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Une traversée du Pacifique en paddle pour les enfants malades

Par Nathania Cahen, le 2 septembre 2022

Journaliste

La waterwoman Emmanuelle Bescheron sur son paddle ©Cap Optimist Jérémie Gabrien

En janvier prochain, Emmanuelle Bescheron va abandonner Hossegor, son quotidien et sa petite famille. Pour relever, avec cinq autres « waterwomen », un incroyable défi baptisé Cap Optimist : 8000 kilomètres de traversée de l’océan Pacifique de Lima à Moorea, en paddle board. Par-delà le challenge, il y a surtout une belle cause : une mise en lumière et une collecte de fonds pour l’association Hope Team East, qui organise des défis sportifs pour des malades touchés par le cancer.

 

Rien d’étonnant à ce qu’Emmanuelle Bescheron soit l’une des six rameuses qui vont se relayer lors l’expédition Cap Optimist. Elle coche toutes les cases : sportive, culottée, téméraire, généreuse et engagée. Coach sportif à Hossegor (Landes), elle a décroché par deux fois, en 2014 et 2018, le titre de championne du monde de sauvetage côtier.

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La team des six waterwomen de Cap Optimist ©Cap Optimist Jérémie Gabrien

Je l’ai rencontrée chez elle cet été, dans sa charmante maison de style basque. Entre deux cours, celle que tout le monde appelle Manue pouponne sa petite fille âgée de 4 mois. En profite un max. Car relever les défis Cap Optimist suppose de se séparer de sa famille pour des périodes plus ou moins longues.

Et le prochain sera des plus longs : environ 8000 kilomètres entre Lima (Pérou) et Moorea (Polynésie) en quelque 90 jours. À ce jour, cette traversée n’a encore jamais été tentée en prone paddle board (lire bonus).

 

100 euros le kilomètre

Cet incroyable défi sportif est réalisé au profit de Hope Team East (lire l’ITW d’une des cofondatrices en bonus), qui accompagne par le sport des personnes malades, suivies pour un cancer (en cours de traitement et post-traitement) dans les Landes et les Pyrénées Atlantiques. Cela va permettre de rendre plus visibles les actions de l’association et de collecter des fonds (chacun des 8000 kilomètres est en vente à 100 euros). L’argent sera utilisé pour absorber une partie des frais et, surtout, pour financer les défis sportifs que de jeunes malades du cancer ont envie de relever. Tout défi passe en effet par une formation d’un an, digne d’un sportif de haut niveau, assortie de conseils sur la nutrition ou sur le mental. Une jeune femme a ainsi pu traverser la baie de Saint-Jean-de-Luz à la rame. Un autre a parcouru une portion du chemin de Saint Jacques de Compostelle.

 

(re)lire : Sourire à la vie, grand supporter des enfants atteints de cancer

 

« Prouver aux enfants que tout est possible »

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Emmanuelle Berscheron en mars 2022

« Ce défi, c’est prouver aux enfants que tout est possible, qu’on peut réaliser ses rêves. C’est aussi pour nous les waterwomen l’occasion d’en découdre et de régler certaines choses avec la vie, avec notre histoire. Mais c’est clairement la dimension solidaire qui nous porte », considère Emmanuelle Bescheron.
La trentenaire a rejoint l’association en 2019, sollicitée en tant que coach sportif pour aider un « Optimist » (nom donné aux personnes accompagnées) à réaliser un défi en stand up paddle.

« C’est un engagement quasi-quotidien, reconnaît l’athlète. Qui s’intensifie avec l’échéance qui se rapproche. » Cela veut dire mettre entre parenthèse son activité de sports aquatiques pleine nature plusieurs jours, semaines ou mois. Confier à son compagnon leur petite fille née en avril 2022 lors des entraînements (juste avant l’été, une traversée test de 1800 km entre Monaco et Athènes a été effectuée en 13 jours), des moments de représentation (une soirée caritative à Biarritz le 6 octobre, une soirée avec les partenaires au casino d’Hossegor le mois suivant…) puis pendant cette épreuve sportive qui se déroulera à l’autre bout du monde.

 

« Les bases arrières doivent être solides »

« Gauthier mon compagnon a très bien géré jusqu’à présent, se félicite Emmanuelle. C’est une décision prise à deux. Les bases arrières doivent être solides, tout comme la cellule familiale. J’espère quand même être rentrée pour souffler la première bougie de ma fille ! » Une préparation mentale avec des coachs spécialisés est du reste dispensée aux six waterwomen, pour gérer notamment la séparation, les émotions, l’appréhension mais aussi les possibles embûches.

Ce super défi caritatif va profiter aux enfants vulnérables qui se battent contre la maladie. Y compris dans les pays partenaires de la traversée. Pour leur rendre hommage et développer des actions « sport et mental ». Ici en France, les totems Cap Optimist, sortes de guichet interactif avec des informations sur le sport santé, se multiplient : une dizaine d’implantations dont l’hôpital Pellegrin à Bordeaux et la clinique Belharra à Bayonne. Ainsi que des mallettes pédagogiques pour les scolaires, « Un défi dans mon école » avec des fiches pédagogiques, des goodies et des challenges collectifs.

De belles initiatives qui décuplent l’énergie et l’audace de cette formidable bande de sirènes. « C’est la dernière ligne droite, confie Emmanuelle. Avant Lima, il nous reste trois mois de préparation physique, mentale, logistique et opérationnelle. Nous avons hâte mais restons conscientes de l’enjeu et, malgré l’excitation, concentrées pour prendre un départ serein.»

 

* L’AP-HM, Assistance publique des hôpitaux de Marseille, parraine la rubrique santé 
et vous offre la lecture de cet article *

 

Bonus

[pour les abonnés] – Trois questions à Alexandra Le Mouël, cofondatrice de Hope Team East – Le prone paddle board – Supplément d’infos sur la traversée –

  • Trois questions à Alexandra Le Mouël, cofondatrice de Hope Team East

Dans quelles circonstances l’association est-elle née ?

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Alexandra Le Mouël, cofondatrice de Hope Team East © DR

Hope Team East est née en 2015 sur une expédition au Cap Horn menée par Stéphanie Geyer-Barneix et sur laquelle j’étais cheffe d’expédition. Nos histoires de vie se sont percutées : Stéphanie avait déjà eu deux cancers et moi j’avais suivi les traitements lourds de ma mère. Stéphanie était jeune lorsqu’elle cela a été diagnostiqué. Elle faisait alors partie de l’équipe de France de sauvetage côtier et sa réponse à l’oncologue a été : « c’est la maladie qui devra s’adapter ! ». L’idée a tout de suite été d’utiliser le sport pour accompagner celles et ceux qui ont moins d’énergie durant leurs traitements. Les aider à mettre ou remettre le corps et l’esprit en mouvement. On s’est rapprochées du corps médical pour bien comprendre les traitements et établir les protocoles. On parlait beaucoup moins de sport santé alors…

Combien de personnes ont déjà été accompagnées ?

Une traversée du Pacifique en paddle pour les enfants malades 5Plus de 200 à ce jour, entre les Landes et les Pyrénées Atlantiques. L’accompagnement d’un « optimiste » pendant un an s’élève en moyenne à 1200 euros. Il faut notamment rétribuer les éducateurs en activité physique. Notre budget pour trois ans se monte aujourd’hui à 800 000 euros. Abondés grâce à des événements (des courses, notre Défi Day en juin…), des super défis comme Cap Optimist, des dons, du mécénat (financier, de compétences, en nature).

Avez-vous en projet d’ouvrir des antennes dans d’autres régions de France ?

Pas pour le moment, même si nous sommes régulièrement sollicités. Nous préférons que notre modèle soit bien structuré. D’autre part, notre priorité est avant l’ouverture à d’autres publics.

Au début, le parti pris a été d’accompagner des femmes vivant avec un cancer du sein. Puis nous avons élargi aux hommes. Et avec Cap Optimist, nous avons embarqué les enfants.

 

♦ Lire aussi : Sport sur ordonnance

 

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    Un catamaran navigue à la hauteur du paddle ©Cap Optimist Jérémie Gabrien

    Le prone paddle board. Apparu dans les années 1920-1930 et utilisé par les surveillants de plage pour porter secours à un baigneur en difficulté. C’est un sport qui consiste à utiliser une planche spécialement conçue pour ramer et se déplacer en utilisant les bras, en position à plat ventre ou à genoux. Le stand up paddle se pratique lui debout avec une pagaie.

 

  • Plus d’infos sur la traversée. Expédition Cap Optimist est une traversée en relai continu sur une planche de prone paddle board. Tout se déroule sur un terrain de jeu lointain et hostile, accompagné d’un voilier d’assistance avec cinq personnes à bord. L’équipée prendra le large depuis Lima le 4 janvier, fenêtre météo idéale afin de pouvoir profiter des vents arrière. Les rameuses (âgées de 23 à 47 ans) se relaient toutes les heures, 24h/24. Un catamaran navigue à leur hauteur avec celles qui récupèrent. La température de l’eau est plutôt élevée par rapport aux deux premières traversées donc nécessite d’intégrer des protections pour éviter déshydratations, insolations, maladies chroniques de la peau, dessèchement…

Les rameuses devront dans leur préparation mentale intégrer la faune sous-marine dans cette zone. Les relais de rame seront mis en place en fonction de ces paramètres sachant que les nuits seront longues et difficiles pour leurs organismes. En effet, les rameuses n’auront pas de point de repère, ce qui provoque le mal de mer.

Bien évidemment, Marcelle va suivre ce périple et vous donnera des nouvelles de l’expédition.

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