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« Tous en biclou » roule pour un tourisme plus vert

Par Maëva Danton, le 6 juillet 2022

Journaliste

D'après l'Ademe, le tourisme représente 11% des émissions de gaz à effet de serre du territoire national. En cause principalement : le transport.

[série tourisme #2] À Marseille, l’entreprise « Tous en biclou » propose de la location de vélos, des balades accompagnées ainsi que des conseils pour favoriser la pratique du tourisme à vélo. Pour que la découverte de la deuxième ville de France ne soit plus incompatible avec les enjeux écologiques.

Moment d’évasion et d’ouverture au monde pour ceux qui le pratiquent, le tourisme est aussi un pan significatif de l’économie du pays. Problème : d’après l’Ademe, il était en 2018 responsable de l’émission de 118 millions de tonnes de gaz à effet de serre en France. Ce qui équivaut aux émissions de 11 millions de Français sur une année entière. Un chiffre qui s’explique à 77% par le transport.

Ces chiffres, Jean-Baptiste Rufach commence sérieusement à se pencher dessus en 2020, lorsqu’il se retrouve, comme des milliards d’êtres humains, confiné pour cause de covid-19. « Je dirigeais le développement d’une entreprise d’insertion à Marseille. Et j’ai commencé à cogiter sur ce que je voulais faire de ma vie ». Alerté par les études de l’Ademe, du Giec et autre Convention citoyenne pour le climat, il a envie d’agir. Convaincu que depuis Marseille, devenue la seconde destination de vacances des Français, on peut trouver des solutions pour décarboner le tourisme. Pourquoi pas grâce au vélo.

 

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A gauche, Cyril Hoccry-Lescarmure. A droite, Jean-Baptiste Rufach. @Tousenbiclou

La bonne rencontre au bon moment

C’est alors qu’il rencontre Cyril Hoccry-Lescarmure, lui aussi acteur de la vie économique, sociale et solidaire de Marseille. Et passionné de vélo.

De Matera (Italie) à Marseille en passant par la Bretagne, « j’ai utilisé le vélo comme un vecteur d’éducation populaire, de citoyenneté et de préservation de l’environnement, confie-t-il. Avec quelques grosses aventures réalisées chaque année pour faire découvrir des initiatives en lien avec le développement durable ».

Alors forcément, lorsque Jean-Baptiste l’invite à boire une bière et lui parle de ses envies de tourisme à vélo, Cyril est conquis. « Il a trouvé l’idée géniale et m’a demandé si je voulais un associé », sourit Jean-Baptiste qui accepte évidemment la proposition.

 

♦ Lire aussi : Le vélo le plus intelligent du monde est français !

 

Après une phase de créativité « un peu folle », les deux jeunes hommes étudient ce qui existe sur le marché. « On a rencontré des structures à Rennes, Bruxelles, Toulouse… Cela nous a permis de voir comment elles se sont développées. Et nous a aidés à comprendre de quelle manière nous pourrions construire notre projet ». Puis ils se penchent sur les besoins propres au territoire marseillais. « On s’est rendu compte que, malgré une demande en forte hausse, l’offre était encore très limitée ». Notamment en ce qui concerne la mise à disposition de vélos adaptés à la fois à la ville et aux chemins.

 

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« Tous en biclou » loue 24 vélos, dont la moitié sont électriques. @TousenBiclou

Lever les freins du tourisme à vélo

Finalement, les deux entrepreneurs – accompagnés par les incubateurs Provence Travel Innovation et Inter-made – se fixent un objectif autour duquel se tisseront progressivement leurs activités : faciliter le tourisme à vélo. Ce qui passe en premier lieu par la location de 24 vélos – électriques pour la moitié d’entre eux – et d’accessoires. Des produits choisis pour leur qualité, et si possible fabriqués en France. De la vente est également proposée de manière plus résiduelle.

Mais partir à l’aventure en vélo, même électrique, peut encore faire peur à certains. Par exemple, on ne sait pas toujours quels chemins emprunter pour une conduite en sécurité. Alors « Tous en biclou » propose, pour mettre en confiance ses clients, des balades accompagnées.

« Il peut s’agir de visites assez classiques autour du patrimoine marseillais. Notre-Dame-de-la Garde, le Panier, le Pharo… Ou alors de visites thématiques pour sortir des sentiers battus ». Visites que les deux passionnés d’histoires agrémentent d’anecdotes surprenantes et méconnues.

 

♦ (re)lire : Véligood, la vie solidaire des vélos

 

L’entreprise propose également des conseils personnalisés à ceux qui voudraient se lancer dans un voyage à vélo, qu’il s’agisse d’un week-end ou d’une semaine. « En amont de la location, on propose aux clients de passer nous voir quelques heures en avance pour discuter des itinéraires, des lieux de restauration et d’hébergement ».

De simples conseils avant de, peut-être un jour, viser la qualification d’opérateur de voyage, à même de prendre en charge directement les réservations dans les hôtels et restaurants. « Mais c’est un autre métier qui demande des qualifications particulières ». Et cela nécessiterait l’embauche d’un salarié dédié, une fois que l’entreprise aura trouvé son rythme.

 

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Lorsqu’un client s’apprête à partir quelques jours à vélo, les deux entrepreneurs peuvent passer plusieurs heures avec lui afin de le conseiller. Partageant leurs bons plans itinéraires, hébergement er restauration. @Tousenbiclou

Une approche artisanale du métier

Pas question néanmoins de croître à toute allure. « On veut garder une approche artisanale du métier ». Garder la possibilité d’échanger longuement avec les clients. « C’est pour partager un café avec eux que l’on a installé ces quelques tables devant la boutique », assure Jean-Baptiste.

Une boutique ouverte le 4 juin dans un ancien local de stockage pour maçons, rue de la Loge, juste à côté de la Mairie de Marseille, a été inaugurée le 30 juin. « Pour le moment, la fréquentation est plutôt en dents de scie », fluctuant au gré des épisodes de canicule et des menaces orageuses, et du gain progressif de notoriété. Elle devrait s’intensifier dans les semaines à venir. Grâce aux efforts de communication mis en place sur les réseaux sociaux et lors d’événements locaux.

 

 

« Un tiers de nos clients sont des passants. Les profils sont assez divers. On est plutôt surpris de voir que cela intéresse un certain nombre de personnes âgées ». Et si le concept intéresse les touristes, il offre aussi aux locaux l’occasion de redécouvrir leur ville. Ou de la faire visiter à des proches de passage.

Surtout, « Tous en biclou » tente d’inciter les visiteurs à éviter les sites sur-fréquentés comme les Calanques. Au profit d’autres, tout aussi dépaysants. Histoire de limiter la pression sur les écosystèmes naturels. Mais il n’est pas toujours aisé de les convaincre. « On continuer d’essayer », sourient les intéressés. Bien décidés à apporter leur pierre à l’édifice d’un tourisme plus durable. ♦

 

Bonus

  • Une entreprise de l’économie sociale et solidaire – Reconnue Entreprise de l’économie sociale et solidaire, « Tous en biclou » s’engage notamment à assurer une gouvernance horizontale de l’entreprise. Elle envisage d’ailleurs à l’avenir de passer du classique statut de Société à responsabilité limitée à celui de Société coopérative et participative. Elle dispose en outre d’objectifs de lucrativité limités. « C’est-à-dire qu’on n’a pas de dividende et que les bénéfices sont réinvestis dans l’entreprise ». Que ce soit au travers de salaires ou d’investissements matériels.