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Zéro bouteille plastique pour l’eau … pas si simple ! 

Par Olivier Martocq, le 9 juillet 2019

Journaliste

Photo Mairie d'Arles

« C’est à chacun de changer ses habitudes et de choisir d’avoir une gourde plutôt que d’en être une ». Sacré slogan pour un sacré défi ! Le lancement à Arles du « challenge zéro bouteille plastique », en juin dernier, a donné lieu à des articles et commentaires élogieux sur les réseaux sociaux. L’idée est simple : permettre aux touristes munis de gourdes ou de gobelets de s’approvisionner gratuitement en eau du robinet dans de multiples lieux en ville. Un mois plus tard, force est de constater que Stéphanie Dick, à l’initiative de cette démarche, est un peu seule dans sa croisade.

 

J’ai croisé cette jeune femme sur le plateau de l’émission Ensemble c’est mieux sur France 3, où je venais parler de mon enquête sur le tourisme. Le reportage en image sur son initiative, complété par son interview m’avait interpellé. Comme je devais aller à Arles pour traiter du off des rencontres de la photo, rendez-vous a été pris sur place. J’ai ainsi pu me rendre compte « in situ » de l’état d’avancement du challenge et de son impact sur les touristes.

 

Un challenge simple et vertueux

Dans le TER entre Marseille et Arles, je me suis replongé sur ce qui avait été écrit sur le sujet. Une compilation m’a permis de me faire une idée plus précise de ce que je savais déjà. Une opération pilotée par l’éco-designer Stéphanie Dick et l’association Zéro Déchet Pays d’Arles. Soutenue par la région Sud Provence Alpes Côte d’Azur et la communauté d’agglomération ACCM (Arles Crau Camargue Montagnette). Visant la création d’un cercle vertueux dans la ville pendant la saison estivale. Les commerçants qui vendent des bouteilles d’eau en plastique sont invités à s’équiper d’une borne reliée au réseau d’eau de la Ville pour remplir (gratuitement ou pas) les gourdes des consommateurs ou leur fournir un gobelet en plastique consigné. Ce gobelet en plastique peut être rendu (ou rempli à nouveau) dans n’importe quel commerce de la Ville participant au Challenge. L’objectif est également de faire la promotion et de vendre des gourdes réutilisables. « C’est à chacun de changer ses habitudes et de choisir d’avoir une gourde plutôt que d’en être une » : le slogan de la campagne est ironique. Mais aussi limpide, simple et vertueux. En plus des institutionnels, les festivals (Les Suds, Convivencia, les Rencontres internationales de la photo) étaient partenaires dès le lancement. Bref, sur le papier, le succès de l’opération ne faisait aucun doute.

 

L’habitude, ce frein terrible !

Zéro bouteille plastiques pour l’eau … pas si simple !  2Sur la place de la Mairie, les groupes de touristes se succèdent. Italiens, chinois, russes, la plupart sont accompagnés de guides. Qui ne donnent pas vraiment l’exemple. Aucun ne porte une gourde. Tous en revanche tiennent la sempiternelle bouteille de 50 cl au bout du bras. Côté touristes, pas de ligne directrice concernant les nationalités. Les jeunes semblent plus sensibilisés, peut-être parce qu’ils portent tous des sacs à dos et que la gourde fait partie de leur attirail.

Pour être positif on dira qu’un sur 100 avait une gourde en évidence. Sur le site du challenge zéro bouteille plastique, on comprend pourtant vite tout l’intérêt, y compris financier, de la démarche. Les Français dépensent en moyenne pour boire 2 euros via l’eau du robinet et 200 euros en bouteille, sans compter ce que coûte à la société l’élimination des déchets. Parmi les autres chiffres qui claquent : 10 000 bouteilles d’eau seraient achetées chaque minute en France. J’ai regardé ce que j’avais moi-même consommé dans l’après-midi, à la terrasse des cafés car j’avais du temps et flânais. L’équivalent de quatre demi-bouteilles, soit 8 euros si je les avais achetées dans des épiceries et autres boulangeries.

 

Trop seule, malgré tout !  

Zéro bouteille plastiques pour l’eau … pas si simple !  1
Stéphanie Dick.

Première déconvenue, en sillonnant les rues d’Arles à la recherche des panneaux indiquant les lieux d’exposition du festival de photo off- au passage la plupart des galeries éphémères sont aménagées dans des endroits charmants tout comme les artistes qui les investissent- j’ai eu le plus grand mal à repérer le macaron signalant un commerçant contributeur, en dehors de ceux signalés dès le départ comme Bocal & Co, l’épicerie zéro déchet, ou le restaurant la Cantine végétale. « Il y en a une quinzaine pour l’instant », me soufflera lors de notre rencontre Stéphanie Dick. Elle m’a d’ailleurs fixé rendez-vous chez l’un d’entre eux, une épicerie fine sur la place de la mairie. Xavier Donadio, le gérant, est sympathique. Il a placé les gobelets consignés en vue. N’a pas la place pour mettre une fontaine à eau réfrigérée, « mais l’eau du robinet est fraîche ». Petite incongruité quand même, dans une armoire frigorifique des bouteilles d’eau en plastiques s’alignent. « Beaucoup d’étrangers n’ont pas confiance dans la qualité de notre eau du robinet, donc je continue à en vendre », explique-t-il. En le poussant un peu dans ses retranchements, on perçoit aussi que sa démarche n’est pas qu’environnementale même s’il estime qu’il faut vraiment avancer sur ce point. « Pour moi c’est du gagnant-gagnant car je vois bien que ceux qui passent la porte pour me demander de l’eau repartent toujours avec quelque chose de la boutique ». Cette nouvelle clientèle potentielle est d’ailleurs la base du modèle que Stéphanie Dick tente de mettre en place. « Pour peu qu’elles aient un point d’eau, des boutiques de vêtements, de souvenirs peuvent ainsi attirer des personnes qui n’auraient jamais franchi le pas de leur porte ». Rien de scandaleux à cela, l’acte d’achat n’est pas lié à l’obtention du verre d’eau. « C’est souvent inconscient. Comme si le voyageur assoiffé tenait à rendre la pareil pour ce geste gratuit », constate Xavier Donadio. « Le modèle est vertueux, me martèle à nouveau Stéphanie Dick. Mais si on veut vraiment faire la démonstration de son efficacité il faut un soutient des institutions. De l’affichage, de la publicité ». Or, faute de moyens, il n’y a pas eu de réelle campagne de communication. La communauté d’agglomération a joué le jeu en publiant une carte indiquant les commerçants qui participent. « Mais si on veut que ça marche, il faut une appli qui indique au marcheur en un clic le point d’eau le plus proche de là où il se trouve ». Stéphanie Dick ne le dit pas, mais on comprend alors qu’elle porte l’opération quasiment seule et à bout de bras. Il n’y a pas, hélas, que le touriste à convaincre ! ♦

 

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