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Un service civique à l’étranger pour les autres (et pour soi)

Par Agathe Perrier, le 12 juillet 2021

Journaliste

© Agathe Perrier

[bénévoleS] Pas facile de se projeter dans un avenir professionnel quand on a 18 ans. Ayoub en a fait l’expérience. Lancé dans des études de droit, il décroche et se tourne vers un job d’animateur en centre aéré. Le contact avec les enfants éveille sa fibre sociale. Si bien qu’il ne reprendra jamais le chemin de la fac, préférant vaquer de poste en poste pour aider les plus jeunes, des mineurs en difficulté, parfois migrants non-accompagnés.

 

« J’ai besoin de faire quelque chose où je me sens utile ». Ce leitmotiv rythme la vie d’Ayoub depuis ses 18 ans. Il en a aujourd’hui 25 et n’a pas démordu de cette philosophie. Pour preuve : il est éducateur spécialisé au sein de l’association marseillaise Hospitalité Pour les Femmes (HPF), dans le service dédié aux mineurs non accompagnés. Un job qu’il a obtenu il y a un an et demi, sans diplôme, grâce à ses seules compétences, son savoir-être et ses nombreuses expériences passées. Toutes au contact des autres.

 

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Ruelle du quartier d’Albaicín, à Grenade © Agathe Perrier
Ma mère m’a transmis la fibre sociale

Short de plage, tee-shirt et banane autour de la taille, Ayoub a le look des jeunes de son âge. Mais contrairement à certains, il a la parole facile. Se livre comme il le ferait avec un ami d’enfance retrouvé après plusieurs années. « Ma mère a toujours travaillé dans le social. C’est elle qui m’a transmis cette fibre, cette envie d’être utile », explique-t-il.

Envie qu’il concrétise dès la sortie du lycée, en donnant des cours de français à des jeunes en décrochage scolaire, en parallèle de ses études de droit. Une activité dans laquelle il s’épanouit. Et qui l’éloigne petit à petit des bancs de la fac où il ne se sent pas à sa place.

Malgré tout, il retente sa chance l’année suivante, cette fois en filière langue étrangère. Même déception et l’éternelle question revient : que faire ? « J’avais envie de voyager, découvrir d’autres endroits. Alors j’ai postulé à deux services civiques, en Bolivie et en Espagne ». C’est cette dernière destination qui lui ouvre les bras. Direction Grenade pour quatre mois, avec pour mission de valoriser la francophonie en Andalousie (voir bonus).

 

Le déclic à l’étranger

Parti avec trois autres jeunes en service civique, Ayoub fait un peu bande à part. « Je me suis détaché du groupe pour m’imprégner de la culture locale, rencontrer de nouvelles personnes, apprendre la langue. J’ai adoré l’énergie et l’atmosphère de Grenade », confie-t-il. S’il profite de son temps libre pour faire la fête et visiter le sud du pays de Cervantès, il n’en délaisse pas moins le but initial de sa venue. « J’ai surtout donné des cours de français à des publics très différents, des enfants comme des expatriés ou des retraités. Et aussi des étudiants, ceux que j’ai préférés car ils ont vraiment l’envie d’apprendre ».

Une expérience qui conforte son envie de travailler dans le social. Lorsqu’il revient en France, il se met en tête de passer en alternance le diplôme d’éducateur spécialisé. Mais les places sont rares et la motivation du jeune homme est soumise à rude épreuve. « Je me suis imposé une rigueur pour tenir le coup durant cette période de recherche. Chaque jour je postulais pendant deux heures, je prenais des cours d’arabe à distance, je faisais du sport. Tout pour ne pas tomber dans une sorte de nonchalance », expose-t-il. Une discipline finalement récompensée puisqu’il décroche son poste actuel.

 

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L’Alhambra, l’un des monuments majeurs de Grenade © Pixabay Licence
Ne jamais se fermer de portes

Ayoub se considère chanceux d’exercer le job dont il a rêvé, en CDI, malgré l’absence de diplôme. Il sait également que, s’il en est arrivé là, c’est grâce à son travail. « Je ne me suis pas découragé malgré les échecs ». Il ressent néanmoins le besoin de prendre du recul avec ce métier. « Accompagner des mineurs sans ressources est quelque chose de beau. Mais c’est aussi très usant car on donne énormément de notre personne. C’est difficile de mettre la bonne distance, il y a des moments où tu perds pied », reconnaît-il.

Les 10 jeunes qu’il suit depuis un an et demi auront tous bientôt une situation stabilisée. Avant que d’autres ne les remplacent, Ayoub quittera son poste pour de nouveaux horizons.« Je vais passer une VAE (ndlr : validation des acquis de l’expérience) afin de valider mon diplôme d’éduc’ spé. Si je pense arrêter pendant quelque temps, je sais que j’y reviendrai ». Comme toujours, le jeune homme ne veut se fermer aucune porte. Et s’il en est une qu’il laissera ouverte en toute circonstance, c’est bien celle du contact humain. ♦

 

Bonus 
  • Le service civique à l’étranger d’Ayoub via l’association Eurocircle Cette ONG européenne développe et réalise des projets transnationaux, notamment dans le domaine de la mobilité internationale des jeunes. Ces projets(échanges interculturels, formations, volontariat) ont pour but de favoriser l’émergence d’une citoyenneté européenne interculturelle, basée sur les valeurs de la tolérance, de l’égalité, de la paix, de l’écologie et de la solidarité. Pour l’association, les expériences à l’étranger ont un réel effet remobilisateur sur les jeunes, dont beaucoup sont en décrochage scolaire, au chômage ou en situation de vulnérabilité. 70% d’entre eux trouvent d’ailleurs un travail, un stage ou reprennent des études à l’issue de cet accompagnement.