation des vins.

 

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Le souci de sols vivants

Les Grassa ont toujours été des bâtisseurs et des avant-gardistes. Dans la région, les grands-parents avaient été les premiers à avoir un tracteur, le téléphone, l’eau courante… Ils ont incontestablement transmis cette soif d’innovation et d’évolution aux générations suivantes. « Mon père a toujours eu la volonté daméliorer sans cesse la qualité des vins et des armagnacs. Mais il travaillait aussi beaucoup sur les sols vivants, sur l’apport de matière organique naturelle pour minéraliser les sols et favoriser la microbiologie », se souvient Rémy.

La cinquième génération de Tariquet est devenue le plus gros propriétaire récoltant de Gascogne et la principale entreprise d’armagnac. Elle revendique toujours « cette soif d’évolution et cette envie constante de transmettre la passion en gardant le lien avec nos racines, estime Armin. Après nous être focalisés sur la régularité de la qualité, nous travaillons à investir toujours plus en R&D. Afin d’améliorer la biodiversité, multiplier les indicateurs de développement durable et réduire notre bilan carbone ».

Tariquet s’est ainsi attaché à conserver ses forêts et zones humides pour améliorer le patrimoine naturel. Labellisé HVE depuis 2016, certifié ISO 14001 en 2018 et ISO 26000 depuis quelques mois pour un suivi de la vigne à la mise en bouteille, le domaine en tant que propriétaire-récoltant vient ainsi de décrocher le troisième échelon de la démarche de RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise), en phase avec les 17 objectifs du Développement Durable définis par l’ONU.

 

Faune et flore sous surveillance

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Un diagnostic faune et flore de la biodiversité a été établi ©DR

Les Grassa réfléchissent également à de nouvelles actions environnementales avec le Conservatoire d’Espaces Naturels d’Occitanie. « Nous les avons d’abord aidés à établir un diagnostic faune et flore de la biodiversité pour déterminer les actions à mener en collaboration avec des étudiants biologistes. Par exemple reconstituer des milieux non exploités comme des bois – on plante environ 5 hectares par an sur nos terres, ou des prairies – afin de favoriser l’accueil d’insectes et d’oiseaux », précise Rémy. Des zones interdites d’exploitation seront également données en gestion au Conservatoire.

 

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Capteurs d’humidité et stations météo

Rémy et Armin, passionnés par l’engagement responsable, veulent avancer au maximum les indicateurs de performance du développement durable. De nouveaux investissements en R&D ont permis la mise en place de capteurs d’humidité sur les tracteurs pour anticiper les maladies. Et l’installation de huit stations météo permet de pousser encore plus loin une agriculture raisonnée de précision, complétées par des tablettes informatisées pour les conducteurs de tracteurs. L’objectif est d’évaluer un dosage par pied, d’affiner les apports organiques et de développer des traitements en phytothérapie de haut niveau avec une start-up girondine.

« Il faut plancher sur de nouveaux modèles d’agronomie plus réfléchis et durables, avec des esprits ouverts. Tout en enrichissant un schéma régional dans le temps long et partager les connaissances, conclut Rémy. Nous voulons tendre le plus rapidement possible vers un bilan positif car aujourd’hui, l’urgence est climatique ». ♦